Laure Thiberge (2006)

Dossier : Femmes de polytechniqueMagazine N°Laure Thiberge (2006) Par Sylvie HATTEMER-LEFÈVRE

À pre­mière vue, une jolie tête bien faite et bien pleine. Cette fou­gueuse jeune femme qui tra­vaille dans les ports de plai­sance chez Lyon­naise des Eaux sait déjà que ce pre­mier job ne sera qu’un tour de chauffe. Son rêve ? S’engager à terme dans « l’humain ». Au sein de la DRH d’un groupe, par exemple : « Mais avant, il fau­dra que je prenne un peu de bou­teille, que j’aie un peu plus d’expérience de la vie. » Pas éton­nant donc qu’à sa sor­tie de l’X, elle intègre le mas­tère spé­cia­li­sé d’HEC Entre­pre­neurs, une for­ma­tion très prag­ma­tique où elle a plan­ché sur des cas réels, en mon­tant de nou­veaux busi­ness models et des plans de déve­lop­pe­ment pour des entre­prises. « Je vou­lais faire HEC pour par­ler le lan­gage de la vraie vie. Pour moi, Poly­tech­nique, c’est le para­digme de la véri­té, et HEC le para­digme de la réa­li­té. J’ai eu envie de faire le lien entre les deux. » Du coup, elle coiffe tou­jours ses deux cas­quettes en contre : « Quand je suis avec des ingé­nieurs, je me posi­tionne comme une com­mer­ciale, et quand je suis avec des com­mer­ciaux, c’est l’ingénieur qui parle. »

Dépasser ses limites

Son pas­sage par l’X a‑t-il alors été une erreur de cas­ting ? « Je ne me voyais pas deve­nir ingé­nieur, parce que j’avais une vision trop scien­ti­fique de ce métier. Les maths et les sciences ne m’intéressaient pas assez pour avoir envie d’en faire toute la jour­née, pen­dant toute ma vie. » C’est fina­le­ment son frère qui la pous­se­ra. « Mes parents ne m’ont jamais pous­sée à faire Poly­tech­nique, en revanche, ils m’ont tou­jours sou­te­nue. » Plus que les études, ce sont fina­le­ment les expé­riences qu’elle a vécues à l’X qui seront ses révé­la­teurs. À com­men­cer par le ser­vice mili­taire dans l’armée de Terre, les six meilleurs mois de sa vie, mais aus­si six mois dif­fi­ciles et intenses. Elle encaisse son pre­mier choc lorsqu’elle doit suivre un stage de com­man­do avec des mili­taires pro­fes­sion­nels à La Réunion : « Avec son phy­sique de cre­vette, la gamine ne va pas tenir quatre jours », pro­nos­tiquent ces der­niers. Lou­pé ! Mal­gré la dou­leur phy­sique, et l’obligation de dépas­ser ses limites, elle a tenu.Jusqu’au bout : « Cela m’a don­né une confiance incroyable. » Deuxième épreuve, sa par­ti­ci­pa­tion à une uni­té char­gée d’apprendre aux jeunes en dif­fi­cul­té à se réadap­ter. « Cette fenêtre ouverte sur la dis­cri­mi­na­tion et la misère sociale, sur un monde que je n’imaginais pas, a bou­le­ver­sé ma vision et bon nombre de mes prin­cipes. » Mais une nou­velle fois, sur­mon­ter cette expé­rience psy­cho­lo­gi­que­ment dif­fi­cile va ren­for­cer sa confiance et sti­mu­ler son volontarisme.

Faire bouger les lignes

Car faire bou­ger les choses a tou­jours été une de ses obses­sions. « C’est la rai­son pour laquelle j’ai long­temps été atti­rée par la poli­tique. Mais je pense que je me suis inter­dit de creu­ser cette voie. » Les séquelles d’une autre expé­rience mal vécue ? Lors de sa cam­pagne pour être élue Kes­sière mili­taire, elle fait par­tie des têtes à abattre : « Même si notre équipe a fina­le­ment été élue, j’ai eu du mal à digé­rer l’injustice des regards por­tés sur moi. » Para­doxa­le­ment, elle affirme ne pas craindre l’échec : « Je sais aujourd’hui que je peux retom­ber sur mes pattes. Ne rien oser, c’est ne rien faire. » La peur de l’échec, donc, ne devrait jamais être un frein pour celle qui assume son ambi­tion de réus­sir sa vie pro­fes­sion­nelle et per­son­nelle. Qui rêve autant d’apporter sa pierre aux enjeux de l’environnement et de l’énergie que d’être un des moteurs qui feront évo­luer la place des femmes dans des entre­prises, « sou­vent construites sur des codes mas­cu­lins et dans les rap­ports de force ». Si jeune, et déjà forte comme un roc ? Comme nombre de jeunes femmes de son âge, Laure aus­si appré­hende l’avenir. « Com­ment vais-je réus­sir à faire face aux dik­tats que pose la socié­té à la femme moderne : être à la fois une wor­king woman, une mère par­faite, et une icône de mode ? » Et donc rem­por­ter les chal­lenges de la vraie vie, en quelque sorte.

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