L’IA transforme les processus décisionnels des entreprises

Spécialisée dans les mathématiques décisionnelles, l’optimisation et l’intelligence artificielle, EURODECISION offre des services d’analyse de données et de développement d’algorithmes pour aider les entreprises à prendre de meilleures décisions. Gérald Petitjean, Directeur de l’Innovation d’EURODECISION, nous partage sa vision.
En tant que Directeur de l’Innovation chez EURODECISION, comment voyez-vous l’IA transformer les processus décisionnels au sein des entreprises aujourd’hui ?
Quand EURODECISION a été créée en 1987, l’aide à la décision (le terme IA n’était soit plus à la mode, soit pas encore revenu à la mode) était encore une affaire de spécialistes chez nos clients.
Depuis, deux phénomènes ont conduit à une accélération de l’adoption de l’IA. Premièrement, d’un point de vue purement technique : les progrès spectaculaires des machines (le hardware), permettant de stocker un nombre très important de données et de diminuer considérablement les temps de calcul des algorithmes ; ainsi que la richesse et la vivacité de l’écosystème des bibliothèques open source (le software), permettant d’avoir accès à de nombreux algorithmes et modèles d’IA, fiables et performants. Deuxièmement, d’un point de vue métier, nos clients font face à de nombreux défis : le désilotage des organisations, le besoin de s’adapter très rapidement et très fréquemment au marché, la nécessité de réduire leurs coûts et d’améliorer la qualité de leurs produits et services, les enjeux liés au climat, au développement durable et à la transition énergétique.
En résumé, la technique et les besoins se sont rencontrés : nous avons la capacité de répondre aux besoins de nos clients.
« Nos modèles et algorithmes permettent d’améliorer la qualité des produits et des services, d’anticiper les problèmes (pannes et dysfonctionnements) et de mieux utiliser les ressources et les compétences. »
Toutefois, il faut rester modeste et réaliste : l’IA générale (aussi appelée IA forte), capable de résoudre n’importe quel problème, n’existe pas. Nous concevons aujourd’hui des modèles et des algorithmes spécifiques à la résolution d’une classe de problèmes (on appelle cela l’IA faible) : une IA efficace pour jouer au Go ne le sera pas pour jouer aux échecs, diagnostiquer un défaut sur une pale d’hélicoptère, détecter une menace sur un réseau informatique, prévoir les ventes d’une grande enseigne de distribution, construire le programme de vols d’une compagnie aérienne ou évaluer des stratégies d’investissement pour des industries de réseau…
Actuellement, les outils d’IA permettent d’automatiser soit des tâches simples à faible valeur ajoutée, mais très fréquentes, répétitives et chronophages pour les humains, soit des tâches complexes à haute valeur ajoutée, nécessitant une expertise pointue, explorant une combinatoire très importante, et avec des exigences élevées de précision. Dans le premier cas, l’IA améliore la productivité et fiabilise les processus ; dans le second cas, l’IA est un outil augmentant et complétant l’expertise humaine.
Comment les techniques d’IA intégrées aux nouvelles technologies peuvent-elles aider les entreprises à améliorer leur efficacité opérationnelle et à réduire les coûts ?
Nos modèles et algorithmes permettent d’améliorer la qualité des produits et des services, d’anticiper les problèmes (pannes et dysfonctionnements) et de mieux utiliser les ressources et les compétences.
Par exemple, nous accompagnons des clients industriels dans le secteur pétrolier et dans le secteur des semi-conducteurs pour identifier les facteurs qui ont un impact sur la qualité et le rendement de leur production. Avec des techniques de machine learning, nous analysons ainsi des données remontées par des capteurs placés sur les machines. Cela nous permet de prévoir et d’anticiper des pannes ou des conditions de production dégradées.
Autre exemple, nous avons récemment gagné le prix « IA et RH » organisé par le Hub France IA, avec un projet très innovant réalisé pour KEOLIS. Il s’agit de construire des plannings personnalisés pour les conducteurs de bus, en prenant en compte leurs préférences individuelles. Les techniques d’IA prescriptive et de recherche opérationnelle que nous avons utilisées apportent des gains humains et organisationnels à KEOLIS : cela améliore la qualité de vie au travail des conducteurs, rend le métier plus attractif, facilite le recrutement, diminue l’absentéisme et le turnover, ce qui, in fine, rend l’exploitation opérationnelle plus fiable et plus efficace.
Enfin, dans le domaine de la supply chain, nos composants logiciels couvrent toutes les étapes, de l’approvisionnement en matières premières jusqu’à la livraison du produit final aux clients, en passant par la localisation et le dimensionnement des entrepôts, la gestion des stocks ou encore la prévision de la demande. Ces composants garantissent une performance globale : respecter les délais tout en minimisant les coûts de stockage, réduire les coûts de transport tout en prenant en compte l’impact carbone, etc.
Quels sont les principaux défis rencontrés lors de la mise en œuvre de solutions d’IA dans les entreprises ?
Le principal défi rencontré relève d’une méconnaissance au sujet de l’IA, parfois entretenue par un buzz médiatique.
Même si l’IA générative a permis de populariser l’IA très rapidement, il faut faire de la pédagogie auprès de nos clients. En effet, l’IA générative ne peut pas tout résoudre. Elle n’est qu’une petite partie de la grande famille de l’IA. Si vous souhaitez faire de la classification ou de la prévision, utilisez l’IA statistique et le machine learning. Mais si vous voulez planifier des décisions et évaluer leur impact sur un horizon spatial et temporel, choisissez la recherche opérationnelle. Si vous préférez recueillir la connaissance d’experts puis automatiser leur raisonnement, prenez l’IA symbolique et les systèmes à base de règles. Enfin, si vous souhaitez superviser et coordonner plusieurs processus décisionnels, servez-vous de l’IA collective et des systèmes multi-agents.
En quoi les technologies de pointe peuvent-elles jouer un rôle dans la transition vers des pratiques industrielles plus durables et la décarbonation de l’économie ? Des projets spécifiques qui illustrent cette contribution ?
Les techniques d’IA permettent à la fois de prévoir la production d’énergies renouvelables, de mieux piloter l’utilisation des équipements et la consommation des ressources, et de faire tout cela en prenant en compte les incertitudes et les aléas (sur la demande des clients ou sur les conditions météorologiques). Ces modèles peuvent être appliqués pour des problématiques allant du stratégique à l’opérationnel. Dans le secteur de l’énergie, nous avons ainsi réalisé de nombreux modèles stratégiques : optimisation de l’équilibre offre-demande, tarification, développement et dimensionnement du réseau, gestion et maintenance à long terme d’équipements.
Pour un industriel du ferroviaire, nous avons conçu des algorithmes qui synchronisent les freinages et les accélérations dans des réseaux de métro automatique, ce qui permet de maximiser l’utilisation de l’énergie de freinage récupérée et de minimiser la consommation globale d’électricité.
Enfin, nous avons aussi développé des outils pour la prévision temps réel de production d’énergie solaire et éolienne, ainsi que des outils de monitoring de la consommation électrique.
Quelle est votre position sur les questions éthiques liées à l’utilisation de l’IA dans les entreprises ?
Nous travaillons sur des problématiques « cœur de métier », complexes et stratégiques pour des clients dans l’industrie, le transport, la santé, l’énergie ou la défense. Pour ces clients, la confiance est cruciale. Et la meilleure façon d’avoir confiance dans l’IA, c’est de ne pas la surestimer ! L’IA est artificielle, les humains sont intelligents ! Il faut donc considérer l’IA comme un outil technologique au service des humains, maîtrisé, compris et contrôlé par les humains.
Cela signifie que les données qui alimentent les algorithmes doivent être validées par le métier et avoir du sens pour ce métier, et que les résultats fournis doivent être intelligibles par ce métier. Cela évite les dérives liées à des modèles « boîtes noires » : incapacité à analyser des résultats, à détecter qu’un algorithme se trompe (même rarement), à détecter qu’un modèle est obsolète (même légèrement), etc.
Ce sont des enjeux essentiels liés à l’explicabilité, l’interprétabilité, l’auditabilité et l’acceptabilité des outils à base d’IA.
C’est typiquement le cas dans l’un de nos projets en cours : nous concevons des algorithmes de régulation et de replanification automatiques et temps réel, qui seront intégrés à des nouveaux systèmes d’exploitation ferroviaire, de supervision et de gestion opérationnelle des circulations.
Comment restez-vous à la pointe de l’innovation technologique et de l’optimisation ? Des exemples de projets ou de partenariats fructueux avec des institutions académiques et de recherche ?
Fondée en 1987 par des chercheurs de l’Université Paris-Dauphine, EURODECISION reste très liée aux institutions académiques et de recherche. Ainsi, EURODECISION est l’un des membres fondateurs de l’association scientifique ROADEF (Société Française de Recherche Opérationnelle et d’Aide à la Décision), et également membre de l’AFIA (Association Française pour l’Intelligence Artificielle).
Nous publions régulièrement des articles dans des revues et conférences scientifiques, et des collègues donnent des cours de mathématiques décisionnelles et d’IA dans des universités, écoles d’ingénieurs et écoles de commerce françaises (Université Paris-Dauphine, Centrale Paris, ENSAI, ESSEC…).
Nous menons aussi une activité interne de R&D et d’innovation : veille technologique sur des sujets émergents (informatique quantique pour l’optimisation, IA hybride, apprentissage par renforcement…), benchmarking de solveurs mathématiques et de bibliothèques de Data Science, développement de composants logiciels dans le domaine de la planification des RH, de la planification de la production, de l’optimisation de la supply chain, du revenue management et de l’analyse du parcours client.
Enfin, EURODECISION soutient des initiatives mêlant acteurs industriels et académiques. Par exemple en adhérant au Hub France IA et en contribuant à des groupes de travail sur la maintenance, le transport et la logistique, ou encore sur l’environnement et la transition écologique. Ou en participant à des projets de R&D collaborative tels que le projet européen AI4DEF, qui visait à étudier la mise en œuvre de technologies d’IA dans le secteur de la Défense.