Franck, la musique de chambre

Franck, la musique de chambre

Dossier : Arts, lettres et sciencesMagazine N°778 Octobre 2022
Par Jean SALMONA (56)

Saviez-vous que César Franck avait com­posé qua­tre trios ? Vous pou­vez les décou­vrir dans l’édition de l’intégrale de sa musique de cham­bre, pro­jet de la Chapelle musi­cale Reine Elisabeth.

On a générale­ment de la musique de Franck – hors pièces pour orgue – une vision défor­mée par ses blue chips : la Sym­phonie en ré, les Vari­a­tions sym­phoniques pour piano et orchestre et trois pièces de musique de cham­bre : la Sonate pour vio­lon et piano, le Quin­tette pour piano et quatuor à cordes et le Quatuor. Or Franck (1822–1890) a écrit de la musique de cham­bre dans deux cour­tes péri­odes bien dis­tinctes de sa vie : les années de jeunesse 1843–1844 et la ‑matu­rité 1886–1890.

Au début de sa car­rière, Franck veut « se lancer », comme tout musi­cien ambitieux. Après un Grand Trio pour piano, vio­lon et vio­lon­celle en un mou­ve­ment, écrit à l’âge de 12 ans, pièce académique qui n’a d’autre intérêt que de mon­tr­er un solide savoir-faire pré­coce, Franck com­pose trois Trios con­cer­tants oppor­tuné­ment dédiés au roi des Belges, suiv­is d’un qua­trième dédié à son « ami Franz Liszt ». Ces qua­tre pièces très rarement jouées sont assez proches de Mendelssohn, mais on y décèle déjà le Franck futur et son principe cyclique. Suiv­ent deux pièces intéres­santes tout à fait dans le goût du XIXe siè­cle nais­sant, le Solo de piano avec accom­pa­g­ne­ment de quin­tette à cordes et un Pre­mier Duo con­cer­tant pour piano et vio­lon. Et puis plus rien.

César Franck, intégrale de la musique de chambre
César Franck, inté­grale de la musique de cham­bre, pro­jet de la Chapelle musi­cale Reine Elisabeth

Trente ans plus tard sur­git le Quin­tette pour piano et quatuor, œuvre sen­suelle, vio­lente, en rup­ture avec le style du temps et aus­si avec la manière « séraphique » qui car­ac­térise la musique de Franck pour orgue, pour nous l’œuvre la plus forte de toute la musique de Franck, immor­tal­isée voilà plusieurs décen­nies par l’enregistrement de Sam­son François avec le Quatuor Par­renin. Deux ans après, la Sonate pour piano et vio­lon dédiée à Eugène Ysaÿe, installe solide­ment Franck sur la scène inter­na­tionale, suiv­ie de sa tran­scrip­tion pour vio­lon­celle et piano.

Deux ans plus tard, le Quatuor en ré majeur met un point final à l’œuvre de Franck, qui mour­ra peu après sa créa­tion. C’est une pièce d’une extrême richesse, déchi­rante, mag­nifique, que l’on ne peut écouter les yeux secs. Au seuil de sa mort, Franck, dont toute l’œuvre est mar­quée jusqu’alors du sceau de la reli­gion et de la spir­i­tu­al­ité, sem­ble s’interroger, hési­tant entre majeur et mineur, pas­sant de la sérénité à la rage, et s’arracher avec dés­espoir in fine à la vie ter­restre : cela avait-il un sens de priv­ilégi­er le « bon­heur dif­féré » d’une incer­taine éter­nité par apport aux bon­heurs sim­ples et immé­di­ats d’ici-bas ? Trente ans plus tard, le Quatuor de Fau­ré, puis, plus tard encore, le 8e Quatuor de Chostakovitch exprimeront la même inter­ro­ga­tion douloureuse.

Citer tous les inter­prètes de ces qua­tre dis­ques serait trop long et sans intérêt pour le lecteur. Leur par­tic­i­pa­tion ent­hou­si­aste dans ce pro­jet, la qual­ité intrin­sèque de cha­cun de ces musi­ciens (par­mi lesquels Augustin Dumay, le Quatuor Adorno…) con­fèrent à l’ensemble une belle homogénéité.

4 CD FUGA LIBERA

L’invention est le seul acte intellectuel vrai, la seule action d’intelligence.
Le reste ? Copie, tricherie, reproduction, paresse, convention, bataille, sommeil. Seule éveille la découverte.
Michel Serres, Le Tiers-Instruit


N.B. : L’ensemble New Orleans Les Dix­ie Seniors de la pro­mo 1945, tou­jours aus­si jeune, avec à sa tête le cama­rade François May­er, trom­bone, qui vient de fêter ses 97 ans, se pro­duit au Petit ‑Jour­nal Saint–Michel les 23 sep­tem­bre, 21 octo­bre, 25 novem­bre, 16 décem­bre. À bloc la 45 ! 

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