Centraliser les offres de bénévolat dans les réserves citoyennes

Face aux crises, peut-on compter sur les réserves citoyennes ?

Dossier : ExpressionsMagazine N°769 Novembre 2021
Par Adam BAÏZ (2009)
Par Clément FOUTREL

Au tour­nant de 2021, les sondages ont été sans appel : la crise san­i­taire a lour­de­ment affec­té notre san­té psy­chologique. Ce n’est pas si éton­nant. La crise san­i­taire a boulever­sé notre quo­ti­di­en, nos études, nos emplois, nos déplace­ments, nos rela­tions. L’anxiété qui en découle n’est pas nou­velle. Alors, que faire pour lut­ter con­tre l’anxiété, face aux crises ?

Avec la Covid-19, un salarié sur deux déclare être en sit­u­a­tion de détresse psy­chologique (baromètre Opin­ion­Way du 16 décem­bre 2020), 40 % des 18–24 ans dis­ent souf­frir d’un trou­ble anx­ieux général­isé (sondage Ipsos du 28 jan­vi­er 2021), près d’un tiers des Français esti­ment avoir ren­for­cé leurs addic­tions (sondage Odoxa-Back­bone du 19 jan­vi­er 2021), près de 75 % de la pop­u­la­tion éprou­ve un sen­ti­ment d’impuissance (sondage Ifop-Aladom du 17 mars 2021), etc. Et ces chiffres sont en hausse, surtout chez les plus jeunes. La crise a aus­si créé l’étrange sen­ti­ment que cha­cun est respon­s­able du cours des choses, mais indi­vidu­elle­ment impuis­sant pour l’infléchir. Ces dernières années, l’anxiété nous prend déjà en tenailles – nous, les indi­vidus lamb­da – face au chô­mage, à la men­ace ter­ror­iste ou encore au réchauf­fe­ment cli­ma­tique. Que faire et com­ment réagir ?

Agir grâce aux réserves citoyennes 

Une par­tie de la réponse nous sem­ble être dans la ques­tion : faire. Per­me­t­tre à cha­cun d’agir et de se sen­tir utile. Car si nous avons besoin d’être soutenus par la société, la crise a aus­si ren­for­cé l’envie d’être act­ifs et sol­idaires pour la majorité d’entre nous (sondage Ipsos du 4 juin 2020). Il faut don­ner corps à cet élan frater­nel : cha­cun, quels que soient son âge et ses com­pé­tences, peut aider. Pour cela, il existe le tis­su asso­ci­atif. Face aux crises, il existe aus­si ce dis­posi­tif trop peu con­nu encore : les réserves citoyennes.

Sous des dénom­i­na­tions divers­es, les réserves citoyennes regroupent des per­son­nes volon­taires pour inter­venir en ren­fort à des struc­tures établies (hôpi­taux, étab­lisse­ments sco­laires, armées, etc.), et sou­vent face à des urgences, qu’il s’agisse d’épidémies, de cat­a­stro­phes naturelles ou encore d’attentats. La France en compte une quin­zaine : la réserve san­i­taire, la réserve citoyenne de l’Éducation nationale, les réserves mil­i­taires, la réserve des sapeurs-pom­piers, etc. Selon la réserve, les mis­sions sont divers­es : soutenir une cam­pagne de vac­ci­na­tion, accom­pa­g­n­er une sor­tie périsco­laire, par­ticiper à une opéra­tion mil­i­taire ou encore aider des per­son­nes dépen­dantes à faire leurs cours­es. Bien enten­du, cer­taines mis­sions exi­gent des qual­i­fi­ca­tions spé­ci­fiques, pour injecter un vac­cin par exem­ple. Et dans ce cas, elles don­nent générale­ment lieu à une rémunéra­tion, là où le bénévolat est autrement la règle.

Des volontaires nombreux mais peu mobilisés 

En principe, il suf­fit de rem­plir un dossier de can­di­da­ture et de s’engager un cer­tain nom­bre de jours par an.

Ain­si, depuis le début de la crise Covid-19, la réserve san­i­taire, qui comp­tait 21 000 mem­bres, a reçu près de 25 000 can­di­da­tures sup­plé­men­taires. Et pour­tant, moins de 10 % d’entre eux ont été effec­tive­ment mobil­isés en 2020. Ce para­doxe touche plusieurs réserves, depuis plusieurs années, et s’explique par une rai­son prin­ci­pale : la majorité des can­di­dats ne rem­plis­sent pas les con­di­tions req­ui­s­es (diplôme, âge, etc.), ou ne cor­re­spon­dent pas aux urgences du moment. Et même lorsqu’ils pour­raient répon­dre à des besoins immé­di­ats et nom­breux, la plu­part des réservistes dis­parais­sent des radars si on les a trop longtemps lais­sés de côté. Un gâchis…

Depuis l’été dernier, nous avons échangé avec des acteurs et des respon­s­ables de dif­férentes réserves (san­i­taire et civique en par­ti­c­uli­er) et du monde asso­ci­atif. Et il est apparu indis­pens­able de mieux les coor­don­ner entre elles. Elles y gag­n­eraient en vis­i­bil­ité et en effi­cac­ité. Deux options sont envis­age­ables. La pre­mière serait de fusion­ner toutes les réserves en un dis­posi­tif unique, à l’instar de ce que pro­po­sait le rap­port Sauvé-Ones­ta à la suite des atten­tats de 2015. La réserve civique a été créée en 2017 avec cette ambi­tion, mais les spé­ci­ficités des réserves exis­tantes ont eu rai­son de ce pro­jet de fusion.

Pour une plateforme unique de l’engagement citoyen

La deux­ième option ne présen­terait pas cet écueil : il s’agirait sim­ple­ment de créer une plate­forme unique de l’engagement citoyen. Sur un site inter­net unique, toutes les réserves auraient à indi­quer leurs mis­sions et les éventuelles com­pé­tences req­ui­s­es. De son côté, tout citoyen pour­rait s’y con­necter et, à tra­vers un moteur de recherche, indi­quer ses appé­tences (envi­ron­nement, édu­ca­tion, etc.), ses disponi­bil­ités (tem­porelles et géo­graphiques) et si besoin ses com­pé­tences. En cochant sur les mis­sions pro­posées qui l’intéressent, il serait aus­sitôt mis en rela­tion avec les organ­ismes con­cernés qui, récipro­que­ment, auraient aus­si la pos­si­bil­ité de pren­dre directe­ment con­tact avec les per­son­nes poten­tielle­ment intéressées et disponibles.

Finie la logique de silos : au même endroit, les citoyens et les réserves pour­raient se ren­con­tr­er sans avoir à mul­ti­pli­er les démarch­es admin­is­tra­tives. En out­re, cette plate­forme gag­n­erait à accueil­lir les mis­sions des acteurs asso­ci­at­ifs et à s’articuler avec le pro­jet du Ser­vice nation­al uni­versel (SNU) pour les 15–17 ans. Au sein d’un comité de pilotage, les réserves et le Haut Con­seil à la vie asso­cia­tive pour­raient se réu­nir, pour veiller à mieux servir les besoins locaux, à répar­tir plus effi­cace­ment les ressources et à mobilis­er plus régulière­ment les per­son­nes motivées.

Portées par une plate­forme unique et en sou­tien au monde asso­ci­atif, les réserves citoyennes renoueraient avec leurs pleines voca­tions tout en gag­nant en ampleur. Cha­cun de nous y trou­verait plus facile­ment des occa­sions de servir l’intérêt général, pour atténuer les crises et pour les prévenir de façon gradu­elle. On y trou­verait aus­si l’opportunité de ren­con­tr­er des gens de tous les hori­zons, et à leurs con­tacts de dévelop­per des com­pé­tences nou­velles tout au long de sa vie. Finale­ment, tout l’esprit de la Fraternité ?

Et aujourd’hui ?

Depuis nos pre­miers échanges avec l’incubateur beta.gouv.fr de la direc­tion inter­min­istérielle du numérique ont con­tin­ué à y être dévelop­pées la plate­forme JeVeuxAider.gouv.fr et l’API Engage­ment. Ces ini­tia­tives, qui visent à cen­tralis­er les offres de bénévolat de la réserve civique et du monde asso­ci­atif, et à mutu­alis­er les viviers de volon­taires poten­tiels, vont par­faite­ment dans le sens de notre plate­forme unique. Ain­si, en vous con­nec­tant sur JeVeuxAider.gouv.fr, vous pour­rez choisir une thé­ma­tique d’action : sol­i­dar­ité et inser­tion, pro­tec­tion de la nature, édu­ca­tion pour tous, san­té pour tous.

Vous pour­rez aus­si choisir une région, et iden­ti­fi­er alors la mis­sion qui vous con­vient le mieux, par­mi toutes celles que pro­posent les (déjà) 5 000 organ­i­sa­tions partenaires.

Le déploiement de cette plate­forme et sa pleine util­i­sa­tion par les acteurs con­stitueront une étape impor­tante. Peut-être une plate­forme unique plus globale
encore, inclu­ant l’ensemble des réserves citoyennes, ­pour­ra-t-elle alors être envisagée.

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