Jean DUPUIS (39), mémoire d’une promo tourmentée

Dossier : TrajectoiresMagazine N°707 Septembre 2015Par : Janine Gardent, épouse de Paul Gardent (39), Brigitte et Guy Kemlin (39)

Jean Dupuis a fait par­tie, avec Max Her­mieu, de la petite équipe qui a fon­dé le Salon des indus­tries et des com­merces de bureau (Sicob) en 1949. Il en a pré­si­dé le Comi­té de sur­veillance pen­dant de nom­breuses années.

Il a éga­le­ment été l’un des fon­da­teurs et pré­sident de l’Association euro­péenne des fabri­cants de maté­riel infor­ma­tique, Eurobit.

Le caissier de la 39

Jean Dupuis était, avec Georges Gonon, cais­sier de la 39. Pen­dant plus de 70 ans, il a oeu­vré pour son uni­té. Dans l’introduction à son livret À la mémoire des cama­rades de la pro­mo­tion 39 de l’École poly­tech­nique morts pour la France1, il expose les divi­sions suc­ces­sives de cette promo.

Morts pour la France

« Pre­mière cas­sure, l’entrée à l’École le 8 sep­tembre 1939. Ceux qui avaient plus de 20 ans furent envoyés dans les écoles d’application mili­taires (pro­mo­tion A), les moins de 20 ans res­tant rue Des­cartes pour suivre leur pre­mière année d’études.

« Les cama­rades de la pro­mo­tion A sont pro­gres­si­ve­ment affec­tés dans les uni­tés mili­taires et par­ti­ci­pe­ront aux com­bats de mai-juin 1940. Nous déplo­re­rons alors nos pre­miers “morts pour la France”. »

Promo A ET Promo B

« La pro­mo­tion A et la pro­mo­tion B se retrou­ve­ront à Lyon en novembre 1940, ampu­tées non seule­ment de leurs cama­rades dis­pa­rus mais encore de ceux qui ont été faits pri­son­niers ou bles­sés notam­ment Xavier Camille-Rapp et Claude Jac­que­lin. Deuxième cassure.

« De nou­velles épreuves atten­daient la pro­mo. Les pre­mières appa­rurent au tra­vers des nou­velles frac­tures dues aux lois raciales qui clas­saient “bis” nos cama­rades d’origine juive et d’autre part de nos “Petits Cha­peaux” qui, après une année d’études à Lyon, nous quit­tèrent pour reprendre du ser­vice dans l’armée. »

285 à l’entrée, 202 à la sortie

« Nous étions 285 à l’entrée et 202 à pas­ser les exa­mens de sor­tie. Les évé­ne­ments qui se pro­dui­sirent jusqu’en 1948 et au-delà allaient nous cau­ser de nou­velles muti­la­tions dues aux enga­ge­ments des uns et des autres dans les com­bats pour la libé­ra­tion de la France, que ce soit aux armées, dans la clan­des­ti­ni­té ou dans la Résis­tance ain­si que dans les guerres d’Indochine et d’Algérie.

« Le 31 juillet 1964 dis­pa­raît notre Géné K Georges d’Argenlieu, des suites de sa dou­lou­reuse déportation. »

Cohésion et camaraderie

Lors du 40e anniversaire du Sicob, Jean Dupuis affirmait : « Moderniser notre pays, former des femmes et des hommes prêts à s’adapter aux mutations technologiques en cours et à venir, mobiliser les intelligences et les compétences des Françaises et des Français pour être les meilleurs dans l’Europe du XXIe siècle, voilà les objectifs qui sont aujourd’hui à l’ordre du jour. »

« Par un para­doxe heu­reux, cette pro­mo­tion écar­te­lée avant même d’avoir été réunie, dis­per­sée dans la grande tour­mente de la guerre, muti­lée par la mort de 25 des siens tom­bés en ser­vice aux quatre coins du monde, sous l’uniforme ou dans la clan­des­ti­ni­té, a trou­vé mal­gré tout une cohé­sion et un esprit de cama­ra­de­rie remarquables. »

Pen­dant des années, Jean Dupuis a orga­ni­sé trois fois par an, rue de Poi­tiers, des déjeu­ners de pro­mo avec épouses, très appré­ciés. Sa sol­li­ci­tude pour les veuves des cama­rades dis­pa­rus était frap­pante ain­si que ses déli­cates atten­tions et sa par­faite courtoisie.

Il n’oubliait jamais de don­ner les der­nières nou­velles de l’École, son évo­lu­tion, son ave­nir et celles de la pro­mo dont il était la mémoire2.

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1. Jean Dupuis (dir.), À la mémoire des cama­rades de la pro­mo­tion 1939 de l’École poly­tech­nique morts pour la France, pré­face de Paul Gardent, mai 1993.
2. À l’occasion du 60e anni­ver­saire de la pro­mo célé­bré à Palai­seau en 1999, Jean Dupuis a remis à l’École les « Archives de la pro­mo 39 », sept dos­siers cou­vrant les années 1939 à 1945.

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