GMT Science : révolutionner la médecine personnalisée grâce au microbiote


GMT Science explore les potentialités du microbiote pour transformer la médecine personnalisée. Directeur général de l’entreprise, Étienne Formstecher (X93) est également professeur chargé de cours au département de biologie de l’École polytechnique. Il revient sur les avancées scientifiques, les défis du diagnostic médical fondé sur le microbiote intestinal, à la croisée de la biologie et de l’intelligence artificielle.
Pouvez-vous nous en dire plus sur GMT Science et son équipe ?
GMT Science est une jeune société composée de six salariés et de plusieurs consultants spécialisés. Nous sommes installés à Paris, dans l’accélérateur en santé numérique Future4Care, et à Rouen, où nous collaborons étroitement avec le CHU. Nos cofondateurs, comme Joël Doré, spécialiste mondial du microbiote, Pierre Déchelotte, professeur de médecine et praticien hospitalier, et Raynald de Lahondes (X93), expert en développement logiciel, apportent une expertise complémentaire essentielle.
L’équipe comprend aussi des spécialistes en IA, et nous collaborons avec des experts en réglementation des dispositifs médicaux et en biologie médicale. Cette pluridisciplinarité nous permet de relever les défis liés à l’analyse du microbiote en clinique.
Comment décririez-vous la technologie qui sous-tend vos travaux chez GMT Science ?
Nous utilisons une technologie appelée métagénomique shotgun, qui permet d’étudier en détail les microbiotes en séquençant l’ADN des différentes espèces qui les composent. Contrairement aux méthodes traditionnelles comme la PCR ou le séquençage de l’ARN16S, la métagénomique offre une vision exhaustive et précise, non seulement des espèces présentes, mais aussi des gènes et des fonctions qu’ils portent. Ces informations sont essentielles pour caractériser un microbiote, et ainsi poser des diagnostics, suivre l’évolution d’une maladie ou prédire la réponse à un traitement.
Pourquoi le microbiote est-il devenu un sujet central en médecine ?
Depuis une dizaine d’années, les données scientifiques et médicales s’accumulent, montrant que des déséquilibres du microbiote, qu’on appelle dysbioses, sont associés à de nombreuses pathologies, des maladies gastro-intestinales aux maladies cardiovasculaires, en passant par le cancer, le diabète, l’obésité et les maladies neurodégénératives. Si ces altérations ne sont pas toujours la cause directe de la pathologie, elles peuvent en aggraver les symptômes ou affecter la réponse aux traitements. Cela fait du microbiote un biomarqueur extrêmement prometteur pour le diagnostic et l’amélioration de la prise en charge.
“Le microbiote est un biomarqueur extrêmement prometteur pour le diagnostic et l’amélioration de la prise en charge.”
Quels sont les domaines d’application les plus avancés pour vos tests basés sur le microbiote ?
L’un des champs d’application les plus mûrs est la prédiction de la réponse à certains traitements anticancéreux, en particulier les immunothérapies appelées inhibiteurs de point de contrôle immunitaire (ICI). Ces thérapies, bien que très efficaces, ne fonctionnent que pour une fraction des patients, parfois seulement 30 %. Les équipes de recherche en France et au Canada avec lesquelles nous collaborons ont découvert que l’état du microbiote joue un rôle clé dans cette réponse. Le restaurer pourrait améliorer l’efficacité du traitement et la survie du patient.
Des recherches sont-elles effectuées en ce sens ?
Les résultats sont prometteurs. Des études cliniques montrent par exemple que chez des patients atteints d’un cancer du rein ayant bénéficié d’une transplantation de microbiote fécale, en plus de leur traitement standard, le taux de survie à un an (sans reprise de la maladie) passe de 35 % à près de 70 %. Ces résultats, bien que sur de petits échantillons de patients, confirment l’importance du microbiote dans l’efficacité des traitements.
Comment fonctionne concrètement le test que vous développez ?
Notre premier test permet justement de prédire la réponse aux ICI dans le cancer du poumon, grâce à un biomarqueur microbiote spécifique et propriétaire. Nous avons identifié cette signature microbiote par des méthodes d’IA grâce à notre base de données de plus de 20 000 échantillons patients. Le test repose ainsi sur une analyse approfondie du microbiote du patient grâce à la métagénomique. À partir d’un échantillon de selles, nous séquençons l’ADN des bactéries, puis nous analysons ces données grâce à notre logiciel propriétaire. Le résultat final, un score simple et clair, est transmis aux médecins pour les aider à prédire la réponse aux traitements.
Quelles sont les prochaines étapes pour valider et commercialiser ce test ?
Nous avons déjà obtenu une preuve de concept clinique en partenariat avec Gustave Roussy, dont les chercheurs ont également identifié une signature de réponse aux ICI, mais la prochaine étape clé est une étude clinique multicentrique. Cela impliquera de nouveaux patients et permettra de valider la capacité du test à prédire la réponse aux ICI. Pour financer ce projet, nous levons actuellement 5 millions d’euros, ce qui nous permettra de finaliser la validation clinique et réglementaire et de viser une commercialisation d’ici 2027.
Quelle est l’importance de vos partenariats, notamment avec Gustave Roussy ?
Nos partenariats jouent un rôle central dans le développement de nos tests. Gustave Roussy, principal centre européen de lutte contre le cancer, est un partenaire clé. Ensemble, nous avons réalisé une preuve de concept clinique, démontrant l’utilité du microbiote pour prédire la réponse aux immunothérapies.
Nous collaborons également avec le CHU de Rouen, qui apporte son expertise clinique dans d’autres pathologies telles que l’obésité et les maladies cardiométaboliques, ainsi qu’avec le centre MetaGenoPolis de l’INRAE, pionnier dans l’analyse du microbiote. Ces partenariats renforcent la validité scientifique et clinique de nos travaux tout en nous donnant accès à des données cruciales pour affiner nos algorithmes.
Quels sont les bénéfices médico-économiques de vos tests ?
L’intérêt de nos tests va au-delà de l’aspect médical. Sur le plan économique, ils permettent de mieux allouer les ressources de santé. En identifiant les patients qui ne répondront pas à un traitement coûteux comme les inhibiteurs de point de contrôle (jusqu’à 150 000 € par patient), et qui présentent des effets indésirables, nous contribuons à éviter des dépenses considérables n’apportant pas de bénéfice médical. L’aspect le plus crucial reste le bénéfice pour les patients. En identifiant les non-répondants, il devient possible d’adopter des stratégies pour restaurer leur microbiote et maximiser l’efficacité des traitements, ce qui améliore leurs chances de survie.
“En identifiant les patients qui ne répondront pas à un traitement coûteux comme les inhibiteurs de point de contrôle, nous contribuons à éviter des dépenses considérables n’apportant pas de bénéfice médical.”
Quels défis subsistent pour intégrer vos tests dans la pratique médicale courante ?
L’un des défis majeurs est de standardiser et de simplifier l’analyse du microbiote pour qu’elle s’intègre facilement dans le parcours de soins. Cela passe par des collaborations avec des laboratoires de biologie médicale, qui collectent et prétraitent les échantillons, tandis que nous fournissons l’expertise en analyse et interprétation. Nous venons justement de signer un partenariat avec Cerba, leader européen de la biologie médicale spécialisée.
Comment voyez-vous l’avenir de GMT Sciences dans les prochaines années ?
Notre objectif est de devenir un acteur majeur du diagnostic basé sur le microbiote. D’ici 2027, nous visons une commercialisation de notre premier test pour les immunothérapies du cancer. Par la suite, nous élargirons notre portefeuille de tests à d’autres pathologies, comme les maladies cardio-métaboliques.
Nous allons également renforcer notre présence à l’international, en nouant des partenariats stratégiques avec des laboratoires et des centres de recherche de premier plan.
Nous démarrons ainsi une collaboration avec le CHU de Montréal. À long terme, nous souhaitons contribuer à démocratiser l’utilisation du microbiote en médecine et à améliorer la prise en charge des patients.