Logigramme de la méthode Kartokrak

Géostatistique appliquée à l’assainissement des sols et des structures de génie civil — KARTOTRAK

Dossier : Dossier FFEMagazine N°710 Décembre 2015
Par Didier DUBOT

Introduction

Pour répon­dre aux ques­tions qui se posent avant chaque assainisse­ment, le CEA a dévelop­pé une méthodolo­gie décrite dans le logi­gramme ci-con­tre. C’est en 2004 que le CEA a dévelop­pé Kar­to­trak, solu­tion pour la maîtrise de l’é­tat radi­ologique initial.

Basé sur une approche du traite­ment des don­nées par géo­sta­tis­tique asso­ciée sur un sys­tème d’in­for­ma­tion géo­graphique (SIG). Kar­to­trak, désor­mais indus­tri­al­isée par la société Geo­vari­ances, per­met en temps réel de cen­tralis­er les mesures des dis­posi­tifs per­me­t­tant de car­ac­téris­er quelques dizaines de mètres car­rés à plusieurs hectares, voire plusieurs mil­liers d’hectares (VEgAS®, KRP®, KRT®).

Dans la plu­part des cas, les pol­lu­ants sont des émet­teurs gam­ma dont le flux est mesurable avec des détecteurs usuels.

Mesures des sols en surface 2D et en 3D

Chaque dis­posi­tif de mesures délivre, chaque sec­onde, des mesures enreg­istrées et traitées par Kar­to­trak. Leur traite­ment per­met d’obtenir en qua­si temps réel des car­togra­phies sur­faciques 2D de la radioac­tiv­ité des sols en surface.

Le CEA/FAR a établi en 2008 un retour d’ex­péri­ence à par­tir des 90 sites éval­ués par la Sec­tion Assainisse­ment du Site. L’ob­jec­tif de ce REX con­sis­tait à iden­ti­fi­er tous les sites dont le plan d’échan­til­lon­nage per­me­t­tait d’u­tilis­er la géo­sta­tis­tique pour le traite­ment de don­nées en rem­place­ment des approches sta­tis­tiques usuelle­ment appliquées.

À par­tir de ce REX, en com­plé­ment des mesures réal­isées sur les sols en sur­face, il est désor­mais aus­si pos­si­ble de dimen­sion­ner le nom­bre de sondages néces­saires à une éval­u­a­tion radi­ologique per­ti­nente des sols en pro­fondeur. Cette étape per­met d’im­planter les sondages dans les aires où l’in­cer­ti­tude et la vari­abil­ité sont impor­tantes, con­traire­ment aux pra­tiques du passé, où presque tous les sondages étaient implan­tés dans les zones qui présen­taient l’ac­tiv­ité la plus importante.

Cartographie 3D de volumes contaminés.
Car­togra­phie 3D de vol­umes contaminés.

Comme pour la réal­i­sa­tion des car­togra­phies en 2D, la réal­i­sa­tion d’une car­togra­phie tridi­men­sion­nelle utilise la géo­sta­tis­tique comme tech­nique d’analyse des don­nées et d’es­ti­ma­tion des niveaux d’ac­tiv­ité. Cette car­togra­phie per­met d’obtenir des épures basées notam­ment sur des prob­a­bil­ités de dépasse­ment de niveau d’activité.

Ces résul­tats sont util­isés pour com­par­er dif­férents scé­narii de réha­bil­i­ta­tion de la zone, envis­age­able d’un point de vue tech­nique et financier en fonc­tion des pro­fondeurs à attein­dre, asso­ciées à l’ob­jec­tif d’im­pact pos­si­ble à attein­dre en fonc­tion des pro­fondeurs et de la dis­per­sion de la pollution.

Le traitement de données par géostatistique

Plan de position et histogramme des mesures.
Plan de posi­tion et his­togramme des mesures.

Cette tech­nique util­isée ini­tiale­ment pour la car­ac­téri­sa­tion des filons miniers a été dévelop­pée dans les années 50 par D. KRIGE, puis par G. MATHERON. La final­i­sa­tion de leurs travaux et l’évo­lu­tion de l’in­for­ma­tique ont ouvert le champ d’ap­pli­ca­tion aux don­nées de la pol­lu­tion chim­ique de site et plus récem­ment (2004) par le CEA/FAR, pour l’ap­pli­ca­tion dédiée aux sites et sols pol­lués radiologiquement.

Cette méthode con­siste à pren­dre en compte la con­ti­nu­ité spa­tiale du phénomène. La pre­mière étape, l’analyse exploratoire des don­nées, per­met d’obtenir un plan de posi­tion des don­nées, capa­ble d’i­den­ti­fi­er les zones de faibles et fortes activ­ités et le niveau du bruit de fond.

Cette analyse est asso­ciée à une analyse sta­tis­tique clas­sique des valeurs (activ­ités moyennes ou médi­anes, dis­per­sion autour de cette ten­dance cen­trale, quan­tile, etc.). Durant cette phase exploratoire, il est intéres­sant d’étudier les rela­tions entre les dif­férents paramètres con­sid­érés, comme l’activité gam­ma, l’irradiation ambiante ou l’activité de plusieurs radionu­cléides afin d’identifier des zones sin­gulières (con­t­a­m­i­na­tions mul­ti­ples, change­ment de matrice, vari­a­tions de l’ambiance …).

L’étape suivante consiste en l’analyse de la structure spaciale des données

Variogramme et ajustement.
Var­i­ogramme et ajustement.

L’intérêt de l’utilisation de la géo­sta­tis­tique se base sur la con­ti­nu­ité spa­tiale du phénomène : intu­itive­ment pour un phénomène non aléa­toire dans l’espace, deux mesures proches auront des valeurs sem­blables alors que l’écart entre les valeurs de deux mesures plus éloignées sera plus vari­able. Pour éval­uer cette con­ti­nu­ité spa­tiale de façon expéri­men­tale, un var­i­ogramme est tracé à par­tir de la dis­tance des points de mesure et de la vari­ance des valeurs.

Celui-ci fait ensuite l’objet d’un ajuste­ment à l’aide d’un mod­èle math­é­ma­tique qui per­me­t­tra de réalis­er les cal­culs d’estimation. L’ajustement du var­i­ogramme est une étape impor­tante. Elle per­met de dis­tinguer l’importance de la vari­abil­ité à courte dis­tance et de déter­min­er si des mesures com­plé­men­taires doivent être ou non réalisées.

La troisième étape con­cerne la réal­i­sa­tion de l’interpolation des don­nées par la méthode de krigeage. Le krigeage se dif­féren­cie des autres inter­po­la­teurs, par la prise en compte, entre les don­nées et la cible, des dis­tances séparant les don­nées entre elles et de la struc­ture spa­tiale du phénomène (par l’intermédiaire du variogramme).

Formule de l'interpolateurL’interpolateur garan­tit le non-biais de l’estimation et min­imiser la vari­ance de l’erreur d’estimation et il peut être estimé par la vari­ance sta­tis­tique de la dif­férence entre deux points, c’est le var­i­ogramme expérimental.

La géo­sta­tis­tique per­met de quan­ti­fi­er les incer­ti­tudes asso­ciées à l’interpolation, mais égale­ment établir des cartes de prob­a­bil­ité de dépass­er un niveau d’activité donné.

Pourquoi l’analyse de risque ?
Les car­togra­phies d’incertitudes ren­seignent la qual­ité de l’estimation et peu­vent indi­quer des inves­ti­ga­tions com­plé­men­taires dans les zones sous-échan­til­lon­nées ou à forte variabilité.

Utilisation et principe de fonctionnement des simulations géostatistiques

La géo­sta­tis­tique four­nit une solu­tion lorsque l’on utilise des opéra­teurs non linéaires comme l’application d’une valeur cible ou le cal­cul d’une sur­face exposée à un dépasse­ment de celle-ci.

Par­mi les méth­odes util­is­ables, les sim­u­la­tions sont les plus sou­ples. Elles don­nent la pos­si­bil­ité de simuler en chaque point de l’espace un scé­nario pour la vari­able étudiée de telle façon, que la dis­tri­b­u­tion sta­tis­tique de la vari­able, mise en évi­dence par l’histogramme, et des car­ac­téris­tiques de la vari­abil­ité spa­tiale, pris­es en charge par le var­i­ogramme, soient reproduites.

Une sim­u­la­tion est ain­si vue comme une image pos­si­ble du phénomène alors que le krigeage s’intéresse à fournir l’image la plus prob­a­ble. Le krigeage lisse le phénomène étudié tan­dis qu’une sim­u­la­tion en repro­duit toute la vari­abil­ité. La sim­u­la­tion est dite con­di­tion­nelle lorsqu’elle est calée aux don­nées et retrou­ve les valeurs des mesures en ces points (il est pos­si­ble d’utiliser d’autres tech­niques de sim­u­la­tion appelée l’anamorphose gaussienne).

Analyses locales du risque et estimations globales

Les sim­u­la­tions con­sis­tent à cal­culer un grand nom­bre de scé­nar­ios, per­me­t­tant de faire des raison­nements selon des prob­a­bil­ités. En chaque point du mail­lage, on dis­pose d’un his­togramme des valeurs pos­si­bles, dont la moyenne con­verge vers le krigeage. En cal­cu­lant point à point la pro­por­tion de réal­i­sa­tions dépas­sant en chaque point l’objectif de qual­ité, on obtient une carte de la prob­a­bil­ité de dépasse­ment de ce seuil.

De la même manière, en faisant inter­venir plusieurs points simulés en même temps, la prob­a­bil­ité de dépasse­ment du niveau fixé peut être estimée sur un sup­port de plus grande taille (con­traintes tech­niques pour l’assainissement, sur­face min­i­male). D’autres cartes d’analyse de risque (quan­tile, inter­valle de con­fi­ance…) peu­vent être utiles pour le posi­tion­nement de mesures complémentaires.

Les sim­u­la­tions appor­tent donc une infor­ma­tion per­me­t­tant de cal­culer des grandeurs glob­ales telle que la sur­face totale dépas­sant un niveau d’activité, la sur­face est déter­minée pour chaque sim­u­la­tion et per­met d’en estimer les car­ac­téris­tiques sta­tis­tiques (post-traite­ment) : moyenne, médi­ane, vari­ance, inter­valle de confiance.

La mise en place de sim­u­la­tions per­met donc de décider des zones à assainir en fonc­tion des objec­tifs retenus et des niveaux de con­fi­ance souhaités, d’estimer la pro­duc­tion des déchets par caté­gorie, et donc de prévoir la durée, le coût et la logis­tique associés.

Conclusion

Le traite­ment des don­nées par géo­sta­tis­tique est donc une approche incon­tourn­able pour la car­ac­téri­sa­tion d’un phénomène struc­turé en y asso­ciant une incer­ti­tude et en par­ti­c­uli­er des probabilités.

Dans le domaine de l’assainissement/démantèlement, la géo­sta­tis­tique per­met d’envisager, dès qu’elle est util­isée en amont des pro­jets, la maîtrise de l’état radi­ologique ini­tial définis­sant ain­si les dif­férents niveaux de con­t­a­m­i­na­tion, leurs éten­dues et les vol­umes asso­ciés selon les trois dimen­sions et donc une opti­mi­sa­tion des assainisse­ments et des pro­duc­tions de déchets par nature et par types afin de garan­tir le respect des coûts et des plannings.

La maîtrise de nos coûts liés à un assainissement/démantèlement opti­misé est l’unique solu­tion pour garan­tir l’expansion de la fil­ière nucléaire française dans le respect d’un développe­ment durable.

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