Le Pôle Véhicule du Futur

Focus sur le Pôle Véhicule du Futur

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°780 Décembre 2022
Par Bruno GRANDJEAN (X89)

Le Pôle Véhi­cule du Futur est en pre­mière ligne pour appré­cier et suivre les évo­lu­tions que connaît le monde des mobi­li­tés. Dans cet entre­tien, son direc­teur géné­ral, Bru­no Grand­jean (X89) dresse pour nous un état des lieux des mobi­li­tés et revient sur les mis­sions et les actions de ce pôle de compétitivité.

Pouvez-vous nous présenter le Pôle Véhicule du Futur ? 

Nous sommes un pôle de com­pé­ti­ti­vi­té sur les véhi­cules, les solu­tions de mobi­li­té et les ser­vices asso­ciés. Asso­cia­tion à but non lucra­tif, nous avons été créés en 2005. Nous avons une double mis­sion. La pre­mière est celle rela­tive à notre ADN de pôle de com­pé­ti­ti­vi­té avec la mis­sion d’accompagner l’innovation sur nos champs de spé­cia­li­sa­tion. La seconde est une mis­sion d’animation des dif­fé­rents éco­sys­tèmes de la filière auto­mo­bile et de la mobilité. 

Concrè­te­ment, nous cou­vrons toute la chaîne de valeur. De par la diver­si­té de nos adhé­rents, nous nous inté­res­sons à toutes les pro­blé­ma­tiques aux­quelles est confron­tée la filière : maté­riaux, éner­gie, indus­trie, nou­veaux usages et ser­vices… Nous comp­tons près de 500 membres, dont plus de la moi­tié sont des PME et des start-up. Par­mi nos adhé­rents, nous avons éga­le­ment des orga­nismes de recherche publique, des orga­nismes de formation…

Actuellement, quels sont les principaux sujets qui vous mobilisent ? 

Au cœur des sujets qui mobi­lisent nos membres, on retrouve les prin­ci­pales évo­lu­tions qui trans­forment le monde de l’automobile et notre rap­port à la mobi­li­té. Dès 2005, nous nous sommes inté­res­sés à la ques­tion de la mobi­li­té propre syno­nyme à l’époque de filtre à par­ti­cules pour les véhi­cules die­sel. Nous sui­vons bien évi­dem­ment avec grand inté­rêt le sujet de l’électrification des véhi­cules, mais aus­si de l’hydrogène. Le Pôle a la par­ti­cu­la­ri­té d’avoir été un des pre­miers acteurs à s’intéresser à l’hydrogène au ser­vice de la mobi­li­té. Nous avons, d’ailleurs, conçu la pre­mière voi­ture à hydro­gène imma­tri­cu­lée en France. Le véhi­cule connec­té et auto­nome est un autre sujet qui nous mobi­lise. C’est une thé­ma­tique qui connaît un fort déve­lop­pe­ment dans la mobi­li­té por­tuaire, aéro­por­tuaire et dans le monde de la logis­tique. Au niveau de la voi­ture indi­vi­duelle, nous en sommes encore aux prémices.

À cela s’ajoutent des inno­va­tions sur le plan indus­triel avec l’émergence de l’industrie 4.0 qui révo­lu­tionne les pro­ces­sus de pro­duc­tion et de fabri­ca­tion, comme le recours à l’impression 3D… Enfin, nous tra­vaillons aus­si sur la ques­tion du déve­lop­pe­ment durable et de l’économie circulaire. 

Aujourd’hui, se dessinent les contours de la mobilité de demain. Quels sont les principaux enjeux selon vous ? 

S’il y a certes un foi­son­ne­ment d’idées pour réin­ven­ter la mobi­li­té de demain, au cours de la der­nière décen­nie, il n’y a pour­tant pas eu de rup­ture majeure qui ait véri­ta­ble­ment chan­gé le quo­ti­dien des auto­mo­bi­listes. En paral­lèle, le rap­port à la mobi­li­té de demain varie d’une géo­gra­phie à l’autre. Il est, en effet, évident que de nou­veaux usages émergent plus aisé­ment dans les villes denses que sur des ter­ri­toires plus ruraux. Pre­nons l’exemple des trot­ti­nettes, il est plus facile de les uti­li­ser sur les trot­toirs pari­siens ! Dans les villes et ter­ri­toires moins denses, la voi­ture reste le pre­mier réflexe pour se dépla­cer. Il en est de même pour les ser­vices de mobi­li­té. Il est notam­ment com­plexe de déployer l’autopartage dans des zones moins denses. 

Qu’en est-il de l’électrification de la mobilité ? 

Aujourd’hui, le prin­ci­pal enjeu reste l’accès aux infra­struc­tures de recharge. Les auto­mo­bi­listes qui ont fran­chi le cap sont essen­tiel­le­ment ceux qui ont eu la pos­si­bi­li­té d’accéder faci­le­ment à une borne de recharge chez eux ou bien sur leur lieu tra­vail. Au sein du Pôle, nous menons plu­sieurs tra­vaux sur la ques­tion de la recharge des véhi­cules élec­triques sur le plan orga­ni­sa­tion­nel pour un meilleur accès à la prise, mais aus­si pour pro­po­ser des ser­vices annexes autour de la recharge (mise à dis­po­si­tion d’application pour loca­li­ser les points de recharge, accès aux infor­ma­tions sur les bornes de recharge…). Encore aujourd’hui, il y a un impor­tant tra­vail à mener pour affi­ner et rendre plus per­ti­nentes ces informations.

Au-delà, le coût des véhi­cules élec­triques reste un impor­tant frein. Si un des prin­ci­paux argu­ments pous­sés pour convaincre les consom­ma­teurs est qu’à l’usage le coût de l’électricité est infé­rieur à celui du car­bu­rant, il faut, en effet, pou­voir garan­tir ce coût de la recharge, et cela plus par­ti­cu­liè­re­ment pour la recharge rapide. 

Enfin, la filière auto­mo­bile est aus­si confron­tée à un impor­tant enjeu en termes d’approvisionnement, de dis­po­ni­bi­li­té et de coût des maté­riaux (nickel, lithium, cobalt…) qui sont uti­li­sés pour la pro­duc­tion des bat­te­ries. Se pose aus­si la ques­tion de la fin de vie de ces bat­te­ries et leur recyclage.

Pôle véhicules du futur

Alors qu’il y a actuellement un véritable engouement pour l’hydrogène, quels sont les principaux freins à son déploiement ? 

Aujourd’hui, l’hydrogène s’impose de plus en plus comme une alter­na­tive per­ti­nente pour décar­bo­ner la mobi­li­té et plus par­ti­cu­liè­re­ment la mobi­li­té lourde. Plu­sieurs pistes tech­no­lo­giques sont explo­rées : com­bi­nai­son d’une bat­te­rie et d’une pile à com­bus­tible, moteur à com­bus­tion hydro­gène pour des besoins forte puis­sance ou en envi­ron­ne­ment agressif… 

Mais le pas­sage à l’échelle de l’hydrogène va néces­si­ter des inves­tis­se­ments consi­dé­rables pour pro­duire l’hydrogène, le sto­cker, le trans­por­ter et le dis­tri­buer. C’est, en effet, toute la chaîne de valeur et une filière entière qui doivent être mises en place. Pour obte­nir des coûts com­pé­ti­tifs, les pro­jets d’hydrogène doivent ser­vir aus­si bien des appli­ca­tions indus­trielles que liées à la mobi­li­té. En effet, c’est la mas­si­fi­ca­tion des usages qui per­met­tra de réduire les coûts. Au-delà, l’idée est aus­si de déve­lop­per une filière d’hydrogène renou­ve­lable ou vert pro­duit à par­tir de l’électrolyse de l’eau et d’énergies renou­ve­lables (solaire, éolien ou bio­masse) contrai­re­ment à l’hydrogène gris uti­li­sé mas­si­ve­ment aujourd’hui et qui est pro­duit à par­tir d’hydrocarbures.

De plus en plus de col­lec­ti­vi­tés locales mettent en place des pro­jets d’hydrogène avec des sta­tions pour ali­men­ter leurs flottes de bus à l’hydrogène ou leurs bennes à ordures ména­gères. En paral­lèle, on voit se déve­lop­per une filière retro­fit de bus et de camions à hydro­gène afin de trans­for­mer des véhi­cules ther­miques ou die­sel afin de pou­voir les uti­li­ser avec de l’hydrogène.

Enfin, aus­si bien au niveau du déve­lop­pe­ment du véhi­cule élec­trique qu’à l’hydrogène, l’ensemble des acteurs de la filière et de la chaîne de valeur est confron­té à une hausse des prix de l’énergie qui impacte leur pro­duc­tion, mais aus­si à un enjeu humain alors que les ten­sions sur cer­tains métiers rendent très dif­fi­ciles les recrutements. 

Sur ces sujets et face à ces enjeux, comment accompagnez-vous vos adhérents ? 

Nous essayons de leur appor­ter un éclai­rage sur la situa­tion afin de les aider à mieux appré­hen­der le contexte actuel, les ten­dances qui se démarquent, les prin­ci­pales orien­ta­tions à prendre en compte… En paral­lèle, nous pro­po­sons aus­si un accom­pa­gne­ment indi­vi­duel, notam­ment sur les pro­jets d’innovation au sein du pôle de com­pé­ti­ti­vi­té : mon­tage de pro­jets, finan­ce­ment… Nous les accom­pa­gnons aus­si dans leur démarche dans le cadre des pro­jets por­tés par l’ADEME, l’État, les Régions ou encore l’Europe. À notre niveau, nous déployons aus­si de nom­breux pro­grammes autour de la mutua­li­sa­tion des achats, de la décar­bo­na­tion, des éco­no­mies d’énergie…

En notre qua­li­té d’organisme de for­ma­tion, nous met­tons en place des actions de for­ma­tion auprès des entre­prises en leur pro­po­sant notam­ment des for­ma­tions sur des sujets où il y a un manque. Nous menons des actions en lien avec le monde de la for­ma­tion ini­tiale, les IUT et les lycées tech­niques, afin de déve­lop­per des for­ma­tions en lien avec les besoins de la filière, mais aus­si pour pro­mou­voir notre indus­trie auprès des jeunes. 

Enfin, nous avons aus­si un rôle d’animation et de cata­ly­seur. Nous pro­mou­vons les ren­contres et le par­tage entre nos membres et les dif­fé­rentes par­ties pre­nantes : CCI, agences de déve­lop­pe­ment, les régions, les autres pôles de com­pé­ti­ti­vi­té à une échelle natio­nale, euro­péenne et inter­na­tio­nale. Nous avons ain­si contri­bué à la créa­tion du réseau EACN, Euro­pean Auto­mo­tive Clus­ter Net­work, un réseau qui regroupe 24 clus­ters auto­mo­biles en Europe. 

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