Jouer en liberté organisée

Dossier : X-Musique : En pêchant la truite avec SchubertMagazine N°654 Avril 2010
Par Jean-François GUILBERT (66)

À Vienne au début du XIXe siè­cle, les Schu­ber­ti­ades étaient des réu­nions informelles où Schu­bert et ses amis jouaient de la musique et présen­taient leurs com­po­si­tions. C’est en référence à l’e­sprit de ces réu­nions que Jean-François Guil­bert et son épouse, vio­loniste, aujour­d’hui dis­parue, ont lancé en 1977 un groupe essen­tielle­ment tourné vers la pra­tique de la musique de chambre.

Un groupe à géométrie variable

Jean-François Guil­bert présente X‑Musique comme “un groupe à géométrie vari­able au sein duquel se con­stituent des sous-groupes à l’ini­tia­tive des mem­bres, en fonc­tion des oeu­vres qu’ils choi­sis­sent “. Le groupe com­prend plus de 80 mem­bres et une grande var­iété d’in­stru­ments : vio­lon, alto, vio­lon­celle, flûte, haut­bois, bas­son, clar­inette, trompette, chant, piano, gui­tare, harpe…

“L’idée essen­tielle est de per­me­t­tre aux dif­férents instru­men­tistes de se retrou­ver et de con­stituer de petits ensem­bles, du duo au sep­tuor voire plus. Tous les deux mois env­i­ron, un dimanche après-midi (à l’heure où d’autres vont à la pêche) se tient à mon domi­cile une ” réu­nion plénière” du groupe : une ving­taine de par­tic­i­pants, se répar­tis­sant dans plusieurs pièces, déchiffrent ou rejouent des œuvres qu’ils choi­sis­sent en fonc­tion des instru­ments présents ce jour-là et des par­ti­tions disponibles, la meilleure façon de faire con­nais­sance en musique, en par­ti­c­uli­er pour les nou­veaux mem­bres, et de décou­vrir ensem­ble des œuvres que l’on aura peut-être envie de tra­vailler plus à fond en vue d’un prochain con­cert. Il peut y avoir jusqu’à cinq groupes en par­al­lèle, dont trois avec clavier qui se répar­tis­sent alors entre le piano à queue du salon, un piano élec­tron­ique dans mon bureau, une épinette dans une chambre.”

Chacun son rythme

“On trou­ve dans le groupe une var­iété de niveaux en tech­niques instru­men­tales, et les mem­bres par­ticipent à la mesure de leur niveau et de leur temps disponible en for­mant des groupes homogènes et en abor­dant des oeu­vres à leur portée ; cer­tains joueront en con­cert, d’autres se con­tenteront de se retrou­ver en petits groupes et dans les réu­nions plénières pour le plaisir de jouer ensem­ble. Il est tout à fait pos­si­ble, si l’on a com­mencé l’é­tude d’un instru­ment assez tar­di­ve­ment, ou en cas de reprise après une longue inter­rup­tion, de goûter au sein du groupe les joies de la musique de chambre.”

” Le groupe X‑Musique est cen­tré sur la Région parisi­enne, mais la dif­fu­sion des adress­es de week-end ou de vacances a per­mis à cer­tains de se décou­vrir voisins et de se retrou­ver en musique à la cam­pagne ou à la mer, et même d’or­gan­is­er des con­certs sur place.”

Les concerts

Une ou deux fois par an, le groupe donne un con­cert devant un pub­lic de 100 à 300 cama­rades, par­ents et amis. Cette année, il a eu lieu le 20 mars, avec au pro­gramme des œuvres pour vio­lon et piano de Grieg (Sonate n° 1), Fau­ré (Sonate n° 2), Bartók (2e Rhap­sodie), des sonates avec flûte de Bach, Haen­del, des trios de Mendelssohn (n° 1 en ré mineur), Bruch (Pièces op. 83).

On pour­ra juger de l’é­clec­tisme du groupe X‑Musique à tra­vers cette liste (par­tielle) de noms glanés dans les pro­grammes de ses con­certs : Haen­del, Scar­lat­ti, Bach (toute la famille), Boc­cheri­ni, Haydn, Mozart, Beethoven, Weber, Schu­bert, Mendelssohn, Chopin, Schu­mann, Brahms, Bruch, Alkan, Boro­dine, Franck, Fau­ré, Rach­mani­nov, Debussy, Rav­el, Dvo­rak, Bartók, Stravin­s­ki, Rous­sel, Mar­t­inu, Berg, Poulenc, Prokofiev, Duke Elling­ton, Chostakovitch, Mes­si­aen, Mil­haud, Berio…

Jean-François GUILBERT (66)

Le groupe X‑Musique

Prési­dent : Jean-François Guil­bert (66)
Adresse : 51, rue Claude Lor­rain 75016 Paris
Cour­riel : xmusique@ free.fr
Site : http://xmusique.free.fr

Quelques X musi­ciens célèbres

Savez-vous que le pianiste Claude Helf­fer, les com­pos­i­teurs Charles Koech­lin et Pierre Scha­ef­fer étaient poly­tech­ni­ciens ? Des arti­cles leur ont été con­sacrés, ain­si qu’à des cama­rades de pro­mo­tions plus récentes qui ont fait de la musique leur méti­er, dans des numéros spé­ci­aux de La Jaune et la Rouge parus en jan­vi­er 1987 et jan­vi­er 1993. Ces arti­cles sont repris sur le site du groupe http://xmusique.free.fr (rubrique ” X‑musiciens ”).

 
Jean-François Guil­bert (66)
, ingénieur des Télé­com­mu­ni­ca­tions, pio­nnier de Transpac (réseau pré-Inter­net créé par France Télé­com), puis suc­ces­sive­ment à des postes de respon­s­abil­ité dans l’in­dus­trie Télé­com, créa­teur d’en­tre­prise et con­seil indépen­dant, est veuf et père de trois filles. Si la musique reste son loisir prin­ci­pal, il pra­tique égale­ment la ran­don­née péde­stre, le ski, le roller et la planche à voile.

Il a com­mencé l’é­tude du piano à l’âge de huit ans, pra­tique la musique de cham­bre depuis plus de quar­ante ans, et aus­si le jazz depuis plusieurs années : ” Je suis des cours dans une école de jazz et je joue en groupe une ou deux fois par semaine ; j’ap­pro­fondis ain­si une forme de musique où l’im­pro­vi­sa­tion joue un grand rôle. C’est tout aus­si pas­sion­nant que la musique classique.”

Jazz, théâtre, humour

Plusieurs mem­bres du groupe, par­al­lèle­ment à la musique clas­sique, pra­tiquent aus­si le jazz, qui présente ses attraits pro­pres, le plaisir des rythmes et des har­monies du blues, du be-bop ou de la bossa-nova, le plaisir de l’im­pro­vi­sa­tion dans la “liber­té organ­isée” : la pos­si­bil­ité pour chaque musi­cien, au moment des solos, de créer sa pro­pre musique en “temps réel “, en respec­tant toute­fois un canevas har­monique (lié au morceau) égale­ment suivi par ses comparses.

Le pro­gramme du con­cert du 30e anniver­saire d’X-Musique com­por­tait une séquence jazz don­née par un quin­tette con­sti­tué spé­ciale­ment pour cette occa­sion avec Claude Abadie (clar­inette), Fran­cis Behr (trompette), Jean-François Guil­bert (piano), Mas­si­mo Pic­coli (con­tre­basse) et Albert Glowin­s­ki (bat­terie).

En juin 1994, dans le cadre des fes­tiv­ités du Bicen­te­naire de l’É­cole, X‑Musique s’est asso­cié à un groupe de théâtre ama­teur, pour mon­ter cinq soirées ” Musique et Théâtre ” (voir le dernier témoignage page 55), avec en par­ti­c­uli­er la ver­sion scénique de L’His­toire du sol­dat de Stravin­s­ki et Ramuz. Une expéri­ence passionnante !

X‑Musique et l’As­so­ci­a­tion VSArt
L’As­so­ci­a­tion VSArt (Volon­tari­at et Sou­tien par l’Art — http://www.vsart.org) a pour voca­tion d’ap­porter un sou­tien, au moyen de l’art sous toutes ses formes, à ceux qui sont en sit­u­a­tion de fragilité morale, physique ou matérielle : enfants et adultes hos­pi­tal­isés, per­son­nes âgées ou hand­i­capées, jeunes de quartiers dits sen­si­bles, per­son­nes sans domi­cile ou en déten­tion. Avec le con­cours de plus de 1 000 bénév­oles, VSArt organ­ise des ani­ma­tions musi­cales (500 con­certs en 2009), des con­férence­spro­jec­tions (plus de 200 sujets pro­posés chaque année), des ate­liers de créa­tion (dessin, pein­ture, sculp­ture, pho­togra­phie), des ate­liers de la parole (con­te, mémoire), ain­si que des accom­pa­g­ne­ments de per­son­nes âgées ou hand­i­capées au spectacle.
 
X‑Musique con­tribue régulière­ment à cette action, en faisant don de ses béné­fices à VSArt, et surtout par le con­cours bénév­ole qu’ap­por­tent plusieurs de ses mem­bres en don­nant des con­certs dans des hôpi­taux et maisons de retraite. Jean-François Guil­bert est de plus core­spon­s­able (avec Marc Bou­vy) de l’ac­tiv­ité musique de VSArt depuis 2007.

Men­tion­nons aus­si le spec­ta­cle Humour et Musique, enchaîne­ment désopi­lant de musiques humoris­tiques, pas­tich­es, anec­dotes et sketch­es musi­caux, créé le 1er avril 1987 (cette date n’a pas été choisie au hasard !) à l’oc­ca­sion du dix­ième anniver­saire du groupe, et repris ensuite plusieurs fois avec suc­cès en 1989, 1999, et par­tielle­ment en 2007 pour le 30e anniver­saire du groupe.

Activités au profit d’associations

Le groupe a fait prof­iter plusieurs asso­ci­a­tions de ses tal­ents, par exem­ple dans des con­certs organ­isés spé­ci­fique­ment au prof­it d’Enfance et Partage (pro­tec­tion et défense des enfants mal­traités) et de Naître et Vivre (sou­tien des par­ents con­fron­tés à la mort subite du nour­ris­son) ; depuis trois ans le béné­fice du con­cert annuel du groupe est ver­sé à l’As­so­ci­a­tion Volon­tari­at et Sou­tien par l’Art. Dans le cadre de cette dernière asso­ci­a­tion, plusieurs mem­bres du groupe don­nent régulière­ment des con­certs dans des hôpi­taux et maisons de retraite.

Un site Internet

Le groupe X‑Musique ne perçoit pas de coti­sa­tion annuelle, mais ses dépens­es (loca­tion de salle de con­cert, impres­sion de tracts et pro­grammes, affran­chisse­ments) sont cou­vertes par une mod­este par­tic­i­pa­tion aux frais demandée à l’en­trée des con­certs. L’essen­tiel de la com­mu­ni­ca­tion entre les mem­bres s’ef­fectue par cour­ri­er élec­tron­ique. Le groupe dis­pose d’un site Inter­net, ani­mé par Jean-François Guil­bert qui fait tout lui-même à l’aide d’outils bureautiques.

Les annonces de réu­nions et de con­certs sont égale­ment dif­fusées dans la let­tre de Polytechnique.org, ce qui per­met de faire con­naître le groupe dans les pro­mo­tions récentes et fait régulière­ment venir de nou­veaux membres.

Propos recueillis par Jean-Marc Chabanas (58)

Hom­mage au doyen
Extraits d’une présen­ta­tion de Jean Salmona (56) au Petit Jour­nal Mont­par­nasse, à l’oc­ca­sion du qua­tre-vingt­dix­ième anniver­saire de Claude Abadie (38).
 
Si l’on voulait sym­bol­is­er Claude Abadie par une fig­ure géométrique, ce serait sans hési­ta­tion une ligne droite. Cette droite jazz­ique part de Ville-d’Avray où, pen­dant l’été 1942, il décide de for­mer un groupe avec Boris Vian. Elle passe par des groupes suc­ces­sifs avec des musi­ciens tels que Ray­mond et Hubert Fol, Guy Longnon, Ben­ny Vasseur, Jean-Claude Foren­bach, Dody Léon. Elle va du New Orleans à Duke Elling­ton, qui occupe une place de choix par­mi les 245 références de son orchestre, de la pre­mière avec Mer­ry Go Round à la 245e, Sucrier Velours de la Queen Suite.
 
Homme rigoureux et sérieux, il pra­tique aus­si l’hu­mour. Il y a une trentaine d’an­nées, Claude Abadie, qui jouait de la clar­inette jazz depuis plus de trente ans, décide de faire égale­ment de la musique de cham­bre — clas­sique — et va s’in­scrire au Con­ser­va­toire de Neuil­ly : quand on fait les choses, on les fait sérieuse­ment. La per­son­ne qui l’ac­cueille pour l’in­scrire lui dit : ” C’est éton­nant, vous avez un homonyme, Claude Abadie, un clar­inet­tiste de jazz que j’ad­mire énormément.”
 
Ce n’est qu’à la fin de l’en­tre­tien que Claude Abadie lui a appris que les deux Abadie ne fai­saient qu’un. Souhaitons que Claude con­tin­ue à par­courir sa ligne droite avec la même rigueur et le même amour du jazz. Ren­dez-vous en 2020, pour fêter en une grande jam-ses­sion les cent ans de Claude Abadie.

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