Moovit, pendant de Waze pour les transports collectifs

Israël invente les mobilités de demain

Dossier : Israël : Les X et la Start-up NationMagazine N°728 Octobre 2017
Par Jonathan GOLDBERG (95)

On sait qu’Is­raël est en pointe pour les équi­pe­ments de la voi­ture connec­tée et auto­nome. On sait moins que, mal­gré un taux de moto­ri­sa­tion assez faible, la conges­tion crois­sante du réseau rou­tier est pré­oc­cu­pante, faute de déve­lop­pe­ment de trans­ports col­lec­tifs. En atten­dant l’ar­ri­vée de ceux-ci, des sys­tèmes de régu­la­tion élec­tro­nique ont été mis en place. 

La conges­tion crois­sante du réseau rou­tier est un sujet de pré­oc­cu­pa­tion pour l’opinion publique israé­lienne, arri­vant loin der­rière la cher­té de la vie, mais du même niveau par exemple que la situa­tion sécuritaire. 

Depuis le début des années 2000, Israël a mis au point des réponses très variées à ce défi, tant par des inves­tis­se­ments publics que par des ini­tia­tives pri­vées, et notam­ment par l’innovation technologique. 

REPÈRES

À la fin du vingtième siècle, l’État d’Israël était bien équipé en routes mais, avec un étalement urbain important et sans aucune infrastructure de transports collectifs, il rencontrait des problèmes de congestion routière grandissants.
Ce phénomène de congestion est un facteur d’inquiétude pour le développement économique, avec un coût estimé aujourd’hui à 2 % du PIB, aggravé par des perspectives de dégradation dans un scénario de développement au fil de l’eau et malgré un taux de motorisation relativement faible (365 véhicules pour 1 000 habitants en 2015 à comparer au chiffre de 578 en France en 2014).

DÉVELOPPER ET OPTIMISER LES INFRASTRUCTURES

La pre­mière caté­go­rie de réponses est le déve­lop­pe­ment des infra­struc­tures fer­rées, qui étaient qua­si inexis­tantes à la fin des années 90, l’ensemble des dépla­ce­ments en trans­ports col­lec­tifs s’effectuant par auto­bus ou autocars. 

“ Une préoccupation pour l’opinion d’un niveau comparable à la situation sécuritaire ”

Depuis lors, le réseau fer­ré a été ren­for­cé : une liai­son entre Tel-Aviv et Jéru­sa­lem doit ouvrir en 2018, une ligne de tram­way a été ouverte à Jéru­sa­lem en 2011 et deux autres lignes sont en pro­jet ; une ligne de tram­way est en construc­tion à Tel-Aviv et plu­sieurs autres lignes sont à l’étude, ain­si qu’un réseau de métro. 

Mais le déve­lop­pe­ment des infra­struc­tures nou­velles néces­site du temps et des inves­tis­se­ments consé­quents. Aus­si, l’idée d’optimiser l’utilisation des infra­struc­tures rou­tières exis­tantes a été déve­lop­pée avec la mise en ser­vice en 2011 d’une voie rapide à péage sur les der­niers kilo­mètres du prin­ci­pal accès auto­rou­tier à Tel-Aviv. 

WAZE, OU L’INTELLIGENCE DU NOMBRE

Waze, créé par trois Israéliens en 2008 et racheté par Google en 2013, transforme chaque utilisateur de ce service de GPS en fournisseur de données de trafic.
Cela permet, une fois qu’une masse critique est atteinte, d’estimer finement les conditions de trafic, de reconstituer ainsi le temps de parcours en temps réel pour les utilisateurs ou de manière globale sur un plan d’ensemble, sans le moindre dispositif de mesure physique sur les axes concernés.

L’idée est de réser­ver une voie d’accès sur l’autoroute aux trans­ports col­lec­tifs et au covoi­tu­rage, et d’utiliser la capa­ci­té rési­duelle pour le pas­sage de véhi­cules indi­vi­duels dont les conduc­teurs acceptent de s’acquitter d’un péage dont le prix est fixé dyna­mi­que­ment en temps réel (variant entre 2 et 25 €) afin de régu­ler la demande, et payé via un por­tique de détec­tion auto­ma­tique, ce qui assure un temps de tra­jet maxi­mal garanti. 

Cette infra­struc­ture au coût de réa­li­sa­tion modeste per­met, grâce à l’algorithme de fixa­tion du prix, de garan­tir un temps de par­cours à la fois pour ceux qui uti­lisent les trans­ports col­lec­tifs ou covoi­turent, et pour les autres, qui contri­buent ain­si finan­ciè­re­ment aux exter­na­li­tés de conges­tion qu’ils génèrent. 

L’efficacité du dis­po­si­tif a conduit le gou­ver­ne­ment à déci­der la mise en place de pro­jets simi­laires pour deux autres accès majeurs au centre d’agglomération.

L’INTELLIGENCE DU NOMBRE AU SERVICE DES DÉPLACEMENTS

Dans le domaine des trans­ports, les inef­fi­ca­ci­tés du sys­tème de dépla­ce­ments et le lent déve­lop­pe­ment des infra­struc­tures ont été para­doxa­le­ment un levier pour les ini­tia­tives met­tant à contri­bu­tion l’intelligence du nombre. 

“ Israël fait référence dans le domaine des technologies avancées pour les véhicules ”

De même, Moo­vit, pen­dant de Waze pour les trans­ports col­lec­tifs, a été créé en 2012. La qua­si-absence à l’époque d’information voya­geurs en Israël, tant pour les iti­né­raires que les horaires, a été encore un déclen­cheur d’idées.

L’objectif pre­mier du ser­vice est de four­nir un cal­cu­la­teur d’itinéraire en trans­ports col­lec­tifs à par­tir des don­nées publiques et aus­si de s’appuyer sur ses uti­li­sa­teurs pour connaître en temps réel l’heure d’arrivée des pro­chains bus ou leur taux de satu­ra­tion, sans avoir à inté­grer de manière com­plexe les don­nées des exploitants. 

LE RICHE ÉCOSYSTÈME DES TRANSPORTS INTELLIGENTS ET DES TECHNOLOGIES AUTOMOBILES


Moo­vit, pen­dant de Waze pour les trans­ports col­lec­tifs, a été créé en 2012.

Waze et Moo­vit sont deux exemples remar­quables par­mi une constel­la­tion de start-up dans le domaine (sta­tion­ne­ment, taxis, covoi­tu­rage, iti­né­raires, etc.), fédé­rées et encou­ra­gées par des struc­tures comme « Eco­mo­tion » plate-forme d’échange et de tra­vail col­la­bo­ra­tif sur les trans­ports intel­li­gents, joint-ven­ture entre l’Israel Inno­va­tion Ins­ti­tute, les grandes entre­prises du sec­teur et le Fuel Choice Ini­tia­tive, cadre d’initiative gou­ver­ne­men­tal créé en 2010 pour déve­lop­per les trans­ports non carbonés. 

Loin de se limi­ter à la couche appli­ca­tive, cet éco­sys­tème a aus­si pro­duit un grand nombre d’initiatives dans des véhi­cules légers, à deux, trois ou quatre roues, mêlant habi­le­ment desi­gn et ingé­nie­rie, sou­vent astu­cieux mais par­fois utopiques. 

En termes indus­triels, c’est sur­tout dans le domaine de la voi­ture connec­tée et auto­nome qu’Israël peut viser de grandes ambi­tions, en s’appuyant sur ses immenses capa­ci­tés algo­rith­miques et sur son exper­tise de pointe en matière de cyber­sé­cu­ri­té, qui sont les deux piliers fon­da­men­taux de la voi­ture de demain. 

Si l’aventure Bet­ter Place de la voi­ture élec­trique, dont les bat­te­ries se rem­pla­çaient dans des sta­tions-ser­vice dis­sé­mi­nées sur le ter­ri­toire pour évi­ter le temps de char­ge­ment, s’est sol­dée par un échec, Israël est deve­nu aujourd’hui une réfé­rence dans le domaine des tech­no­lo­gies avan­cées pour les véhicules. 

L’annonce en mars 2017 du rachat par Intel de l’israélien Mobi­leye en est une preuve mani­feste. Cette socié­té, créée en 1999, spé­cia­li­sée dans la sécu­ri­té pas­sive des véhi­cules basée sur du trai­te­ment d’image, a été rache­tée pour 15 mil­liards de dol­lars : la plus impor­tante tran­sac­tion d’acquisition d’une socié­té israé­lienne à ce jour. 

Le gou­ver­ne­ment sou­tient ces orien­ta­tions stra­té­giques, notam­ment par l’annonce d’un plan pour pro­mou­voir les trans­ports intel­li­gents, pilo­té par la Fuel Choice and Smart Mobi­li­ty Admi­nis­tra­tion, doté d’un bud­get d’environ 80 mil­lions d’euros sur cinq ans, qui vise à inté­grer les savoir-faire dans les domaines du big data, de l’intelligence arti­fi­cielle, des sys­tèmes de cap­teurs, etc. 

Ain­si, mal­gré des infra­struc­tures de trans­port rela­ti­ve­ment peu déve­lop­pées et en l’absence de construc­teurs d’automobiles natio­naux, Israël se posi­tionne en avant-garde et vise une ambi­tion mon­diale dans le domaine des trans­ports intel­li­gents et des tech­no­lo­gies pour les véhi­cules du futur.

Poster un commentaire