Hope Valley AI réinvente la prévention numérique et le dépistage du cancer du sein

Portée par l’intelligence artificielle et grâce à une technologie de détection précoce des signaux faibles d’événements rares, inspirée des méthodes et pratiques industrielles en termes de sûreté nucléaire, Hakima Berdouz, fondatrice de la start-up, ambitionne de révolutionner la prévention numérique en matière de santé mammaire. Avec des partenariats stratégiques et une vision internationale, Hope Valley AI s’impose comme un acteur clé de l’onconumérique.
Quelles sont les origines de Hope Valley AI et pourquoi lancer ce projet ?
L’origine de Hope Valley AI repose sur une ambition stratégique forte : celle de créer une start-up d’intelligence artificielle à dimension internationale. Contrairement aux schémas traditionnels où les start-up se développent d’abord au niveau local ou national, nous avons fait le choix d’une approche inversée. Notre cible principale est le marché américain, qui est aujourd’hui l’un des plus dynamiques en matière d’innovations en santé numérique.
Le choix du nom « Hope Valley AI » est également significatif. Le mot « Hope » (espoir) incarne la mission même de l’entreprise : apporter un espoir nouveau aux patients, notamment pour les cancers. Mon entourage familial a été touché par cette maladie et cette expérience m’a motivée à mettre mon expertise d’ingénieure, acquise notamment dans le secteur du nucléaire, au service d’une cause profondément humaine. Au sein du CEA, j’avais développé des approches intégrées de détection précoce des signaux faibles d’événements rares redoutés, utilisées pour la sûreté des réacteurs. Ces méthodes se sont révélées parfaitement adaptées à la prédiction et à la détection précoce des tumeurs. Hope Valley AI trouve ainsi ses racines dans une double inspiration : la haute technologie issue du nucléaire et l’engagement sincère d’améliorer la prévention et le dépistage du cancer.
Comment fonctionne Hope Valley AI et en quoi votre technologie est-elle différente des autres solutions d’intelligence artificielle du secteur de la santé ?
Notre mission est d’améliorer la prévention numérique, le dépistage et la télésurveillance prédictive et thérapeutique des maladies, avec un accent initial sur le cancer du sein. Nous avons conçu une « clinique numérique intelligente » en trois modules : un module de prévention numérique et d’auto-examen gratuit, un module de télésurveillance prédictive et préventive financé par des mutuelles ou des employeurs, et un module de télésurveillance médicale renforcée prescrit par un professionnel de santé et pris en charge par l’Assurance Maladie. Cette structure garantit un accès équitable aux soins préventifs tout en assurant un modèle économique durable.
Notre technologie se distingue par plusieurs points clés. D’abord, nous adoptons une approche « Cybersecurity by design » : les données patientes sont anonymisées, stockées sur des infrastructures souveraines, et la cybersécurité est intégrée dès la conception. Ensuite, nous avons développé des techniques d’IA interprétables, inspirées de mes travaux au CEA, permettant de repérer, capturer et caractériser les signaux faibles de manière précoce.
Le développement de l’intelligence artificielle dans le secteur de la santé comporte des défis majeurs, notamment en matière de réglementation et de protection des données. Quels obstacles avez-vous rencontrés et comment les avez-vous surmontés ?
L’évolution réglementaire a profondément modifié le contexte. Avant la pandémie, le parcours classique consistait à obtenir d’abord le marquage CE en Europe, puis l’approbation de la FDA aux États-Unis. Aujourd’hui, l’Europe a renforcé ses exigences, rallongeant l’accès au marché, tandis que les États-Unis ont mis en place des procédures « fast track » plus flexibles. Pour nous adapter, nous avons choisi d’inverser la stratégie et de viser en priorité le marché américain, afin d’obtenir l’agrément de la FDA avant même le marquage CE.
Cette approche accélère notre mise sur le marché et séduit davantage les investisseurs, plus enclins à soutenir des projets validés rapidement. Par ailleurs, notre expérience dans le nucléaire, un secteur régi par des normes de sûreté extrêmement strictes, nous a permis d’intégrer très tôt les contraintes réglementaires et normatives du domaine de la santé. Aujourd’hui, nous allons déjà au-delà des standards réglementaires, garantissant ainsi une IA de confiance, essentielle pour gagner l’adhésion, l’adoption et l’engagement des patientes, des médecins et des institutions.

Quels partenariats stratégiques avec des acteurs de la santé ou de la technologie avez-vous noués pour accélérer votre développement ?
Les partenariats sont au cœur de notre stratégie. Dès la première phase du projet, baptisée « Simone » en hommage à Simone Veil, nous avons collaboré avec l’AP-HP, notamment la Pitié-Salpêtrière, grâce à notre incubation à l’Inria Startup Studio. Nous avons bénéficié du soutien de l’Université Paris-Saclay, qui a financé un 1er POC et permis le recrutement d’un data scientist. L’Université Sorbonne, via son centre IA, fait également partie de notre écosystème.
En nous orientant vers le cancer du sein, nous avons collaboré étroitement avec l’Institut Gustave Roussy et le Paris Saclay Cancer Cluster, et bénéficié d’une incubation d’un an afin de renforcer notre expertise en onconumérique. Sur le plan régional, notre implantation à La Rochelle a facilité l’accès à des centres hospitaliers de renom, comme le CHU de Tours, pionnier dans les ultrasons, ainsi que le CHU de Poitiers et celui de Limoges et de La Rochelle.
À l’échelle européenne, nous ciblons en priorité l’Allemagne, où nous travaillons avec la TUM (Université Technique de Munich) dans un cadre réglementaire favorable. Enfin, à l’international, le soutien du MIT, notre présence dans des laboratoires américains, ainsi que nos liens avec la French Tech de Boston et les écosystèmes canadiens (Montréal, Québec City) élargissent considérablement notre réseau. Ces partenariats, tant sur le plan médical que technologique, sont essentiels pour valider nos solutions, attirer des financements et renforcer notre positionnement auprès des praticiens et des investisseurs.
Quelles sont les prochaines étapes pour Hope Valley AI ?
Notre priorité est de lancer notre application de prévention numérique et de prédiction du risque du cancer du sein dès octobre 2025, avec un accès anticipé en février-mars 2025, pour les early adopters. Ce lancement marquera une étape décisive dans la mise à disposition d’un outil complémentaire à la mammographie, permettant aux femmes de réaliser un suivi préventif régulier, notamment entre deux examens, et de détecter plus tôt d’éventuelles tumeurs passées entre les mailles du dépistage traditionnel, notamment le cancer d’intervalle qui représente près de 20 % des cancers du sein en France selon le Programme Interception de Gustave Roussy.
Nous prévoyons également de poursuivre nos investigations cliniques multicentriques, d’élargir nos partenariats hospitaliers, de renforcer notre propriété intellectuelle, et de préparer l’extension de notre technologie à d’autres pathologies. À terme, nous prévoyons de proposer nos API, brevets et technologies sous licence, afin de maximiser la portée de nos innovations. Nous visons un déploiement simultané sur plusieurs marchés pour toucher le plus grand nombre de patientes et contribuer à sauver des vies grâce à la prédiction du risque à 5 ans et la détection précoce des signaux faibles précurseurs d’anomalies mammaires.
Quel message aimeriez-vous adresser aux jeunes entrepreneurs et aux femmes qui souhaitent se lancer dans la deeptech ou l’intelligence artificielle ?
Je les inciterais à ne pas attendre et à se lancer dès lors qu’ils ou elles sentent que leur projet les passionne et qu’il a une réelle portée, qu’il soit à impact ou non. Aujourd’hui, les technologies, les incubateurs, les dispositifs d’aide et les écosystèmes de soutien sont plus accessibles que jamais. Grâce à l’IA, il est aussi possible de tester rapidement une idée, d’itérer et d’affiner une solution au plus près de ses utilisateurs. Il est également crucial de rester fidèle à sa mission, quitte à refuser certains partenariats ou financements qui ne correspondent pas à ses valeurs.
Il est rare, dans la deeptech, d’avoir des équipes majoritairement féminines comme la nôtre, et c’est une grande fierté. Cela montre qu’il est possible d’innover, de révolutionner le domaine de la santé et de porter un projet ambitieux tout en restant ancré dans des convictions profondément humanistes. À celles et ceux qui hésitent, je dirais : osez. L’entrepreneuriat est exigeant, mais riche de sens, de valeurs et d’apprentissages.