IA et big data : « Transformer la prise de décision dans un monde de données »

Dossier : Vie des entreprises - Transformation numérique et intelligence artificielleMagazine N°805 Mai 2025
Par François BOHUON
Par Grégoire OMONT (X09)

Fort de 20 ans d’expérience gou­ver­ne­men­tale, et de plus de 10 ans dans le sec­teur pri­vé, Palan­tir met un point d’honneur à sécu­ri­ser et faci­li­ter l’utilisation des don­nées des entre­prises comme des grandes orga­ni­sa­tions. Objec­tif : assu­rer une sécu­ri­té et une ges­tion opti­males des don­nées, de leur inté­gra­tion à la prise de déci­sion opé­ra­tion­nelle, en pas­sant par l’analyse par des modèles d’IA.

Quelle est la mission première de Palantir ?

Fran­çois Bohuon : La mis­sion de Palan­tir est d’aider les orga­ni­sa­tions, du sec­teur pri­vé ou public, à prendre de meilleures déci­sions en leur four­nis­sant des outils pour inté­grer, gérer et ana­ly­ser leurs don­nées plus effi­ca­ce­ment. Ils visent à per­mettre aux ins­ti­tu­tions de tirer par­ti des infor­ma­tions basées sur les don­nées pour résoudre des pro­blèmes com­plexes, amé­lio­rer l’efficacité et amé­lio­rer les pro­ces­sus de prise de décision.

Pour ce faire, Palan­tir met à dis­po­si­tion des pla­te­formes opé­ra­tion­nelles agnos­tiques à l’industrie en assu­rant une sécu­ri­té opti­male sur toute la chaîne de vie de la don­née. De l’intégration à la prise de déci­sion opé­ra­tion­nelle, en pas­sant par l’analyse par des modèles d’IA.

En quoi le marché français est-il stratégique pour Palantir ?

Gré­goire Omont : Au-delà du sec­teur gou­ver­ne­men­tal sur lequel nous sommes impli­qués depuis près de 10 ans, la France repré­sente notre troi­sième mar­ché au niveau mon­dial. Grâce à des par­te­na­riats stra­té­giques dans divers sec­teurs tels que l’automobile (Stel­lan­tis et For­via), les ser­vices finan­ciers (Socié­té Géné­rale), l’aéronautique (Air­bus) ou encore l’énergie, la construc­tion et les ser­vices col­lec­tifs (Equans-Groupe Bouygues et Saur). À tra­vers l’ensemble de ces par­te­na­riats, nous consta­tons un réel fit cultu­rel entre la phi­lo­so­phie de nos pla­te­formes et l’excellence mathé­ma­tique fran­çaise. En France, les équipes opé­ra­tion­nelles, sou­vent com­po­sées d’ingénieurs, adoptent très rapi­de­ment la pla­te­forme qui per­met notam­ment de démo­cra­ti­ser l’utilisation des don­nées. Nous sommes fiers d’accompagner au plus près ces acteurs gou­ver­ne­men­taux et com­mer­ciaux avec nos solu­tions et la cen­taine d’employés en France, com­po­sée très majo­ri­tai­re­ment d’ingénieurs de très grande qualité.

Comment passe-t-on du renseignement au secteur privé ?

Fran­çois Bohuon : Palan­tir a effec­ti­ve­ment com­men­cé dans le sec­teur gou­ver­ne­men­tal, un domaine où les don­nées sont par­mi les plus sen­sibles. Au-delà du ren­sei­gne­ment et plus lar­ge­ment de la sécu­ri­té, notre acti­vi­té gou­ver­ne­men­tale a conti­nué à croître sur des seg­ments dif­fé­rents, incluant notam­ment la san­té, les finances, les ser­vices locaux. Nos outils per­mettent par exemple le ren­for­ce­ment de la lutte contre la fraude, l’amélioration du temps de prise en charge des patients, la meilleure uti­li­sa­tion des res­sources humaines et maté­rielles, la bonne tenue d’évènements spor­tifs de grande ampleur, etc.

Aujourd’hui, un grand nombre de pays de l’Union euro­péenne uti­lisent nos pla­te­formes pour amé­lio­rer la qua­li­té de leur ser­vice public. Cette expé­rience dans le domaine gou­ver­ne­men­tal a été cru­ciale pour notre déve­lop­pe­ment. Elle nous a per­mis de per­fec­tion­ner notre exper­tise en matière de ges­tion et de sécu­ri­sa­tion des don­nées, com­pé­tences que nous avons rapi­de­ment trans­fé­rées au sec­teur pri­vé. Nous avons per­çu des enjeux simi­laires dans le sec­teur com­mer­cial, où les entre­prises cherchent éga­le­ment à trans­for­mer leurs don­nées en insights exploi­tables pour prendre de meilleures déci­sions et même en auto­ma­ti­ser cer­taines aujourd’hui.

Forts de notre expé­rience ini­tiale, nous avons su adap­ter nos solu­tions pour répondre aux besoins spé­ci­fiques du sec­teur pri­vé. Nos pla­te­formes per­mettent désor­mais à nos par­te­naires com­mer­ciaux de gagner en com­pé­ti­ti­vi­té en opti­mi­sant leurs pro­ces­sus déci­sion­nels grâce à une uti­li­sa­tion intel­li­gente et sécu­ri­sée de leurs données.

En quoi l’IA et en particulier la GenAI ont-elles contribué à la forte croissance de Palantir sur les 12–18 derniers mois ?

Gré­goire Omont : Depuis le lan­ce­ment de notre Pla­te­forme d’Intelligence Arti­fi­cielle (AIP) en avril 2023, nous avons adop­té une approche stra­té­gique en posi­tion­nant AIP comme une pla­te­forme agnos­tique, capable d’intégrer divers modèles, tels que ceux d’OpenAI, Meta, X, Mis­tral, etc. tout en garan­tis­sant la sécu­ri­té des don­nées et en cher­chant à pal­lier aux limites de ces modèles.

Cette stra­té­gie repose sur notre convic­tion que les modèles d’IA géné­ra­tive sont une com­mo­di­té. Ce ne sont pas les modèles eux-mêmes qui importent, mais plu­tôt la couche d’orchestration entre les LLMs et les don­nées qu’ils consomment. C’est cette couche d’orchestration, sou­vent négli­gée, que nous appe­lons onto­lo­gie, qui per­met de tirer plei­ne­ment par­ti de cette nou­velle ère technologique.

Nos équipes pro­duit se sont concen­trées sur le déve­lop­pe­ment de fonc­tion­na­li­tés per­met­tant une véri­table opé­ra­tion­na­li­sa­tion des modèles d’IA. Plu­tôt que de créer un simple chat­bot, nous avons inves­ti dans un ensemble d’outils qui faci­litent l’intégration des modèles dans les pro­ces­sus d’entreprise.

Gagner du temps… et de l’argent ?

Gré­goire Omont : Dans le domaine des achats, cela per­met par exemple de rap­pro­cher des don­nées non struc­tu­rées (PDF de contrats, d’accords cadre, de fac­tures) et des don­nées struc­tu­rées (e.g. com­mandes, paie­ments), là où il était très com­plexe ou coû­teux de le faire. Nous per­met­tons ain­si l’identification et la réso­lu­tion d’écarts entre enga­ge­ments contrac­tuels et leur réa­li­sa­tion. Ne serait-ce que pour la bonne appli­ca­tion des remises de fin d’années, les gains se chiffrent régu­liè­re­ment en dizaines de millions.

Nous avons ain­si pu moné­ti­ser la GenAI très tôt, géné­rant de la valeur pour nos clients à tra­vers des cas d’usage en pro­duc­tion et à l’échelle.

Le « Time-to-value » per­mis par nos pla­te­formes nous a aus­si conduits à chan­ger de for­mat de mise en œuvre. Nos Boot­camps nous per­mettent de démon­trer la valeur en quelques jours ou semaines seule­ment, jouant un rôle clé dans l’adoption rapide de nos solu­tions par des entre­prises, qu’elles soient ini­tia­le­ment convain­cues ou sceptiques.

Cette approche a conduit à une aug­men­ta­tion signi­fi­ca­tive de la demande. Avec 36 % de crois­sance au qua­trième tri­mestre de 2024 (par rap­port à celui de 2023), nous conti­nuons à croître comme une star­tup mal­gré nos 20 ans d’existence. Notre entrée au S&P 500 ou au Nas­daq 100 est aus­si une belle recon­nais­sance de notre succès.

Qu’en est-il de la souveraineté des données ?

Fran­çois Bohuon : C’est une pro­blé­ma­tique légi­time. Chez Palan­tir, nous accor­dons une impor­tance pri­mor­diale à la sécu­ri­té et à la confi­den­tia­li­té des don­nées. Il est essen­tiel de rap­pe­ler que Palan­tir ne stocke pas ni ne com­mer­cia­lise les don­nées. Nos clients res­tent pro­prié­taires de leurs don­nées à tout moment.

Notre modèle éco­no­mique repose sur la garan­tie de cette sécu­ri­té et confi­den­tia­li­té. Nous per­met­tons par exemple à nos clients de réa­li­ser régu­liè­re­ment des audits et des tests de péné­tra­tion sur nos solu­tions pour garan­tir ce niveau de pro­tec­tion. Cette trans­pa­rence est essen­tielle pour main­te­nir la confiance de nos clients.

L’enjeu prin­ci­pal est de per­mettre à nos clients d’être les plus com­pé­ti­tifs pos­sible tout en assu­rant leur auto­no­mie stra­té­gique. Pour cela, nous avons fait le choix d’une pla­te­forme ouverte et inter­opé­rable, qui offre la flexi­bi­li­té néces­saire pour répondre aux besoins spé­ci­fiques de chaque orga­ni­sa­tion, tout en res­pec­tant les exi­gences de sou­ve­rai­ne­té des données.

Quelles sont vos perspectives, dans ce monde numérique en perpétuelle croissance ?

Gré­goire Omont : Nous y voyons deux vec­teurs. Le pre­mier com­mer­cial, et le second tech­no­lo­gique. Com­mer­cia­le­ment, le contexte macroé­co­no­mique actuel favo­rise une adop­tion rapide de nos solu­tions, notam­ment aux États-Unis, où les stra­té­gies GenAI sont mises en place à un rythme sou­te­nu. Cepen­dant, mal­gré notre suc­cès, nous ne comp­tons actuel­le­ment que 700 clients, ce qui signi­fie qu’il reste un poten­tiel de crois­sance consi­dé­rable. Nous pen­sons que cette vague d’adoption attein­dra l’Europe prochainement.

Nous croyons fer­me­ment que c’est en adop­tant ces tech­no­lo­gies que l’Europe pour­ra res­ter com­pé­ti­tive à l’échelle mondiale.

Tech­no­lo­gi­que­ment, nous nous effor­çons d’aller au-delà de l’intégration tra­di­tion­nelle de l’IA dans les pro­blèmes que nous résol­vions déjà avant l’émergence des LLMs. Nos déploie­ments AIP ont élar­gi notre champ d’action en inté­grant des don­nées non struc­tu­rées, des boucles de rétro­ac­tion plus riches et des méca­niques déci­sion­nelles plus com­plexes. Pour véri­ta­ble­ment trans­for­mer nos clients et dépas­ser cette approche induc­tive, bien qu’efficace, nous nous enga­geons main­te­nant dans une nou­velle mis­sion : défi­nir à quoi res­sem­ble­ra l’entreprise auto­nome et res­pon­sable, visant une plus grande auto­ma­ti­sa­tion et un redé­ploie­ment des res­sources humaines sur les tâches les plus complexes.

Contact : ljelr@palantir.com

https://www.palantir.com/

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