Feeli : une approche personnalisée de la téléconsultation

Dans un marché où la télémédecine est en pleine expansion, Feeli se démarque en privilégiant la messagerie instantanée et un accompagnement sur mesure. À sa tête, Benjamin Zerah entend rendre les soins plus accessibles tout en repensant la relation patient-médecin.
Quelle est la genèse de Feeli ?
L’aventure Feeli est née d’un double constat. D’une part, il devenait urgent de trouver une réponse à la pénurie croissante de médecins disponibles dans l’Hexagone, une réalité qui n’épargne aujourd’hui plus les grandes villes comme Paris. D’autre part, il fallait s’adapter à un tournant réglementaire majeur : la libéralisation de la téléconsultation, décrétée en 2018, qui permet de délivrer des ordonnances à distance. Avant cette date, nous proposions simplement une messagerie pour l’échange de conseils médicaux entre médecins et patients, mais sans possibilité de prescription.
“Feeli se distingue par une téléconsultation rapide et personnalisée, axée sur la messagerie instantanée et le prédiagnostique.”
Avec ce changement législatif, nous avons conçu une solution plus flexible et adaptée : une téléconsultation rapide, sans rendez-vous, appuyée par un questionnaire prédiagnostique pour orienter le praticien et une messagerie instantanée pour des échanges fluides. Les premières consultations, lancées en 2019 sur des pathologies simples comme les infections urinaires, ont rapidement trouvé leur public, avec des milliers de consultations enregistrées dès les premiers mois.
Quels choix technologiques ont façonné le produit final ?
Dès le départ, nous voulions miser sur deux éléments clés : la messagerie asynchrone, qui peut également être synchrone, et le questionnaire prédiagnostique. La visioconférence peut être utile, mais elle n’optimise pas toujours le temps des médecins, qui ont besoin d’informations claires et structurées pour établir un diagnostic. Le premier choix technologique a donc été ce questionnaire : le patient déclare ses symptômes, et notre système propose des pistes possibles (par exemple « grippe », « bronchite »), ce qui oriente déjà le praticien dans la bonne direction. Ensuite, la messagerie instantanée a été conçue pour être la pierre angulaire de la consultation. Nous voulions un outil pouvant fonctionner en différé, permettant au patient de réfléchir à ses réponses, de joindre des photos ou des documents, et au médecin d’analyser les données au moment opportun.
C’est ce qui nous différencie des plateformes de visioconférence, plus exigeantes en termes de disponibilité immédiate et qui ne conviennent pas toujours au rythme d’un praticien.
Quelles sont les principales innovations de Feeli et les défis rencontrés ?
Outre le prédiagnostique et la messagerie, nous avons intégré un suivi post-diagnostique. Quelques jours après la consultation, un questionnaire est envoyé au patient pour vérifier sa réponse au traitement ou détecter de nouveaux symptômes. Ce suivi est essentiel pour la pharmacovigilance et l’ajustement thérapeutique. Concevoir ces modules intégrés, tout en faisant accepter l’idée d’une consultation essentiellement textuelle, a représenté un défi. Le monde médical reste attaché aux formats physiques ou vidéo, mais notre approche offre une réelle flexibilité sans compromis sur la qualité des soins.
Comment garantissez-vous la confidentialité et la conformité réglementaire ?
La sécurité des données est une priorité absolue. Les informations de santé sont stockées sur des serveurs certifiés HDS (Hébergeur de Données de Santé) et les échanges entre médecins et patients sont chiffrés de bout en bout. En cas de litige, l’accès aux données ne peut se faire qu’avec le consentement des deux parties. Nous suivons également de près les évolutions légales pour garantir notre conformité, qu’il s’agisse du respect du parcours de soins ou des règles imposées par l’Ordre des médecins.
À l’ère de la santé numérique, comment Feeli contribue-t-elle à transformer la relation patient-médecin, et quels bénéfices observez-vous ?
Grâce à Feeli, le patient n’est plus un simple « consommateur » de soins. Il devient acteur de sa propre santé en choisissant lui-même de consulter rapidement en ligne, sans avoir à attendre plusieurs semaines pour un rendez-vous en cabinet. Cette liberté est particulièrement appréciée par les patients aux emplois du temps chargés, comme les chefs d’entreprise ou les professions libérales, ainsi que par ceux vivant dans des zones médicalement sous-dotées. En matière de suivi thérapeutique, notre système de messagerie et le questionnaire post-diagnostique assurent une continuité de la prise en charge. Dans
90 % des cas, la situation se résout efficacement, mais dans les 10 % restants, le médecin peut ajuster la prescription ou demander des examens complémentaires. Cela améliore la qualité des soins et renforce la relation de confiance entre le praticien et son patient.
Comment anticipez-vous les évolutions futures du secteur et comment adaptez-vous votre stratégie d’innovation ?
La télémédecine évolue rapidement, notamment avec les débats sur le remboursement ou le plafonnement des consultations à distance. Nous restons attentifs pour adapter notre offre en conséquence. Sur le plan technologique, nous explorons l’intégration d’objets connectés et le développement de modules préventifs pour mieux répondre à l’augmentation des pathologies chroniques. Nous travaillons également à optimiser le diagnostic dans des spécialités comme la dermatologie, où la demande est particulièrement élevée.
Quel est le rôle de la recherche et développement chez Feeli ?
Notre pôle technique compte actuellement trois développeurs et un CTO, responsables de la programmation, de la maintenance et des évolutions de la plateforme. En interne, nous ne disposons pas encore d’un service R&D dédié, mais nous prévoyons de renforcer cet axe lors d’une prochaine levée de fonds. À ce stade, nous collaborons régulièrement avec notre directeur médical et deux praticiens référents pour valider la faisabilité des nouvelles fonctionnalités. Avec davantage de ressources, nous souhaitons établir des partenariats avec des laboratoires de recherche et des écoles d’ingénieurs afin d’affiner nos algorithmes de tri médical et d’analyse d’images, notamment en dermatologie. L’objectif est de créer une passerelle public-privé pour accélérer l’innovation de manière solide et efficace.
De quelle manière Feeli mise-t-elle sur l’intelligence artificielle ?
L’intelligence artificielle est déjà utilisée pour analyser l’historique des patients et croiser les données cliniques. Par exemple, lorsqu’un patient consulte pour des troubles respiratoires, le système l’interroge sur d’éventuelles allergies ou antécédents, et un compte rendu est généré automatiquement avant la lecture du médecin. À l’avenir, nous souhaitons renforcer cet usage, notamment pour l’analyse d’images de lésions cutanées et l’accélération de la détection de pathologies comme les mélanomes. L’IA demeure un outil d’aide : le médecin conserve toujours la décision finale.
Comment voyez-vous l’évolution du secteur, et quelle place Feeli compte-t-elle y occuper ?
Nous sommes convaincus que la télémédecine poursuivra son expansion, portée par plusieurs facteurs : le manque de praticiens, la volonté des patients de mieux maîtriser leur parcours de soins, et l’essor des outils numériques. Feeli ambitionne de devenir une plateforme de référence, agile et centrée sur la qualité des soins. Nous nous distinguons déjà par un format basé sur la messagerie et une prise en charge réactive. À l’avenir, nous souhaitons consolider notre expertise dans des spécialités à forte demande, comme la dermatologie, tout en intégrant progressivement d’autres disciplines médicales. Notre ambition est également internationale, avec un intérêt particulier pour les marchés européens et nord-américains, qui offrent des opportunités considérables.