IA et big data : « Transformer la prise de décision dans un monde de données »


Fort de 20 ans d’expérience gouvernementale, et de plus de 10 ans dans le secteur privé, Palantir met un point d’honneur à sécuriser et faciliter l’utilisation des données des entreprises comme des grandes organisations. Objectif : assurer une sécurité et une gestion optimales des données, de leur intégration à la prise de décision opérationnelle, en passant par l’analyse par des modèles d’IA.
Quelle est la mission première de Palantir ?
François Bohuon : La mission de Palantir est d’aider les organisations, du secteur privé ou public, à prendre de meilleures décisions en leur fournissant des outils pour intégrer, gérer et analyser leurs données plus efficacement. Ils visent à permettre aux institutions de tirer parti des informations basées sur les données pour résoudre des problèmes complexes, améliorer l’efficacité et améliorer les processus de prise de décision.
Pour ce faire, Palantir met à disposition des plateformes opérationnelles agnostiques à l’industrie en assurant une sécurité optimale sur toute la chaîne de vie de la donnée. De l’intégration à la prise de décision opérationnelle, en passant par l’analyse par des modèles d’IA.
En quoi le marché français est-il stratégique pour Palantir ?
Grégoire Omont : Au-delà du secteur gouvernemental sur lequel nous sommes impliqués depuis près de 10 ans, la France représente notre troisième marché au niveau mondial. Grâce à des partenariats stratégiques dans divers secteurs tels que l’automobile (Stellantis et Forvia), les services financiers (Société Générale), l’aéronautique (Airbus) ou encore l’énergie, la construction et les services collectifs (Equans-Groupe Bouygues et Saur). À travers l’ensemble de ces partenariats, nous constatons un réel fit culturel entre la philosophie de nos plateformes et l’excellence mathématique française. En France, les équipes opérationnelles, souvent composées d’ingénieurs, adoptent très rapidement la plateforme qui permet notamment de démocratiser l’utilisation des données. Nous sommes fiers d’accompagner au plus près ces acteurs gouvernementaux et commerciaux avec nos solutions et la centaine d’employés en France, composée très majoritairement d’ingénieurs de très grande qualité.
Comment passe-t-on du renseignement au secteur privé ?
François Bohuon : Palantir a effectivement commencé dans le secteur gouvernemental, un domaine où les données sont parmi les plus sensibles. Au-delà du renseignement et plus largement de la sécurité, notre activité gouvernementale a continué à croître sur des segments différents, incluant notamment la santé, les finances, les services locaux. Nos outils permettent par exemple le renforcement de la lutte contre la fraude, l’amélioration du temps de prise en charge des patients, la meilleure utilisation des ressources humaines et matérielles, la bonne tenue d’évènements sportifs de grande ampleur, etc.
Aujourd’hui, un grand nombre de pays de l’Union européenne utilisent nos plateformes pour améliorer la qualité de leur service public. Cette expérience dans le domaine gouvernemental a été cruciale pour notre développement. Elle nous a permis de perfectionner notre expertise en matière de gestion et de sécurisation des données, compétences que nous avons rapidement transférées au secteur privé. Nous avons perçu des enjeux similaires dans le secteur commercial, où les entreprises cherchent également à transformer leurs données en insights exploitables pour prendre de meilleures décisions et même en automatiser certaines aujourd’hui.
Forts de notre expérience initiale, nous avons su adapter nos solutions pour répondre aux besoins spécifiques du secteur privé. Nos plateformes permettent désormais à nos partenaires commerciaux de gagner en compétitivité en optimisant leurs processus décisionnels grâce à une utilisation intelligente et sécurisée de leurs données.
En quoi l’IA et en particulier la GenAI ont-elles contribué à la forte croissance de Palantir sur les 12–18 derniers mois ?
Grégoire Omont : Depuis le lancement de notre Plateforme d’Intelligence Artificielle (AIP) en avril 2023, nous avons adopté une approche stratégique en positionnant AIP comme une plateforme agnostique, capable d’intégrer divers modèles, tels que ceux d’OpenAI, Meta, X, Mistral, etc. tout en garantissant la sécurité des données et en cherchant à pallier aux limites de ces modèles.
Cette stratégie repose sur notre conviction que les modèles d’IA générative sont une commodité. Ce ne sont pas les modèles eux-mêmes qui importent, mais plutôt la couche d’orchestration entre les LLMs et les données qu’ils consomment. C’est cette couche d’orchestration, souvent négligée, que nous appelons ontologie, qui permet de tirer pleinement parti de cette nouvelle ère technologique.
Nos équipes produit se sont concentrées sur le développement de fonctionnalités permettant une véritable opérationnalisation des modèles d’IA. Plutôt que de créer un simple chatbot, nous avons investi dans un ensemble d’outils qui facilitent l’intégration des modèles dans les processus d’entreprise.
Gagner du temps… et de l’argent ?
Grégoire Omont : Dans le domaine des achats, cela permet par exemple de rapprocher des données non structurées (PDF de contrats, d’accords cadre, de factures) et des données structurées (e.g. commandes, paiements), là où il était très complexe ou coûteux de le faire. Nous permettons ainsi l’identification et la résolution d’écarts entre engagements contractuels et leur réalisation. Ne serait-ce que pour la bonne application des remises de fin d’années, les gains se chiffrent régulièrement en dizaines de millions.
Nous avons ainsi pu monétiser la GenAI très tôt, générant de la valeur pour nos clients à travers des cas d’usage en production et à l’échelle.
Le « Time-to-value » permis par nos plateformes nous a aussi conduits à changer de format de mise en œuvre. Nos Bootcamps nous permettent de démontrer la valeur en quelques jours ou semaines seulement, jouant un rôle clé dans l’adoption rapide de nos solutions par des entreprises, qu’elles soient initialement convaincues ou sceptiques.
Cette approche a conduit à une augmentation significative de la demande. Avec 36 % de croissance au quatrième trimestre de 2024 (par rapport à celui de 2023), nous continuons à croître comme une startup malgré nos 20 ans d’existence. Notre entrée au S&P 500 ou au Nasdaq 100 est aussi une belle reconnaissance de notre succès.
Qu’en est-il de la souveraineté des données ?
François Bohuon : C’est une problématique légitime. Chez Palantir, nous accordons une importance primordiale à la sécurité et à la confidentialité des données. Il est essentiel de rappeler que Palantir ne stocke pas ni ne commercialise les données. Nos clients restent propriétaires de leurs données à tout moment.
Notre modèle économique repose sur la garantie de cette sécurité et confidentialité. Nous permettons par exemple à nos clients de réaliser régulièrement des audits et des tests de pénétration sur nos solutions pour garantir ce niveau de protection. Cette transparence est essentielle pour maintenir la confiance de nos clients.
L’enjeu principal est de permettre à nos clients d’être les plus compétitifs possible tout en assurant leur autonomie stratégique. Pour cela, nous avons fait le choix d’une plateforme ouverte et interopérable, qui offre la flexibilité nécessaire pour répondre aux besoins spécifiques de chaque organisation, tout en respectant les exigences de souveraineté des données.
Quelles sont vos perspectives, dans ce monde numérique en perpétuelle croissance ?
Grégoire Omont : Nous y voyons deux vecteurs. Le premier commercial, et le second technologique. Commercialement, le contexte macroéconomique actuel favorise une adoption rapide de nos solutions, notamment aux États-Unis, où les stratégies GenAI sont mises en place à un rythme soutenu. Cependant, malgré notre succès, nous ne comptons actuellement que 700 clients, ce qui signifie qu’il reste un potentiel de croissance considérable. Nous pensons que cette vague d’adoption atteindra l’Europe prochainement.
Nous croyons fermement que c’est en adoptant ces technologies que l’Europe pourra rester compétitive à l’échelle mondiale.
Technologiquement, nous nous efforçons d’aller au-delà de l’intégration traditionnelle de l’IA dans les problèmes que nous résolvions déjà avant l’émergence des LLMs. Nos déploiements AIP ont élargi notre champ d’action en intégrant des données non structurées, des boucles de rétroaction plus riches et des mécaniques décisionnelles plus complexes. Pour véritablement transformer nos clients et dépasser cette approche inductive, bien qu’efficace, nous nous engageons maintenant dans une nouvelle mission : définir à quoi ressemblera l’entreprise autonome et responsable, visant une plus grande automatisation et un redéploiement des ressources humaines sur les tâches les plus complexes.
Contact : ljelr@palantir.com