Henri BROCARD (1865) un ingénieur savant du XIXe siècle

Dossier : TrajectoiresMagazine N°708 Octobre 2015
Par Pauline ROMERA-LEBRET

Hen­ri Bro­card est né le 12 mai 1845 dans une petite com­mune de la Meuse, à quar­ante kilo­mètres de Bar-le-Duc. Il entre à l’École poly­tech­nique en 1865 puis rejoint le Corps des ingénieurs de l’armée française.

“ Durant trente-sept ans dans l’armée, il participe à onze campagnes ”

En 1869, après deux années d’études à l’École d’application, il est nom­mé lieu­tenant en sec­ond du Génie. D’abord affec­té au 2e rég­i­ment de Mont­pel­li­er, il fait ensuite un bref pas­sage dans l’armée du Rhin.

Il par­ticipe à ses pre­mières cam­pagnes pen­dant la guerre fran­co-alle­mande de 1870. Il est fait pris­on­nier lors de la défaite de Sedan.

Il fait aus­si par­tie de la colonne de Sétif lors de la révolte des Mokrani3 en Algérie. Il est chargé de rédi­ger les reg­istres d’ordres qui rela­tent la vie quo­ti­di­enne du pre­mier rég­i­ment du Génie : heures et ordres des départs, con­signes pour le rav­i­taille­ment, etc.

Durant les trente-sept années qu’il passe dans l’armée, Bro­card par­ticipe à onze cam­pagnes militaires.

Chercheur en mathématiques

En par­al­lèle à sa car­rière mil­i­taire, Bro­card four­nit sur son temps libre une impor­tante pro­duc­tion math­é­ma­tique, en par­ti­c­uli­er sur la nou­velle géométrie du tri­an­gle. À Greno­ble, à Mont­pel­li­er ou en Algérie, il main­tient une cor­re­spon­dance dense avec de nom­breux math­é­mati­ciens français et étrangers dont la recherche, comme pour lui, n’est pas l’activité principale.

Out­re les nom­breux arti­cles qu’il pub­lie dans des revues de math­é­ma­tiques d’un niveau inter­mé­di­aire et tournées vers l’enseignement, il s’investit dans l’équipe édi­to­ri­ale de plusieurs d’entre elles4.

Il s’est aus­si intéressé aux recherch­es bib­li­ographiques. Il devient à ce titre col­lab­o­ra­teur de la com­mis­sion per­ma­nente des­tinée à la mise en place du Réper­toire général de bib­li­ogra­phie math­é­ma­tique5.

Enseignant en école régimentaire

De sa longue car­rière mil­i­taire, deux péri­odes se dis­tinguent : ses affec­ta­tions au ser­vice météorologique d’Alger et celles en écoles régimentaires.

“ Il développe le réseau météorologique algérien ”

Il est d’abord nom­mé adjoint au com­man­dant de l’École rég­i­men­taire de Greno­ble (1877–1879) puis à celle de Mont­pel­li­er (1883–1887).

Comme cela sera le cas dans sa car­rière de météoro­logue, Bro­card ne se con­tente pas d’enseigner la physique et la chimie puisqu’il rénove et développe le cab­i­net de physique et le lab­o­ra­toire de chimie et qu’il rédi­ge des ouvrages didactiques.

Huit ans en Algérie

En cumulé, Bro­card passe plus de huit ans en poste en Algérie. Ses affec­ta­tions les plus longues et les plus sig­nifi­antes sont celles au ser­vice météorologique d’Alger comme adjoint au général Farre, X 1835 (1874–1876 puis 1879–1882).

Bro­card tra­vaille au bureau qui cen­tralise tous les doc­u­ments recueil­lis dans les sta­tions météorologiques. Il est égale­ment tit­u­laire des com­mis­sions météorologiques de Con­stan­tine, Alger et Oran. Durant sa pre­mière affec­ta­tion, il développe le réseau météorologique algérien suiv­ant les instruc­tions du géo­logue Charles Sainte-Claire Deville.

Lors de son deux­ième séjour, il est chargé de l’inspection et de l’amélioration de la quar­an­taine d’installations.

Vulgarisateur et diffuseur de sciences

APPÂT-SAUTERELLES

En 1876 se tient à Alger l’exposition générale de la Société d’agriculture. Brocard est alors nommé membre du jury des récompenses pour la section des machines agricoles. De plus, il a participé à la mise au point d’un « appât-sauterelles » qui, présenté à l’exposition, remporte une médaille d’or.

En Algérie, Bro­card ne se can­tonne pas à son statut de météoro­logue mais s’investit dans des activ­ités de vul­gar­i­sa­tion et de dif­fu­sion sci­en­tifiques. À ce titre, il rédi­ge une série d’articles pub­liés de façon heb­do­madaire de décem­bre 1874 à octo­bre 1875 et visant à don­ner des « notions d’astronomie populaire ».

Lors de son deux­ième séjour en Algérie, Bro­card a égale­ment beau­coup œuvré pour l’organisation du 10e con­grès annuel de l’Association française pour l’avancement des sci­ences (AFAS) qui se tient en 1881 à Alger.

En par­al­lèle au con­grès se déroulent un con­cours agri­cole et une « expo­si­tion indus­trielle, sco­laire et artis­tique » pour lesquels Bro­card a élaboré des doc­u­ments des­tinés à faire con­naître les travaux du Ser­vice météorologique.

Bibliothécaire et bibliographe

Quand Bro­card se retire de l’armée, en 1910, il est chef de batail­lon à l’état-major ter­ri­to­r­i­al du Génie et offici­er de la Légion d’honneur. Il est tit­u­laire de la Médaille colo­niale et de l’Agrafe d’Algérie.

Il passe les dernières années de sa vie à Bar-le-Duc, occu­pant son temps entre ses obser­va­tions astronomiques et son activ­ité au sein de la Société des let­tres, des sci­ences et des arts de la ville. Il y tient le rôle de bib­lio­thé­caire, assou­vis­sant ain­si sa pas­sion pour la bibliographie.

Il pour­suit ses recherch­es en math­é­ma­tiques, par­tic­i­pant tous les qua­tre ans aux con­grès inter­na­tionaux de math­é­ma­tiques. Il meurt à Bar-le-Duc le 16 jan­vi­er 1922.

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1. C’est Raoul Bricard qui rédi­ge cette nécrolo­gie pour la revue les Nou­velles Annales de math­é­ma­tiques, dont il est l’un des rédacteurs.
2. Ce por­trait de Bro­card est en grande par­tie tiré d’un arti­cle coécrit par Nor­bert Verdier, Djamil Aïs­sani et Pauline Romera-Lebret : « Les man­u­scrits sci­en­tifiques “européens” en rap­port avec l’Afrique du Nord », dans D. Aïs­sani & M. Dje­hiche (éd.), L’Âge d’or des Sci­ences en pays d’Islam. Les Man­u­scrits sci­en­tifiques du Maghreb, édi­teur : Tlem­cen, cap­i­tale de la Cul­ture islamique, 2012, p. 147- 164 (texte en français et tra­duc­tion en arabe).
3. La révolte des Mokrani (1871–1872), du nom d’un des cheikhs qui en est à l’origine, est la plus impor­tante insur­rec­tion de la pop­u­la­tion kabyle con­tre le pou­voir colo­nial français en Algérie.
4. Dans le paysage édi­to­r­i­al fran­coph­o­ne de la deux­ième moitié du XIXe siè­cle, les jour­naux de math­é­ma­tiques inter­mé­di­aires sont un com­plé­ment aux jour­naux de recherch­es math­é­ma­tiques comme le mon­tre N. Verdier dans son arti­cle « Les jour­naux de math­é­ma­tiques dans la pre­mière moitié du XIXe siè­cle en Europe », Philosophia Sci­en­ti­ae, 13–2 (2009), p. 97–126.
5. Ce pro­jet, ini­tié par la Société math­é­ma­tique de France en 1885, vise à rassem­bler et class­er l’ensemble des références bib­li­ographiques des recherch­es mathématiques

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