Feeli : une approche personnalisée de la téléconsultation

Feeli : une approche personnalisée de la téléconsultation

Dossier : Vie des entreprises - HealthtechMagazine N°804 Avril 2025
Par Benjamin ZERAH

Dans un mar­ché où la télé­mé­de­cine est en pleine expan­sion, Fee­li se démarque en pri­vi­lé­giant la mes­sa­ge­rie ins­tan­ta­née et un accom­pa­gne­ment sur mesure. À sa tête, Ben­ja­min Zerah entend rendre les soins plus acces­sibles tout en repen­sant la rela­tion patient-médecin.

Quelle est la genèse de Feeli ?

L’aventure Fee­li est née d’un double constat. D’une part, il deve­nait urgent de trou­ver une réponse à la pénu­rie crois­sante de méde­cins dis­po­nibles dans l’Hexagone, une réa­li­té qui n’épargne aujourd’hui plus les grandes villes comme Paris. D’autre part, il fal­lait s’adapter à un tour­nant régle­men­taire majeur : la libé­ra­li­sa­tion de la télé­con­sul­ta­tion, décré­tée en 2018, qui per­met de déli­vrer des ordon­nances à dis­tance. Avant cette date, nous pro­po­sions sim­ple­ment une mes­sa­ge­rie pour l’échange de conseils médi­caux entre méde­cins et patients, mais sans pos­si­bi­li­té de prescription.

“Feeli se distingue par une téléconsultation rapide et personnalisée, axée sur la messagerie instantanée et le prédiagnostique.”

Avec ce chan­ge­ment légis­la­tif, nous avons conçu une solu­tion plus flexible et adap­tée : une télé­con­sul­ta­tion rapide, sans ren­dez-vous, appuyée par un ques­tion­naire pré­diag­nos­tique pour orien­ter le pra­ti­cien et une mes­sa­ge­rie ins­tan­ta­née pour des échanges fluides. Les pre­mières consul­ta­tions, lan­cées en 2019 sur des patho­lo­gies simples comme les infec­tions uri­naires, ont rapi­de­ment trou­vé leur public, avec des mil­liers de consul­ta­tions enre­gis­trées dès les pre­miers mois.

Quels choix technologiques ont façonné le produit final ?

Dès le départ, nous vou­lions miser sur deux élé­ments clés : la mes­sa­ge­rie asyn­chrone, qui peut éga­le­ment être syn­chrone, et le ques­tion­naire pré­diag­nos­tique. La visio­con­fé­rence peut être utile, mais elle n’optimise pas tou­jours le temps des méde­cins, qui ont besoin d’informations claires et struc­tu­rées pour éta­blir un diag­nos­tic. Le pre­mier choix tech­no­lo­gique a donc été ce ques­tion­naire : le patient déclare ses symp­tômes, et notre sys­tème pro­pose des pistes pos­sibles (par exemple « grippe », « bron­chite »), ce qui oriente déjà le pra­ti­cien dans la bonne direc­tion. Ensuite, la mes­sa­ge­rie ins­tan­ta­née a été conçue pour être la pierre angu­laire de la consul­ta­tion. Nous vou­lions un outil pou­vant fonc­tion­ner en dif­fé­ré, per­met­tant au patient de réflé­chir à ses réponses, de joindre des pho­tos ou des docu­ments, et au méde­cin d’analyser les don­nées au moment opportun.

C’est ce qui nous dif­fé­ren­cie des pla­te­formes de visio­con­fé­rence, plus exi­geantes en termes de dis­po­ni­bi­li­té immé­diate et qui ne conviennent pas tou­jours au rythme d’un praticien.

Quelles sont les principales innovations de Feeli et les défis rencontrés ?

Outre le pré­diag­nos­tique et la mes­sa­ge­rie, nous avons inté­gré un sui­vi post-diag­nos­tique. Quelques jours après la consul­ta­tion, un ques­tion­naire est envoyé au patient pour véri­fier sa réponse au trai­te­ment ou détec­ter de nou­veaux symp­tômes. Ce sui­vi est essen­tiel pour la phar­ma­co­vi­gi­lance et l’ajustement thé­ra­peu­tique. Conce­voir ces modules inté­grés, tout en fai­sant accep­ter l’idée d’une consul­ta­tion essen­tiel­le­ment tex­tuelle, a repré­sen­té un défi. Le monde médi­cal reste atta­ché aux for­mats phy­siques ou vidéo, mais notre approche offre une réelle flexi­bi­li­té sans com­pro­mis sur la qua­li­té des soins.

Comment garantissez-vous la confidentialité et la conformité réglementaire ?

La sécu­ri­té des don­nées est une prio­ri­té abso­lue. Les infor­ma­tions de san­té sont sto­ckées sur des ser­veurs cer­ti­fiés HDS (Héber­geur de Don­nées de San­té) et les échanges entre méde­cins et patients sont chif­frés de bout en bout. En cas de litige, l’accès aux don­nées ne peut se faire qu’avec le consen­te­ment des deux par­ties. Nous sui­vons éga­le­ment de près les évo­lu­tions légales pour garan­tir notre confor­mi­té, qu’il s’agisse du res­pect du par­cours de soins ou des règles impo­sées par l’Ordre des médecins.

À l’ère de la santé numérique, comment Feeli contribue-t-elle à transformer la relation patient-médecin, et quels bénéfices observez-vous ?

Grâce à Fee­li, le patient n’est plus un simple « consom­ma­teur » de soins. Il devient acteur de sa propre san­té en choi­sis­sant lui-même de consul­ter rapi­de­ment en ligne, sans avoir à attendre plu­sieurs semaines pour un ren­dez-vous en cabi­net. Cette liber­té est par­ti­cu­liè­re­ment appré­ciée par les patients aux emplois du temps char­gés, comme les chefs d’entreprise ou les pro­fes­sions libé­rales, ain­si que par ceux vivant dans des zones médi­ca­le­ment sous-dotées. En matière de sui­vi thé­ra­peu­tique, notre sys­tème de mes­sa­ge­rie et le ques­tion­naire post-diag­nos­tique assurent une conti­nui­té de la prise en charge. Dans
90 % des cas, la situa­tion se résout effi­ca­ce­ment, mais dans les 10 % res­tants, le méde­cin peut ajus­ter la pres­crip­tion ou deman­der des exa­mens com­plé­men­taires. Cela amé­liore la qua­li­té des soins et ren­force la rela­tion de confiance entre le pra­ti­cien et son patient.

Comment anticipez-vous les évolutions futures du secteur et comment adaptez-vous votre stratégie d’innovation ?

La télé­mé­de­cine évo­lue rapi­de­ment, notam­ment avec les débats sur le rem­bour­se­ment ou le pla­fon­ne­ment des consul­ta­tions à dis­tance. Nous res­tons atten­tifs pour adap­ter notre offre en consé­quence. Sur le plan tech­no­lo­gique, nous explo­rons l’intégration d’objets connec­tés et le déve­lop­pe­ment de modules pré­ven­tifs pour mieux répondre à l’augmentation des patho­lo­gies chro­niques. Nous tra­vaillons éga­le­ment à opti­mi­ser le diag­nos­tic dans des spé­cia­li­tés comme la der­ma­to­lo­gie, où la demande est par­ti­cu­liè­re­ment élevée.

Quel est le rôle de la recherche et développement chez Feeli ?

Notre pôle tech­nique compte actuel­le­ment trois déve­lop­peurs et un CTO, res­pon­sables de la pro­gram­ma­tion, de la main­te­nance et des évo­lu­tions de la pla­te­forme. En interne, nous ne dis­po­sons pas encore d’un ser­vice R&D dédié, mais nous pré­voyons de ren­for­cer cet axe lors d’une pro­chaine levée de fonds. À ce stade, nous col­la­bo­rons régu­liè­re­ment avec notre direc­teur médi­cal et deux pra­ti­ciens réfé­rents pour vali­der la fai­sa­bi­li­té des nou­velles fonc­tion­na­li­tés. Avec davan­tage de res­sources, nous sou­hai­tons éta­blir des par­te­na­riats avec des labo­ra­toires de recherche et des écoles d’ingénieurs afin d’affiner nos algo­rithmes de tri médi­cal et d’analyse d’images, notam­ment en der­ma­to­lo­gie. L’objectif est de créer une pas­se­relle public-pri­vé pour accé­lé­rer l’innovation de manière solide et efficace.

De quelle manière Feeli mise-t-elle sur l’intelligence artificielle ?

L’intelligence arti­fi­cielle est déjà uti­li­sée pour ana­ly­ser l’historique des patients et croi­ser les don­nées cli­niques. Par exemple, lorsqu’un patient consulte pour des troubles res­pi­ra­toires, le sys­tème l’interroge sur d’éventuelles aller­gies ou anté­cé­dents, et un compte ren­du est géné­ré auto­ma­ti­que­ment avant la lec­ture du méde­cin. À l’avenir, nous sou­hai­tons ren­for­cer cet usage, notam­ment pour l’analyse d’images de lésions cuta­nées et l’accélération de la détec­tion de patho­lo­gies comme les méla­nomes. L’IA demeure un outil d’aide : le méde­cin conserve tou­jours la déci­sion finale.

Comment voyez-vous l’évolution du secteur, et quelle place Feeli compte-t-elle y occuper ?

Nous sommes convain­cus que la télé­mé­de­cine pour­sui­vra son expan­sion, por­tée par plu­sieurs fac­teurs : le manque de pra­ti­ciens, la volon­té des patients de mieux maî­tri­ser leur par­cours de soins, et l’essor des outils numé­riques. Fee­li ambi­tionne de deve­nir une pla­te­forme de réfé­rence, agile et cen­trée sur la qua­li­té des soins. Nous nous dis­tin­guons déjà par un for­mat basé sur la mes­sa­ge­rie et une prise en charge réac­tive. À l’avenir, nous sou­hai­tons conso­li­der notre exper­tise dans des spé­cia­li­tés à forte demande, comme la der­ma­to­lo­gie, tout en inté­grant pro­gres­si­ve­ment d’autres dis­ci­plines médi­cales. Notre ambi­tion est éga­le­ment inter­na­tio­nale, avec un inté­rêt par­ti­cu­lier pour les mar­chés euro­péens et nord-amé­ri­cains, qui offrent des oppor­tu­ni­tés considérables. 

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