Khatchatourian, Shor, Prokofiev, Nicolas

« L’émotion et la surprise : pas une seule marche, dans l’aventure de la musique cultivée, qui n’ait été gravie dans le but de créer d’abord ces deux sortilèges. »
Alessandro Baricco, L’âme de Hegel et les vaches du Wisconsin
Khatchatourian
Qui ne connaît la Danse du sabre et le ballet Gayaneh ? Mais qui connaît, en dehors de cette pièce populaire, d’autres œuvres de ce compositeur arménien né en Géorgie ? Le pianiste français Jean-Yves Thibaudet a entrepris de faire connaître quelques pièces de ce prolifique compositeur soviétique, dont son Concerto pour piano, enregistré avec le Los Angeles Philharmonic dirigé par Gustavo Dudamel.
Écrite en 1937, cette œuvre relève à la fois de Bartók et de Prokofiev par son style, mais sans s’éloigner de la musique tonale – canons de la musique soviétique obligent. Cela étant, ce Concerto est très intéressant à découvrir, avec ses rythmes provocateurs, son orchestration rutilante et ses thèmes mélodiques. Dans le même album, Thibaudet joue quelques agréables pièces pour piano, dont l’inventive Suite Mascarade.
1 CD DECCA
Shor et Prokofiev
Des cinq Concertos pour piano de Prokofiev, le Troisième est le plus fréquemment joué, le Premier beaucoup moins, les trois autres quasiment jamais, à l’exception d’un événement resté unique : certains se souviendront de l’exécution publique des cinq concertos à l’Étang des Aulnes, à l’époque dorée et créatrice du festival de La Roque‑d’Anthéron. Le pianiste ouzbek Behzod Abduraimov – fantastique virtuose qu’il faut découvrir – joue le numéro 2 avec le Royal Philharmonic Orchestra dirigé par Vassili Petrenko, sur un album où il est couplé avec le Concerto d’Alexey Shor.
Le 2e de Prokofiev était fait pour provoquer le public en 1913. C’est une pièce novatrice, fulgurante, que l’on peut préférer au 3e surjoué. Le Concerto de Shor, tout récent, est rigoureusement tonal et recherche l’émotion au premier degré, comme de la musique de film. Mais les thèmes sont superbes et l’œuvre très agréable à entendre, à l’instar de Gershwin dont elle se rapproche par
instants.
1 CD ALPHA
François Nicolas, Hétérophonies
François Nicolas, X67, est un compositeur reconnu, disciple de Pierre Boulez ; il évolue au sein de l’Ircam. Hétérophonies, composé entre 2001 et 2021, est une œuvre majeure, qui convaincra tous ceux qui se déclarent réticents à la musique contemporaine. Il s’agit en réalité de deux œuvres, Petrograd 1918 et Duelle, qui partent chacune d’un poème : Douze d’Alexandre Blok pour Petrograd 1918, et Creuse espérance de Geneviève Lloret pour Duelle. Elles associent dispositif électroacoustique, récitant et, pour Duelle, mezzo-soprano, violon et piano. Nous reviendrons dans notre prochaine chronique sur ces œuvres d’une extrême richesse qui – et c’est là l’heureuse surprise – suscitent une profonde émotion dès la première écoute… faisant ainsi écho à la déclaration liminaire d’Alessandro Barrico.
2 CD et 1 DVD TRITON