GMT Science : révolutionner la médecine personnalisée grâce au microbiote

Dossier : Vie des entreprises - HealthtechMagazine N°804 Avril 2025
Par Étienne FORMSTECHER (X93)
Par Raynald de LAHONDÉS (X93)

GMT Science explore les poten­tia­li­tés du micro­biote pour trans­for­mer la méde­cine per­son­na­li­sée. Direc­teur géné­ral de l’entreprise, Étienne Form­ste­cher (X93) est éga­le­ment pro­fes­seur char­gé de cours au dépar­te­ment de bio­lo­gie de l’École poly­tech­nique. Il revient sur les avan­cées scien­ti­fiques, les défis du diag­nos­tic médi­cal fon­dé sur le micro­biote intes­ti­nal, à la croi­sée de la bio­lo­gie et de l’intelligence artificielle.

Pouvez-vous nous en dire plus sur GMT Science et son équipe ?

GMT Science est une jeune socié­té com­po­sée de six sala­riés et de plu­sieurs consul­tants spé­cia­li­sés. Nous sommes ins­tal­lés à Paris, dans l’accélérateur en san­té numé­rique Future4Care, et à Rouen, où nous col­la­bo­rons étroi­te­ment avec le CHU. Nos cofon­da­teurs, comme Joël Doré, spé­cia­liste mon­dial du micro­biote, Pierre Déche­lotte, pro­fes­seur de méde­cine et pra­ti­cien hos­pi­ta­lier, et Ray­nald de Lahondes (X93), expert en déve­lop­pe­ment logi­ciel, apportent une exper­tise com­plé­men­taire essentielle.

L’équipe com­prend aus­si des spé­cia­listes en IA, et nous col­la­bo­rons avec des experts en régle­men­ta­tion des dis­po­si­tifs médi­caux et en bio­lo­gie médi­cale. Cette plu­ri­dis­ci­pli­na­ri­té nous per­met de rele­ver les défis liés à l’analyse du micro­biote en clinique.

Comment décririez-vous la technologie qui sous-tend vos travaux chez GMT Science ?

Nous uti­li­sons une tech­no­lo­gie appe­lée méta­gé­no­mique shot­gun, qui per­met d’étudier en détail les micro­biotes en séquen­çant l’ADN des dif­fé­rentes espèces qui les com­posent. Contrai­re­ment aux méthodes tra­di­tion­nelles comme la PCR ou le séquen­çage de l’ARN16S, la méta­gé­no­mique offre une vision exhaus­tive et pré­cise, non seule­ment des espèces pré­sentes, mais aus­si des gènes et des fonc­tions qu’ils portent. Ces infor­ma­tions sont essen­tielles pour carac­té­ri­ser un micro­biote, et ain­si poser des diag­nos­tics, suivre l’évolution d’une mala­die ou pré­dire la réponse à un traitement.

Pourquoi le microbiote est-il devenu un sujet central en médecine ?

Depuis une dizaine d’années, les don­nées scien­ti­fiques et médi­cales s’accumulent, mon­trant que des dés­équi­libres du micro­biote, qu’on appelle dys­bioses, sont asso­ciés à de nom­breuses patho­lo­gies, des mala­dies gas­tro-intes­ti­nales aux mala­dies car­dio­vas­cu­laires, en pas­sant par le can­cer, le dia­bète, l’obésité et les mala­dies neu­ro­dé­gé­né­ra­tives. Si ces alté­ra­tions ne sont pas tou­jours la cause directe de la patho­lo­gie, elles peuvent en aggra­ver les symp­tômes ou affec­ter la réponse aux trai­te­ments. Cela fait du micro­biote un bio­mar­queur extrê­me­ment pro­met­teur pour le diag­nos­tic et l’amélioration de la prise en charge.

“Le microbiote est un biomarqueur extrêmement prometteur pour le diagnostic et l’amélioration de la prise en charge.”

Quels sont les domaines d’application les plus avancés pour vos tests basés sur le microbiote ?

L’un des champs d’application les plus mûrs est la pré­dic­tion de la réponse à cer­tains trai­te­ments anti­can­cé­reux, en par­ti­cu­lier les immu­no­thé­ra­pies appe­lées inhi­bi­teurs de point de contrôle immu­ni­taire (ICI). Ces thé­ra­pies, bien que très effi­caces, ne fonc­tionnent que pour une frac­tion des patients, par­fois seule­ment 30 %. Les équipes de recherche en France et au Cana­da avec les­quelles nous col­la­bo­rons ont décou­vert que l’état du micro­biote joue un rôle clé dans cette réponse. Le res­tau­rer pour­rait amé­lio­rer l’efficacité du trai­te­ment et la sur­vie du patient.

Des recherches sont-elles effectuées en ce sens ? 

Les résul­tats sont pro­met­teurs. Des études cli­niques montrent par exemple que chez des patients atteints d’un can­cer du rein ayant béné­fi­cié d’une trans­plan­ta­tion de micro­biote fécale, en plus de leur trai­te­ment stan­dard, le taux de sur­vie à un an (sans reprise de la mala­die) passe de 35 % à près de 70 %. Ces résul­tats, bien que sur de petits échan­tillons de patients, confirment l’importance du micro­biote dans l’efficacité des traitements.

Comment fonctionne concrètement le test que vous développez ?

Notre pre­mier test per­met jus­te­ment de pré­dire la réponse aux ICI dans le can­cer du pou­mon, grâce à un bio­mar­queur micro­biote spé­ci­fique et pro­prié­taire. Nous avons iden­ti­fié cette signa­ture micro­biote par des méthodes d’IA grâce à notre base de don­nées de plus de 20 000 échan­tillons patients. Le test repose ain­si sur une ana­lyse appro­fon­die du micro­biote du patient grâce à la méta­gé­no­mique. À par­tir d’un échan­tillon de selles, nous séquen­çons l’ADN des bac­té­ries, puis nous ana­ly­sons ces don­nées grâce à notre logi­ciel pro­prié­taire. Le résul­tat final, un score simple et clair, est trans­mis aux méde­cins pour les aider à pré­dire la réponse aux traitements.

Quelles sont les prochaines étapes pour valider et commercialiser ce test ?

Nous avons déjà obte­nu une preuve de concept cli­nique en par­te­na­riat avec Gus­tave Rous­sy, dont les cher­cheurs ont éga­le­ment iden­ti­fié une signa­ture de réponse aux ICI, mais la pro­chaine étape clé est une étude cli­nique mul­ti­cen­trique. Cela impli­que­ra de nou­veaux patients et per­met­tra de vali­der la capa­ci­té du test à pré­dire la réponse aux ICI. Pour finan­cer ce pro­jet, nous levons actuel­le­ment 5 mil­lions d’euros, ce qui nous per­met­tra de fina­li­ser la vali­da­tion cli­nique et régle­men­taire et de viser une com­mer­cia­li­sa­tion d’ici 2027.

Quelle est l’importance de vos partenariats, notamment avec Gustave Roussy ?

Nos par­te­na­riats jouent un rôle cen­tral dans le déve­lop­pe­ment de nos tests. Gus­tave Rous­sy, prin­ci­pal centre euro­péen de lutte contre le can­cer, est un par­te­naire clé. Ensemble, nous avons réa­li­sé une preuve de concept cli­nique, démon­trant l’utilité du micro­biote pour pré­dire la réponse aux immunothérapies.

Nous col­la­bo­rons éga­le­ment avec le CHU de Rouen, qui apporte son exper­tise cli­nique dans d’autres patho­lo­gies telles que l’obésité et les mala­dies car­dio­mé­ta­bo­liques, ain­si qu’avec le centre Meta­Ge­no­Po­lis de l’INRAE, pion­nier dans l’analyse du micro­biote. Ces par­te­na­riats ren­forcent la vali­di­té scien­ti­fique et cli­nique de nos tra­vaux tout en nous don­nant accès à des don­nées cru­ciales pour affi­ner nos algorithmes.

Quels sont les bénéfices médico-économiques de vos tests ?

L’intérêt de nos tests va au-delà de l’aspect médi­cal. Sur le plan éco­no­mique, ils per­mettent de mieux allouer les res­sources de san­té. En iden­ti­fiant les patients qui ne répon­dront pas à un trai­te­ment coû­teux comme les inhi­bi­teurs de point de contrôle (jusqu’à 150 000 € par patient), et qui pré­sentent des effets indé­si­rables, nous contri­buons à évi­ter des dépenses consi­dé­rables n’apportant pas de béné­fice médi­cal. L’aspect le plus cru­cial reste le béné­fice pour les patients. En iden­ti­fiant les non-répon­dants, il devient pos­sible d’adopter des stra­té­gies pour res­tau­rer leur micro­biote et maxi­mi­ser l’efficacité des trai­te­ments, ce qui amé­liore leurs chances de survie.

“En identifiant les patients qui ne répondront pas à un traitement coûteux comme les inhibiteurs de point de contrôle, nous contribuons à éviter des dépenses considérables n’apportant pas de bénéfice médical.”

Quels défis subsistent pour intégrer vos tests dans la pratique médicale courante ?

L’un des défis majeurs est de stan­dar­di­ser et de sim­pli­fier l’analyse du micro­biote pour qu’elle s’intègre faci­le­ment dans le par­cours de soins. Cela passe par des col­la­bo­ra­tions avec des labo­ra­toires de bio­lo­gie médi­cale, qui col­lectent et pré­traitent les échan­tillons, tan­dis que nous four­nis­sons l’expertise en ana­lyse et inter­pré­ta­tion. Nous venons jus­te­ment de signer un par­te­na­riat avec Cer­ba, lea­der euro­péen de la bio­lo­gie médi­cale spécialisée.

Comment voyez-vous l’avenir de GMT Sciences dans les prochaines années ?

Notre objec­tif est de deve­nir un acteur majeur du diag­nos­tic basé sur le micro­biote. D’ici 2027, nous visons une com­mer­cia­li­sa­tion de notre pre­mier test pour les immu­no­thé­ra­pies du can­cer. Par la suite, nous élar­gi­rons notre por­te­feuille de tests à d’autres patho­lo­gies, comme les mala­dies cardio-métaboliques.

Nous allons éga­le­ment ren­for­cer notre pré­sence à l’international, en nouant des par­te­na­riats stra­té­giques avec des labo­ra­toires et des centres de recherche de pre­mier plan. 

Nous démar­rons ain­si une col­la­bo­ra­tion avec le CHU de Mont­réal. À long terme, nous sou­hai­tons contri­buer à démo­cra­ti­ser l’utilisation du micro­biote en méde­cine et à amé­lio­rer la prise en charge des patients. 

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