Hype : mobilité durable

Hype : accélérateur et catalyseur de la mobilité hydrogène en France

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°780 Décembre 2022
Par Mathieu GARDIES

Avec sa flotte de taxis et son réseau de sta­tions, Hype a été et reste à l’avant-garde du déploiement de la mobil­ité à hydrogène en France. Véri­ta­ble catal­y­seur de cette mobil­ité zéro émis­sion, l’entreprise pour­suit son développe­ment rapi­de et con­tribue active­ment au pas­sage à l’échelle de la fil­ière. Le point avec Math­ieu Gardies, fon­da­teur et prési­dent de Hype.

Hype a été lancé durant la COP 21. Pouvez-vous nous rappeler la genèse de ce projet ? 

Le pro­jet Hype est une plate­forme de mobil­ité hydrogène lancée à Paris en 2015, qui intè­gre la pro­duc­tion et la dis­tri­b­u­tion d’hydrogène vert, ain­si que le développe­ment des usages, avec le taxi pour pre­mier marché. À l’origine, en 2009, j’avais créé la Société du Taxi Élec­trique Parisien, après avoir tra­vail­lé dans le con­seil et la finance. Mon objec­tif était alors d’identifier une solu­tion rapi­de­ment et mas­sive­ment déploy­able, pour que les flottes incon­tourn­ables comme les taxis urbains puis­sent cir­culer sans être un vecteur de pol­lu­tion atmo­sphérique et sonore. La solu­tion zéro émis­sion qui avait alors été retenue était la motori­sa­tion élec­trique à bat­terie, seule disponible. Entre 2009 et 2014, nous avons dévelop­pé ce pro­jet avec un cadre tech­nologique qui s’articulait autour du véhicule élec­trique à bat­terie et de la recharge rapi­de, sans pour autant par­venir à le lancer véri­ta­ble­ment en rai­son d’un cer­tain nom­bre de lim­i­ta­tions notam­ment tech­niques. En 2014, des con­struc­teurs asi­a­tiques ont mis sur le marché les pre­miers véhicules élec­triques à hydrogène. Le pro­jet a alors piv­oté et nous avons lancé Hype à Paris, en 2015, à l’occasion de la COP 21, avec cinq pre­miers taxis élec­triques à hydrogène et une pre­mière sta­tion située Place de l’Alma.

Aujourd’hui, avec plus de 200 véhicules en cir­cu­la­tion en Île-de-France, Hype opère depuis 7 ans la plus grande flotte de taxis à hydrogène au monde et con­naît une forte crois­sance. La flotte attein­dra 700 taxis à Paris début 2023 et l’objectif d’ici les Jeux Olympiques de Paris 2024, est de déploy­er au sein de son écosys­tème un réseau de 26 sta­tions Hype ouvertes à tous (dont au moins 20 sta­tions de grande capac­ité, cha­cune pro­duisant locale­ment ~1 tonne/jour d’hydrogène vert) qui pour­ront per­me­t­tre d’alimenter 10 000 taxis zéro émis­sion à l’échappement. En par­al­lèle, d’ici fin 2024, nous tra­vail­lons sur le déploiement de la plate­forme Hype dans une quin­zaine de nou­velles régions, en France et à l’international, pri­or­i­taire­ment la Bel­gique, l’Italie, le Por­tu­gal, l’Espagne, le Roy­aume-Uni, le Cana­da et les États-Unis. 

Au cœur de votre modèle de mobilité, on retrouve donc l’hydrogène…

En effet, car la solu­tion hydrogène per­met de lever plusieurs freins à l’usage. Pour un chauf­feur de taxi, un véhicule élec­trique à hydrogène s’utilise de la même manière qu’un véhicule ther­mique. Con­crète­ment, avec ces véhicules nous cap­i­tal­isons sur les avan­tages de l’électrique sans les incon­vénients pro­pres à la bat­terie, à savoir les lim­i­ta­tions en ter­mes d’autonomie et surtout de temps d’immobilisation du véhicule pour le recharg­er. Avec le véhicule élec­trique à hydrogène, nous avons un véhicule élec­trique qui n’a pas besoin d’être immo­bil­isé pour être rechargé. Il offre une autonomie de 500 à 700 km et se recharge en 3 à 5 min­utes. L’enjeu est de don­ner aux chauf­feurs de taxis la pos­si­bil­ité de choisir la solu­tion la plus adap­tée à leur usage, tout en démon­trant que le pas­sage au zéro émis­sion à l’échappement n’implique pas de nou­velles con­traintes opéra­tionnelles. 

Comment contribuez-vous au développement de la mobilité hydrogène ? 

Hype est un pure play­er pio­nnier de la mobil­ité hydrogène, qui se car­ac­térise par sa vitesse d’exécution, son agilité et son mod­èle ‘’scal­able’’. Nous nous sommes lancés dans cette aven­ture à une époque où on ne par­lait presque pas de mobil­ité hydrogène en France. En dévelop­pant dès le départ l’offre et la demande avec le taxi pour pre­mier marché, nous avons créé les con­di­tions pour rapi­de­ment pass­er à l’échelle sur ce pre­mier usage per­ti­nent, tout en investis­sant simul­tané­ment dans le déploiement rapi­de d’un réseau de sta­tions. Ain­si, nous créons les con­di­tions néces­saires pour que l’écosystème de mobil­ité hydrogène puisse se dévelop­per rapi­de­ment, tant au niveau des infra­struc­tures de pro­duc­tion et de dis­tri­b­u­tion, que de l’intégration pro­gres­sive de nou­veaux usages per­ti­nents de mobil­ités. 

Dans un contexte où la décarbonation des usages s’accélère, quels sont les principaux enjeux que vous avez identifiés ?

Pour réus­sir la décar­bon­a­tion des mobil­ités et la tran­si­tion énergé­tique, nous avons besoin de l’hydrogène en com­plé­ment de l’écosystème bat­terie. La bat­terie va avoir un ren­de­ment énergé­tique plus intéres­sant mais sur cer­tains usages, l’écosystème bat­terie répond insuff­isam­ment aux besoins de l’utilisateur et dans ce cas le recours à l’hydrogène va être per­ti­nent. En out­re, les deux solu­tions ne posent pas les mêmes défis lorsque l’on passe à l’échelle. La par­tic­u­lar­ité de la mobil­ité hydrogène est qu’elle offre une forte capac­ité d’accélération, plus les vol­umes aug­mentent, plus cette solu­tion est com­péti­tive et facile à déploy­er. Avec les véhicules élec­triques à bat­terie c’est le con­traire, plus les vol­umes aug­mentent, plus cela devient dif­fi­cile sur le plan de l’infrastructure de recharge et notam­ment de la recharge rapi­de, ou sur la disponi­bil­ité des com­posants néces­saires pour les bat­ter­ies. C’est pour cette rai­son qu’il faut accélér­er le pas­sage à l’échelle et le déploiement syn­chro­nisé des réseaux de sta­tions à hydrogène et de bornes de charge. La struc­tura­tion de la fil­ière hydrogène en France et en Europe doit per­me­t­tre de rat­trap­er le retard indus­triel sur l’écosystème bat­terie et d’amorcer une dynamique de développe­ment simul­tané des deux solu­tions pour se posi­tion­ner comme des lead­ers mon­di­aux sur les solu­tions hydrogène.

Dans ce con­texte, il y a un fort enjeu de for­ma­tion pour dis­pos­er des tal­ents qui per­me­t­tront le déploiement rapi­de de ces solu­tions tech­nologiques sur le ter­rain. Nous avons lancé la Hype Acad­e­my et com­mencé à tra­vailler notam­ment avec les écoles d’ingénieurs, pour que les for­ma­tions soient les plus à jour et alignées pos­si­bles avec les besoins de la filière.

Quelles sont les autres spécificités de votre modèle ?

Hype joue un rôle de catal­y­seur et accéléra­teur pour la fil­ière. Dans une logique de co-développe­ment, Hype noue des parte­nar­i­ats indus­triels avec des acteurs de pre­mier plan sur cha­cune des briques tech­nologiques de l’écosystème. Hype a ain­si noué des parte­nar­i­ats avec HRS et McPhy, deux lead­ers de la fil­ière hydrogène française spé­cial­isés dans la pro­duc­tion d’électrolyseurs et de sta­tions hydrogène. Nous dévelop­pons aus­si de nou­veaux usages, notam­ment la logis­tique du dernier kilo­mètre. Hype accom­pa­gne ain­si un cer­tain nom­bre de don­neurs d’ordres (privés et publics) dans la tran­si­tion de leurs flottes cap­tives vers le zéro émis­sion à l’échappement, via notam­ment le pro­jet Last Mile, qui vise à déploy­er plusieurs cen­taines de véhicules util­i­taires hydrogène en Île-de-France d’ici 2024. Par ailleurs, en parte­nar­i­at avec Ecolo­trans, Hype développe une offre de mobil­ité hydrogène com­plète à des­ti­na­tion des pro­fes­sion­nels de la logis­tique, inté­grant véhicules, dis­tri­b­u­tion et main­te­nance. Hype tra­vaille égale­ment avec les con­struc­teurs et équipemen­tiers français pour accélér­er la pro­duc­tion de véhicules « hydrides » 100 % élec­trique, com­prenant une bat­terie recharge­able de taille raisonnable et un dis­posi­tif pile à com­bustible (hydrogène). Cette solu­tion opti­male sur les plans fonc­tion­nel et énergé­tique per­met de nav­iguer sur les deux réseaux.

In fine, au-delà des objec­tifs prin­ci­paux de dépol­lu­tion et de décar­bon­a­tion, l’enjeu est aus­si de réduire notre dépen­dance aux hydro­car­bu­res, accroître notre indépen­dance énergé­tique et con­tribuer à faire émerg­er rapi­de­ment une offre indus­trielle française de mobil­ité zéro émis­sion inté­grée et exhaus­tive, qui soit forte­ment créa­trice d’emplois qual­i­fiés, source de développe­ments tech­nologiques et de per­spec­tives pour de nou­velles expor­ta­tions.  

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