HUVY, l’allié numérique pour accélérer la détection du mélanome


HUVY a été cofondée par deux alumni de l’Institut Polytechnique de Paris avec le soutien d’une professeure en oncodermatologie, Léonie Schröder (CEO), et Bryan Boulé (CTO). Elle s’adresse à une problématique globale : la difficulté d’accès aux soins dermatologiques. Entretien avec deux anciens camarades d’école qui ont quitté les cabinets de conseil parisiens pour lancer leur solution d’IA pour l’accélération des parcours de soins dermatologiques.
Pouvez-vous expliquer en quoi consiste la technologie d’IA développée par Huvy pour la détection des mélanomes ?
HUVY est une plateforme SaaS destinée aux professionnels de santé de proximité (médecins, pharmaciens, paramédicaux). Elle donne accès à une Intelligence artificielle entraînée spécifiquement sur la reconnaissance des mélanomes à partir de photographies dermoscopiques. Basée sur des modèles de Deep Learning spécialement entraînés pour assurer le meilleur compromis performance/rapidité, elle est en mesure de détecter un mélanome sur une photo en moins de 15 secondes. Entraînée sur près de 100 000 images dermatologiques, sa fiabilité a été démontrée comme étant au-dessus des standards utilisés habituellement dans des contextes de diagnostic, faisant de HUVY, un outil de dépistage ultra performant.
Quelles sont les avancées scientifiques ou technologiques spécifiques qui distinguent votre solution des autres outils de diagnostic actuels ?
HUVY a développé son outil en collaboration avec les soignants pour qu’il soit parfaitement adapté à leurs besoins quotidiens. Notre recherche allie des exigences techniques élevées à une prise en compte des contraintes du terrain. Nous avons choisi un format SaaS, utilisable avec les équipements déjà présents dans les cabinets (smartphones complétés d’un dermatoscope), pour garantir une adoption simple et rapide.
Cette prise en compte des contraintes de la vraie vie, c’est ce qui manque à beaucoup qui lancent de belles initiatives de recherche…
D’autres se refusent à entrer dans des parcours de certifications* CE ou FDA pour en faire des outils de soin courant, car elles peinent à répondre à l’ampleur des exigences demandées. HUVY a fait cette démarche. Elle est en voie de devenir la première plateforme certifiée CE II.B. pour le dépistage du mélanome. Mais notre démarche fut longue. Nous avons dû démontrer les performances cliniques de notre IA, sa reproductibilité et sa robustesse face aux contraintes de la vraie vie.
Comment garantissez-vous la précision et la fiabilité des diagnostics réalisés par votre IA ?
Notre IA est le résultat de 3 ans de R&D et est spécialisée pour garantir des performances optimales. Au-delà de notre approche évoquée précédemment, nous avons également breveté une classification qui permet à l’IA d’exprimer ses doutes et de laisser la main aux soignants quand elle ne peut pas se prononcer avec un indice de confiance suffisant.
Pour garantir la fiabilité, nous avons mené des études cliniques, y compris en conditions réelles avec le CHU de Nantes. Ces recherches ont montré une sensibilité de 96 à 100 % (capacité à détecter les patients malades) et une spécificité d’environ 70 % (capacité à éviter les orientations inutiles vers les spécialistes).
La fiabilité de nos résultats va-t-elle au-delà de la qualité de notre technologie ?
Elle résulte d’une bonne adéquation entre notre technologie et son étape dans le parcours de soin. Comme évoqué précédemment, nous nous positionnons comme un outil de type TROD (Test Rapide d’Orientation Diagnostique) et non pas comme un outil de diagnostic. Le spécialiste reste le seul capable de poser un diagnostic après examen et exérèse de la lésion. Cela signifie que notre plateforme sera utilisée en amont des rendez-vous dermatologiques et dans une logique d’optimisation des prises de rendez-vous. Vous l’aurez compris, nous avons fait le choix de proposer cet outil qu’aux professionnels de santé, à ce jour. Cela permet notamment une prise en charge dans un parcours de soin, qui garantit un accompagnement complémentaire à la performance pure de la technologie. Nous avons travaillé activement sur la transparence pour faire de notre outil un assistant numérique que les soignants peuvent comprendre et interpréter.
Quels sont les principaux bénéfices que votre technologie apporte aux patients et aux professionnels de santé dans le cadre des parcours de soin ?
Avec notre approche, un patient identifié comme à fort risque de mélanome peut être pris en charge plus rapidement. Le soignant dépisteur pourra signaler au dermatologue que le patient doit bénéficier d’une consultation urgente, preuve du résultat HUVY à l’appui. A contrario, un patient porteur d’une lésion bénigne, par exemple une Kératose séborrhéique, pourra être filtré et éviter d’engorger inutilement la file d’attente des spécialistes.
Nous proposons ainsi des parcours accélérés pour les patients qui en ont besoin, augmentant leurs chances, et donnons une possibilité de se rassurer facilement. Les soignants de proximité gagnent en autonomie sur les sujets dermatologiques et bénéficient d’un nouvel acte responsabilisant et rémunérateur. Enfin, les dermatologues surchargés optimisent leur temps d’expert sur des cas plus pertinents.
De manière plus globale, cette nouvelle approche est une réelle opportunité pour la santé publique. Elle permet d’améliorer les chances des patients porteurs de mélanome tout en proposant une santé plus personnalisée qui limite les dépenses liées à des prises en charge tardives ou des adressages non pertinents.
En quoi votre solution pourrait-elle améliorer le dépistage précoce et les résultats des traitements pour les patients atteints de mélanome ?
En équipant un large spectre de professionnels de santé de proximité, médecins, pharmaciens et paramédicaux, nous garantissons un accès à un premier test proche de chez soi, y compris dans les déserts médicaux. Les « retards diagnostics » résultent souvent de cette difficulté d’accès aux soins, mais peuvent aussi être liés à une négligence du patient ou un manque de connaissance de certains soignants de proximité face à la variabilité de ces lésions. En proposant un dépistage que l’on peut mobiliser au moindre doute, rapide, facile d’accès, et fiable, on garantit nécessairement une prise en charge plus adéquate qui améliore les chances du patient. En plus d’améliorer fortement le confort d’exercice de toute la chaîne de soin. C’est quelque chose que nous prévoyons de démontrer à grande échelle avec le déploiement de notre outil.
Comment envisagez-vous l’intégration de votre IA dans les pratiques médicales existantes, notamment en dermatologie ?
De nombreux dermatologues soutiennent notre initiative puisqu’ils sont aujourd’hui débordés de demandes. En France, le travail de filtre et d’alerte sur les cas à risque n’est pas aussi performant que dans des pays beaucoup plus sensibilisés, comme en Australie. Il a été estimé dans une étude dans le Val-de-Marne que pour 100 patients adressés aux dermatologues pour suspicion de mélanome, seuls 7 avaient réellement besoin d’être envoyés. L’intégration d’une IA pour mieux qualifier ces demandes apparaît donc comme une suite logique des initiatives qui se sont développées ces dernières années : téléconsultation, téléexpertise…
Quels sont les objectifs que vous visez avec votre levée de fonds prévue pour 2025 ?
Nous réalisons effectivement une levée de fonds en 2025. Avec notre lancement en soin courant en début d’année, nous faisons l’objet de demandes spontanées de nombreux soignants, partenaires et patients alors même que nous n’avons fait aucune action promotionnelle pour le moment. Le bouche-à-oreille a fait le travail. Nous avons donc besoin de nous armer en vue d’un déploiement réussi à grande échelle en France puis en Europe. Cela implique de recruter les bonnes personnes pour faire grandir la société à nos côtés.
Quels défis anticipez-vous pour le déploiement et l’adoption à grande échelle de votre technologie ?
Le défi d’une intégration optimale dans les parcours de soins est le plus important pour nous. Cela passe par une écoute forte, un monitoring régulier et une équipe prête à adapter notre approche au fil des retours. Et bien sûr, il convient de nous intégrer dans les parcours de soin existants aussi pluriels soient-ils aujourd’hui à l’échelle européenne.
Quelles seront les premières étapes pour élargir votre présence à l’international après cette levée de fonds ?
Grâce à notre prochaine obtention du marquage CE, nous pouvons nous adresser à l’ensemble des pays de l’UE dès demain. Cela passe bien sûr par une distribution sur laquelle nous devons nous entourer des bons partenaires. Et une capacité à communiquer efficacement avec les dermatologues pour dupliquer notre bonne pratique partenariale avec eux. À cet effet, nous avons déjà exposé un premier poster scientifique au congrès européen EADV 2024 et avons été sélectionnés pour présenter le projet lors du congrès international IMCAS 2025.
Nous avons également été sollicités pour un déploiement au-delà des frontières de l’Europe, mais nous en reparlerons en temps voulu.
Comment percevez-vous l’évolution de l’innovation en santé grâce à l’IA dans les années à venir, et quel rôle Huvy espère-t-elle y jouer ?
Pour nous, il n’y a aucun doute que cette technologie pourra apporter beaucoup de valeur sur toute la chaîne de valeur en santé. Depuis l’optimisation des prises en charge et le dépistage précoce, comme nous, jusqu’à la personnalisation des traitements et la formulation de nouvelles thérapies innovantes. HUVY souhaite s’inscrire comme l’incontournable de l’IA en dermatologie et contribuer à protéger plus de patients, à chaque étape du parcours.
Bien sûr, ces nouvelles ne sont réjouissantes que si chaque industriel se prête au jeu de la transparence et des bonnes pratiques du domaine. Il est indispensable de prendre ce domaine très au sérieux et de travailler main dans la main avec les soignants pour proposer les dispositifs médicaux de demain qui vont révolutionner la santé.
Nous espérons que cette révolution sera prise à sa juste mesure par les autorités de santé. Cela a été bien intégré dans la dimension réglementaire, mais cela n’est pas encore suffisamment encouragé, à travers des actes dédiés. Faciliter cette transformation profonde des parcours de soins apportera des bénéfices certains pour la santé publique.
* Ces labels, respectivement pour l’Union européenne et les États-Unis, sont des étapes obligatoires pour la mise sur le marché d’un dispositif médical, au même titre qu’un médicament. Pour les obtenir, le fabricant doit démontrer, en accord avec le règlement local de chaque marché, la balance complète « bénéfice risque » de son dispositif.