L’Observatoire de la Fintech : catalyseur d’innovation et de transformation

L’innovation technologique, notamment via l’IA et la blockchain, transforme le secteur financier en aux exigences de rapidité et de transparence. L’Observatoire de la Fintech, sous la présidence de Mikaël Ptachek, joue un rôle déterminant dans l’analyse des tendances Fintech en France, en publiant des rapports annuels et en organisant conférences et formations pour enrichir l’écosystème.
Quel rôle joue l’innovation technologique dans la transformation actuelle des services financiers ?
L’innovation technologique agit comme un catalyseur de changement dans les services financiers. Elle permet d’améliorer l’expérience client tout en révolutionnant certains modèles historiques. Par exemple, en France, des fintechs comme Nickel ont démocratisé le compte bancaire pour tous. Younited a introduit le crédit 100 % en ligne sans intermédiaire bancaire. Qonto a repensé la banque professionnelle en partant des besoins des indépendants et PME, avec une approche orientée produit. Toutes ces innovations ont bouleversé les acteurs traditionnels du secteur financier et sont venues répondre à un besoin de rapidité, de transparence et d’autonomie des clients, qu’ils soient des particuliers ou des entreprises.
Avec la montée des technologies comme l’intelligence artificielle et la blockchain, comment pensez-vous que les entreprises financières peuvent rester à la pointe de l’innovation ?
Pour rester à la pointe, les entreprises financières doivent intégrer l’IA ou la blockchain comme des leviers opérationnels. L’IA est déjà utilisée dans la détection de fraude, la lutte anti-blanchiment, l’analyse de crédit, l’automatisation des traitements administratifs et comptables, la personnalisation des offres d’investissement. La technologie IA évolue très vite. Elle va continuer à permettre aux entreprises financières de gagner en productivité, et les offres des fintechs seront de plus en plus automatisées avec des applications qu’il est encore difficile d’imaginer aujourd’hui. En revanche, l’être humain devra toujours décider en dernier ressort.
“Rester à la pointe des avancées technologiques implique
de savoir collaborer avec des start-up, intégrer des talents techniques,
et tester rapidement de vrais cas d’usage.”
Quant à la blockchain, elle est surtout utilisée dans les cryptos actifs et les initiatives de tokenisation d’actifs. La tokenisation reste encore sous-utilisée aujourd’hui mais elle devrait se développer.
Rester à la pointe des avancées technologiques implique de savoir collaborer avec des start-up, intégrer des talents techniques, et tester rapidement de vrais cas d’usage.
En bref
L’Observatoire de la Fintech, créé en 2019 sous la présidence de Mikaël Ptachek, est une association loi 1901 dédiée à la diffusion de la connaissance sur le secteur de la Fintech en France, collaborant avec des organismes internationaux pour analyser et suivre les tendances du secteur.
En 2024, il a observé une croissance significative avec 1,3 milliard d’euros levés et 54 opérations de fusions et acquisitions, reflétant une dynamique de consolidation dans un écosystème en pleine expansion.
Quels nouveaux modèles économiques émergent dans le secteur de la Fintech, et comment pensez-vous qu’ils affecteront le paysage financier traditionnel ?
À l’échelle internationale, on observe l’essor de modèles économiques davantage orientés vers l’utilisation accrue de plateformes tout-en-un, telles que l’agrégation de services via des API comme chez Plaid, ou vers la désintermédiation, comme le fait eToro pour l’épargne ou Coinbase dans le domaine des cryptomonnaies. On note également l’émergence de néobanques régionales, telles que Nubank en Amérique latine ou Revolut en Europe. La grande disruption à la base de la Fintech qui continue aujourd’hui à offrir des modèles économiques vastes et rentables, a permis d’offrir le paiement à des marketplaces internationales à grande échelle, comme le font Adyen ou Stripe.
On assiste également à l’émergence de modèles intégrés comptabilité/banque, ainsi qu’à la finance embarquée avec des acteurs tels que Xero, Pennylane ou Qonto. On a également assisté à une segmentation encore plus grande des marchés selon les âges de la vie, ou selon l’impact que l’on peut donner à son épargne du fait d’un coût d’entrée plus faible qu’autrefois. Ces importantes innovations sont détaillées à travers 40 champions internationaux de notre palmarès annuel « Le Fintech40 »4.
Ces modèles « challengent » les banques traditionnelles, qui doivent désormais composer avec des écosystèmes variés et des acteurs spécialisés et centrés sur l’expérience utilisateur.
La régulation est-elle un frein ou une opportunité pour l’innovation dans la Fintech ? Pourriez-vous nous donner votre perspective sur ce sujet ?
La régulation peut être une opportunité pour l’innovation dans la Fintech. Comme on le constate dans notre dernière publication de l’Observatoire de la Fintech « Les Cahiers de la Fintech : Compliance 2025 »5, la réglementation a joué un rôle déterminant dans les développements des fintechs. La France s’est distinguée en étant à l’avant-garde des diverses réglementations qui ont bouleversé les systèmes financiers avec la mise en place de différents agréments (EC, PSP, PSAN, PSIC, PSFP), permettant à des fintechs d’opérer dans des domaines tels que le paiement, les cryptoactifs, l’assurance, ou encore le crowdfunding.
D’autre part, la régulation protège l’écosystème des abus et renforce la confiance des investisseurs. Bien que la conformité puisse effrayer certains entrepreneurs et alourdir les coûts de certaines fintechs, des réglementations comme DORA ou la RGPD demeurent essentielles. C’est pourquoi des institutions telles que l’ACPR ou l’AMF jouent un rôle crucial en accompagnant les différents acteurs dans leur parcours réglementaire et en assurant la protection de la clientèle.
Les levées de fonds dans le secteur Fintech ont montré une certaine volatilité. Quel est votre avis sur la manière dont les start-up peuvent naviguer dans ce contexte ?
La période post-2022 a été marquée par une correction des excès de levées de fonds observées durant les années 2021-2022, en raison des taux négatifs de cette période.
Dans notre dernière publication annuelle « L’Année de la Fintech 2024 »6, nous soulignons que les levées connaissent aujourd’hui un regain d’intérêt. Toutefois, elles s’accompagnent d’une sélectivité accrue et d’une plus forte recherche de rentabilité. Les méga-deals sont réapparus en 2024 avec trois opérations supérieures à 100 M€ (Alan, Pigment, Akur8). De plus, les investisseurs internationaux se sont montrés plus actifs en France, même si des investisseurs français de premier plan ont aussi joué un rôle significatif en 2024.
Si on regarde les levées sur une période de dix ans, en dehors des deux années 2021-2022, on constate une hausse régulière des investissements.
Pour les fintechs en général, l’évolution des levées de fonds implique de passer d’un modèle centré sur la croissance à tout prix à un modèle d’efficacité économique. Les investisseurs valorisent désormais des aspects comme la rentabilité, la rétention client ou la génération de cash-flow. En parallèle, les partenariats stratégiques avec des grands groupes (banques, assurances, corporates) peuvent fournir des relais de croissance alternatifs au capital-risque pur.
Quelles sont les principales tendances que vous identifiez pour les fintechs en 2025 et leur impact potentiel sur les marchés financiers ?
On peut noter trois tendances fortes pour les Fintechs en 2025 :
- La finance durable et l’ESG : des fintechs comme Greenly, Sweep ou Iceberg Data Lab développent des outils de mesure d’impact et de reporting ESG, intégrés aux systèmes financiers. Cela va transformer la manière dont les portefeuilles sont construits, notés et régulés.
- L’intelligence artificielle générative : elle pourrait redéfinir la gestion de la relation client (chatbots, analyse de risques, automatisation comptable), à condition d’être maîtrisée dans des cadres stricts de transparence.
- La modularisation des services bancaires : les fintechs ne cherchent plus à tout faire, mais à s’interconnecter via API, créant un écosystème de services imbriqués. Cela renforce des acteurs comme Treezor, Lemonway, Bridge ou Powens, qui fournissent la couche technique.
Quelles sont les implications des incertitudes politiques sur l’écosystème Fintech, surtout dans un pays comme la France ?
L’incertitude politique impacte surtout l’accès au financement public, la fiscalité et la lisibilité des politiques d’innovation. Un climat politique instable peut freiner l’investissement étranger, créer une aversion au risque sur les projets innovants, voire provoquer des arbitrages d’implantation ailleurs (comme à Berlin ou Amsterdam). La stabilité réglementaire et fiscale est donc un atout stratégique pour garder nos talents et nos capitaux.
L’Observatoire intervient dans l’enseignement supérieur, notamment au MSc Entrepreneurs de l’École Polytechnique. Comment ces interactions enrichissent-elles l’écosystème des jeunes entrepreneurs en Fintech ?
L’Observatoire forme chaque année une quarantaine d’étudiants dans les deux mastères. À travers ce semestre de 50 heures, les étudiants effectuent une immersion dans la Fintech et rencontrent plus de 30 professionnels experts dans de nombreux domaines : panorama et histoire de la Fintech, enjeux de transformation des services bancaires, Tech, IA, paiements, crédit, néobanques, investissement, assurtech, cryptoactifs, cybersécurité, inclusion financière, ESG sont autant de sessions enseignées.
L’objectif de ces formations est résolument d’enrichir l’écosystème de jeunes entrepreneurs motivés et formés. Certains vont directement créer une fintech, d’autres vont trouver un emploi dans l’écosystème.
Le Fintech Challenge organisé avec Polytechnique et HEC est l’un des événements phares. Pourriez-vous partager des exemples concrets de projets innovants qui ont émergé de ces collaborations et leur impact sur le secteur ?
Par groupe de cinq, les étudiants vont travailler durant un semestre sur un projet de création d’une fintech. Tout au long de la période, ils vont être suivis, aidés et mentorés par les leaders sectoriels Fintech de l’Observatoire, qui vont challenger leur travail et les orienter vers des facilitateurs de business de leurs réseaux.
“Les étudiants sont suivis, aidés et mentorés par les leaders sectoriels Fintech de l’Observatoire, qui vont challenger leur travail et les orienter vers des facilitateurs de business de leurs réseaux. ”
Cette action se ponctue par la présentation de chaque projet à un Grand Jury d’experts, autour de Bruno Martinaud7, co-Responsable du Master, et de moi-même, responsable de l’enseignement Fintech.
Au cours des dernières années, de nombreuses fintechs se sont lancées à l’issue de ce master, comme Aplo8 (investissement, cryptoactifs), Karmen9 (financement), Goodvest10 (investissement green), Killbills (paiement, dématérialisation du ticket de caisse), Lola Health11 (assurtech), REasy12 (paiements internationaux pays émergents), Estaly13 (assurtech), Escape14 (cyber), Vemos15 (investissement de la trésorerie), Fingreen AI16 (automatisation du reporting ESG) ou encore VegaSpark Technologies17 (climate/fintech).
Quel conseil donneriez-vous aux étudiants de Polytechnique qui souhaitent se lancer dans l’entrepreneuriat Fintech ?
Avant de se lancer dans l’entrepreneuriat Fintech, les étudiants doivent avoir bien étudié leur marché et défini un business plan solide. Le projet doit être disruptif, apporter une vraie plus-value et avoir un impact ESG.
Apprendre à développer le projet et maîtriser l’art du « pitch » devant des investisseurs s’apprend. Il est également crucial de ne pas sous-estimer les risques et d’avancer progressivement en fonction des moyens disponibles ou de pivoter selon les contraintes et opportunités rencontrées. S’entourer d’associés et d’équipes investis est également déterminant pour la réussite.
Ressources :
- https://www.linkedin.com/in/mptachek/
- https://fintech-metrix.com/
- https://www.tech-fin.net/
- https://fintech-metrix.com/indice-fintech40/
- https://fintech-metrix.com/elementor-8743/
- https://fintech-metrix.com/annee-de-la-fintech-2024/
- https://www.linkedin.com/in/brunomartinaud/
- https://www.aplo.io/
- https://www.karmen.io/
- https://www.goodvest.fr/
- https://www.lolahealth.fr/
- https://www.reasy.fr/
- https://www.estaly.co/
- https://escape.tech/
- https://vemos.fr/
- https://fingreen.ai/fr/
- https://www.linkedin.com/company/vegaspark-technologies/»VegaSpark Technologies : Présentation | LinkedIn.




