Israël et les accords économiques avec l’Union européenne et les États-Unis

Dossier : IsraëlMagazine N°537 Septembre 1998
Par Lionel STOLÉRU (56)

Cha­cun d’en­tre nous con­naît les démêlés de B. Nétanya­hou et Y. Arafat, mais cha­cun d’en­tre nous sait-il qu’Is­raël est le seul pays au monde qui ait un accord de libre-échange à la fois avec l’Eu­rope et les États-Unis ? Cette spé­ci­ficité est telle­ment essen­tielle que j’ai choisi d’en présen­ter les prin­ci­paux aspects en intro­duc­tion générale aux autres articles.

L’accord Israël-Europe

Une première étape : l’accord de libre-échange du 11 mai 1975

Tout à fait excep­tion­nel à cette époque, l’ac­cord fai­sait déjà presque entr­er Israël dans le Marché com­mun en organ­isant un cal­en­dri­er de désarme­ment tar­i­faire douanier inté­gral sur quinze ans pour les pro­duits indus­triels et en accor­dant des avan­tages par­ti­c­uliers à l’a­gri­cul­ture israéli­enne. L’élar­gisse­ment du Marché com­mun à l’Es­pagne et au Por­tu­gal a pra­tique­ment éten­du à Israël les avan­tages con­sen­tis à ces deux pays membres.

Une seconde étape :l’accord d’association du 20 novembre 1995

Vingt ans plus tard, Israël devient un véri­ta­ble asso­cié des quinze pays mem­bres. Non seule­ment ses pro­duits indus­triels entrent en Europe en totale fran­chise de douane mais il acquiert un statut d’as­so­cié pour :

  • les échanges de services,
  • l’ac­cès aux pro­grammes de recherche européens,
  • l’ac­cès aux marchés publics,
  • la cer­ti­fi­ca­tion des normes.


Bien enten­du, le proces­sus de paix d’Oslo n’a pas été étranger à un tel ren­force­ment des liens. Symétrique­ment, la mise en veilleuse actuelle de ce proces­sus n’est pas étrangère à cer­taines dif­fi­cultés actuelles. Par exem­ple, l’U­nion européenne chi­cane Israël sur le champ ter­ri­to­r­i­al de cet accord : les pro­duits fab­riqués dans les ter­ri­toires occupés sont-ils “israéliens” ? Autre exem­ple, la France n’a tou­jours pas rat­i­fié l’ac­cord alors que le Pre­mier min­istre, Lionel Jospin, s’é­tait engagé publique­ment fin 1997 à le faire rat­i­fi­er au 1er trimestre 1998.

L’accord Israël-États-Unis

Signé le 22 avril 1985, c’est le pre­mier accord de libre-échange jamais con­clu par les USA.

Plus général encore que l’ac­cord de 1975 avec l’Eu­rope, il a per­mis, à l’is­sue d’un cal­en­dri­er de dix ans, de sup­primer les droits de douane et les quo­tas sur tous les pro­duits indus­triels, agri­coles et services.

Bien enten­du, il y a réciproc­ité au béné­fice des pro­duits améri­cains en Israël, mais Israël peut pro­téger ses nou­veaux pro­duits pen­dant qua­tre ans.

Le jeu combiné des deux accords

Ce qui est impor­tant, c’est de faire fonc­tion­ner en par­al­lèle ces deux accords en ayant à l’e­sprit les trois paramètres suivants :

1• Un accord qua­si mon­di­al pour Israël :
le marché européen, avec 34 % des expor­ta­tions israéli­ennes et le marché améri­cain, avec 27 % des expor­ta­tions israéli­ennes représen­tent à eux deux l’essen­tiel du marché mon­di­al d’Is­raël. C’est dire qu’Is­raël jouit pra­tique­ment d’un libre-échange total pour son économie.

2• Les règles d’origine :
par-delà les escar­mouch­es poli­tiques évo­quées ci-dessus, les règles d’o­rig­ine des deux accords sont très favor­ables à Israël :

— du côté européen, est réputé israélien un pro­duit, directe­ment expédié d’Is­raël et qui soit, ou bien fab­riqué en Israël, ou bien y ait subi une “trans­for­ma­tion sub­stantielle”. Cela exclut le sim­ple mon­tage ou le sim­ple embal­lage mais cela inclut tout apport de com­posants de pays tiers pourvu qu’un pour­cent­age min­i­mum de la valeur ajoutée soit fab­riqué en Israël. Ce seuil est plus ou moins élevé selon les pro­duits mais, en moyenne, il est très faible et per­met donc des copro­duc­tions avec des pays tiers, surtout avec les pays de l’U­nion européenne ;

— du côté améri­cain, est réputé israélien un pro­duit directe­ment expédié d’Is­raël, fab­riqué en Israël ou y ayant, comme ci-dessus, subi une ” trans­for­ma­tion sub­stantielle ” fixée à 35 % de la valeur ajoutée. Ce seuil est ramené à 20 % si l’é­cart de 15 % vient de four­ni­tures américaines.

3• Le pont Europe-USA via Israël : il résulte du jeu com­biné de ces deux accords qu’une entre­prise tex­tile française, par exem­ple, pour­ra échap­per aux quo­tas et droits de douane améri­cains en faisant pro­duire 35 % de valeur ajoutée en Israël. L’ex­em­ple n’est peut-être pas très bien choisi car la main-d’œu­vre tex­tile est chère en Israël (plus qu’au Maroc ou en Pologne), mais on voit par con­tre que l’at­taque du marché améri­cain via Israël sera opti­mum pour une entre­prise française :

  • qui opère en haute tech­nolo­gie (pro­duits ou services),
  • qui trou­vera en Israël un parte­nar­i­at com­pé­tent et une main-d’œu­vre sci­en­tifique la moins chère du monde, en rap­port qual­ité-prix (Israël est n° 1 mon­di­al de la recherche par habitant),
  • qui fab­ri­quera des pro­duits dont le coût de trans­port est faible par rap­port à la valeur marchande,
  • qui aura accès à toutes les aides de la fil­ière recherche-développe­ment-indus­tri­al­i­sa­tion dans le cadre des pro­grammes européens de recherche à Israël.


Voici pourquoi on assiste actuelle­ment à un tel essor des start-up tech­nologiques dans les pépinières et incu­ba­teurs israéliens : plus de 1 000 start-up, c’est-à-dire plus que Sil­i­con Val­ley et MIT réu­nis. L’in­tro­duc­tion au Nou­veau Marché à Paris, en décem­bre 1997, du pre­mier fonds de cap­i­tal-risque israélien, ASTRA, témoigne de la même évolution.

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Dans la course tech­nologique vers l’an 2000, et en par­ti­c­uli­er dans la com­péti­tion entre l’Eu­rope et les États-Unis, toute entre­prise française doit savoir que l’é­conomie n’est plus eucli­di­enne et que le plus court chemin de la France aux États-Unis n’est plus la ligne droite, mais passe par Israël.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

  • Joseph Klatz­mann et Daniel Rouach : L’é­conomie d’Is­raël, PUF, “Que sais-je ?”, décem­bre 1994.
  • Samy Bochn­er : L’é­conomie d’Is­raël, Édi­tions Bib­lio Europe, avril 1997.
  • Revue de la CCFI : Dossier Europe-Israël, revue n° 166, décem­bre 1997.
  • Ser­vice de Doc­u­men­ta­tion de la CCFI : 64, avenue Marceau, 75008 Paris, tél. : 01.44.43.35.06.

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