Évolution du mix électrique en France : qui paiera ?

Dossier : Management : changer pour rester dans la courseMagazine N°678 Octobre 2012
Par Julien DELEUZE (99)

Des options majeures

Des options majeures

La France fait face à cinq options envi­ron­nemen­tales, énergé­tiques et économiques majeures pour le choix et le dimen­sion­nement de ses moyens de pro­duc­tion d’électricité. Ces options con­cer­nent le niveau d’émission de CO2, le développe­ment des éner­gies nou­velles renou­ve­lables (prin­ci­pale­ment éolien ter­restre, éolien off­shore, pho­to­voltaïque), les économies d’énergie, la pro­duc­tion élec­trique d’origine nucléaire, le coût pour la collectivité.

REPÈRES
En 2011, le nucléaire représen­tait 78 % de la pro­duc­tion élec­trique en France et l’hydraulique 9 %. Il en résulte pour le parc élec­trique un bilan par­ti­c­ulière­ment favor­able de 70 à 80 g de CO2 par kWh, à com­par­er à une moyenne de 350 g en Europe. Autre béné­fice de cette sit­u­a­tion, le prix payé par les par­ti­c­uliers est inférieur d’environ 35 % à la moyenne européenne.

Environnement et émissions de CO2

Le bilan CO2 du parc de pro­duc­tion élec­trique est par­mi les plus bas d’Europe

Compte tenu des moyens de pro­duc­tion élec­triques actuels, prin­ci­pale­ment nucléaire et hydraulique, le bilan CO2 du parc de pro­duc­tion élec­trique français est par­mi les plus bas d’Europe (70–80 g de CO2 par kWh con­tre 350 g par kWh en moyenne en Europe). Souhaite-t-on, ou non, main­tenir un tel pro­fil presque car­bon free pour le parc de pro­duc­tion élec­trique français ?

Énergies nouvelles renouvelables (EnR)

Les éner­gies nou­velles renou­ve­lables (éolien ter­restre, éolien off­shore, pho­to­voltaïque, bio­masse, etc.), si elles se sub­stituent à des moyens de pro­duc­tion émet­teurs de CO2 (char­bon, gaz, fioul, etc.), peu­vent con­tribuer à la réduc­tion des émis­sions de CO2.

Éclairage basse consommation
Le rem­place­ment des ampoules clas­siques à incan­des­cence par des ampoules à basse con­som­ma­tion per­met d’importantes économies d’énergie. Les ampoules « flu­o­com­pactes » à basse con­som­ma­tion (ou plus juste­ment à basse puis­sance) ont, par exem­ple, une puis­sance de 11 watts et rem­pla­cent les ampoules à incan­des­cence ayant une puis­sance de 60 watts (pour la même inten­sité lumineuse).

Avec quelle ampleur et selon quelle logique souhaite-t-on dévelop­per les EnR ? Souhaite-t-on un développe­ment des EnR dans les lim­ites de com­péti­tiv­ité économique par rap­port aux autres moyens de pro­duc­tion ? Ou un développe­ment max­i­mal des EnR, sim­ple­ment lim­ité par des con­traintes physiques liées par exem­ple à l’espace disponible ?

Économies d’énergie

Les mesures de maîtrise de la demande élec­trique (MDE), si elles per­me­t­tent d’éviter le recours à des moyens de pro­duc­tion élec­trique émet­teurs de CO2, peu­vent égale­ment per­me­t­tre de réduire les émis­sions de CO2. Avec quelle ampleur et selon quelle logique souhaite- t‑on dévelop­per les mesures de maîtrise de la demande élec­trique (MDE) : iso­la­tion ther­mique des bâti­ments, rem­place­ment d’équipements élec­triques clas­siques par des équipements plus économes ? Souhaite-t-on encour­ager unique­ment les mesures économique­ment com­péti­tives, c’est-à-dire celles dont le coût de mise en œuvre est inférieur au coût de pro­duc­tion de l’électricité économisée ? Ou, de façon volon­tariste, toutes les mesures de MDE, quel qu’en soit le prix ?

Nucléaire

Le prix payé par les par­ti­c­uliers est inférieur de 35% à la moyenne européenne

Le parc de pro­duc­tion nucléaire français est con­sti­tué de 58 réac­teurs nucléaires, essen­tielle­ment con­stru­its dans les années 1980. À l’horizon 2030, une majorité de réac­teurs arriveront à l’âge de 40 ans (env­i­ron 45 réac­teurs sur les 58 actuels), avec une pos­si­bil­ité de pro­longer ou non leur durée de vie de dix à vingt ans.

Souhaite-t-on pro­longer la durée de vie des réac­teurs nucléaires de dix à vingt ans ? Ou arrêter tout ou par­tie des réac­teurs nucléaires arrivant à l’âge de 40 ans pour lim­iter le « risque nucléaire » ?

Coût pour la collectivité

Le coût de l’électricité en France est actuelle­ment par­mi les plus bas d’Europe : le prix payé par les par­ti­c­uliers est inférieur d’environ 35% à la moyenne européenne. Souhaite-t-on ou non con­tin­uer de min­imiser, de façon pérenne, le coût de pro­duc­tion élec­trique pour la col­lec­tiv­ité (l’État, les groupes élec­triciens, les par­ti­c­uliers, les entre­pris­es forte­ment con­som­ma­tri­ces d’électricité, par exem­ple dans la sidérurgie, la pro­duc­tion d’aluminium, etc.) ?

L’heure des choix

TABLEAU 1 a
Équili­bre offre-demande
TABLEAU 1 b
Compéti­tiv­ité des fil­ières de pro­duc­tion électrique
2030 – Chiffres en euros con­stants 2010
(1) Inté­grant les durées de con­struc­tions (non pro­duc­tives) ; (2) WACC nom­i­nal après impôts ; (3) Hors coût de déman­tèle­ment et coût de traite­ment des déchets ; Hors effet de « tête de série » ; (4) Avec un ren­de­ment de 57%, hors coût de développe­ment des réseaux de gaz ; (5) 42 €/MWh à 2012 avec aug­men­ta­tion poten­tielle à 50 €/MWh à 2030 ; (6) Ura­ni­um à 70 $ / livre, gaz à 14 $ / Mbtu (34 € / MWh), pét­role à 150 $ / bar­il, char­bon à 100 $ / t ; (7) CO2 à 50 € / t ;
Note : Hypothès­es de crois­sance mon­di­ale à 5,0% p.a. et de crois­sance française à 1,5% p.a. en mon­naie courante
Source : AIE (Agence Inter­na­tionale de l’Energie), DGEC (Direc­tion Générale de l’Energie et du Cli­mat), UFE (Union Française de l’Electricité), analy­ses et esti­ma­tions Estin & Co
TABLEAU 2
Exem­ples de choix pos­si­bles, et addi­tion économique et environnementale
(1) Eolien off­shore et pho­to­voltaïque ; (2) Prix en pro­duc­tion seule­ment (basé sur le coût de développe­ment moyen du parc), y com­pris val­ori­sa­tion des expor­ta­tions le cas échéant Source : UFE (Union Française de l’Electricité), analy­ses et esti­ma­tions Estin & Co

Il faut faire des choix. On ne peut pas tout avoir. Il n’est pas pos­si­ble de con­cili­er les choix les plus « ambitieux » pour cha­cune des options préc­itées : faibles émis­sions de CO2, fort développe­ment des EnR, fort développe­ment des mesures de MDE, arrêt anticipé de réac­teurs nucléaires, faible coût pour la col­lec­tiv­ité. Ces choix à faire doivent sat­is­faire la con­trainte de l’équilibre entre offre et demande en élec­tric­ité. Ils doivent égale­ment inté­gr­er la com­péti­tiv­ité économique des moyens de pro­duc­tion d’électricité (voir tableaux 1 a et b). Quels choix pos­si­bles, avec quelle addi­tion économique et environnementale ?

De façon illus­tra­tive, trois choix cohérents sont pos­si­bles à l’horizon 2030 (voir tableau 2).

  • Choix 1 : développe­ment EnR « Grenelle » + nucléaire pro­longé + MDE com­péti­tive. Ce choix abouti­rait à des investisse­ment maîtrisés dans le parc de pro­duc­tion (env­i­ron 115 mil­liards d’euros d’investissement sur vingt ans pour la col­lec­tiv­ité), des prix de pro­duc­tion (fondés sur le coût de développe­ment moyen du parc, y com­pris val­ori­sa­tion des expor­ta­tions) à 50–55 €/kWh, et à un bilan CO2 du parc élec­trique faible (env­i­ron 15–20 Mt (mil­lions de tonnes de dioxyde de car­bone) à 2030, à com­par­er à 34 Mt en 2010).
  • Choix 2 : fort développe­ment des EnR + 50% du nucléaire pro­longé + MDE com­péti­tive. Ce choix abouti­rait à un sur­in­vestisse­ment pour la col­lec­tiv­ité (env­i­ron 165 mil­liards d’euros d’investissement sur vingt ans), des prix à 75–80 €/kWh (+ 45% par rap­port au choix 1), et à un bilan CO2 du parc élec­trique en aug­men­ta­tion (env­i­ron 45 Mt à 2030).
  • Choix 3 : très fort développe­ment des EnR + nucléaire non pro­longé + MDE com­péti­tive. Ce choix abouti­rait à un fort sur­in­vestisse­ment pour la col­lec­tiv­ité (env­i­ron 210 mil­liards d’euros d’investissement sur vingt ans), des prix à 90–95 €/kWh (+ 75% par rap­port au choix 1), et à un bilan CO2 du parc élec­trique en forte aug­men­ta­tion (supérieur à 100 Mt à 2030).

Une addition trop salée

Les acteurs économiques, en l’état actuel des choses, n’ont pas les moyens de financer des choix cor­re­spon­dants à des sur­in­vestisse­ments (développe­ment volon­tariste des EnR ou de la MDE, arrêt anticipé non opti­misé des réac­teurs nucléaires exis­tants). L’État, avec un déficit annuel d’environ 90 mil­liards d’euros en 2011 (pour des recettes de 270 mil­liards d’euros, soit un déficit de – 33 % des recettes), n’a plus de marge de manœu­vre suffisante.

Les groupes élec­triciens, si les prix restent régulés à un faible niveau, voient leurs capac­ités d’investissement réduites. Les par­ti­c­uliers, si les prix de l’électricité aug­mentent pour financer les sur­in­vestisse­ments, fer­ont face à une perte de pou­voir d’achat (de 200 à 500 euros par an dans les choix 2 et 3), dans un con­texte où le pou­voir d’achat est déjà con­traint par les dif­fi­cultés économiques actuelles et à venir. Enfin, les entre­pris­es dont la com­péti­tiv­ité est déjà forte­ment érodée risquent de per­dre encore davantage.

Deux options clés

Que faire ? En pra­tique, deux options s’offrent à nous. La pre­mière est de pour­suiv­re une stratégie car­bon free opti­misée (faibles émis­sions de CO2). Il s’agit de pour­suiv­re une stratégie de sys­tème élec­trique très faible­ment émet­teur de CO2 (car­bon free) artic­ulée autour d’une pro­mo­tion de la MDE rentable, du pro­longe­ment opti­misé de la durée de vie des réac­teurs nucléaires, d’un développe­ment des moyens EnR com­péti­tifs (par exem­ple l’éolien ter­restre plutôt que l’éolien off­shore ou le photovoltaïque).

Dans ce cas, les investisse­ments et les prix sont maîtrisés, et le bilan CO2 du parc élec­trique reste bas.

Il n’est pas pos­si­ble de con­cili­er les choix les plus « ambitieux » sur tous les plans

La deux­ième option est d’entamer une véri­ta­ble « tran­si­tion énergé­tique ». Il s’agit de dévelop­per au-delà des lim­ites de leur com­péti­tiv­ité économique les EnR ou les mesures de MDE, et d’arrêter de façon non opti­misée les réac­teurs nucléaires exis­tants. Dans ce cas, les sur­in­vestisse­ments doivent être financés par des réal­lo­ca­tions budgé­taires. Pour l’État, si les prix de l’électricité restent régulés à un niveau bas, il faut trou­ver d’autres marges de manœu­vre d’investissement : plus d’économies ou plus de recettes dans d’autres domaines que l’électricité.

Pour les entre­pris­es forte­ment con­som­ma­tri­ces d’électricité, si les prix de l’électricité aug­mentent pour financer les investisse­ments, il faut trou­ver de nou­veaux leviers de com­péti­tiv­ité : nou­velles tech­nolo­gies plus effi­caces, réduc­tion du coût du tra­vail, etc. (Sinon, y aura-t-il alors un risque encore accru de délo­cal­i­sa­tion industrielle ?)

Enfin, pour les par­ti­c­uliers, si les prix de l’électricité aug­mentent pour financer les investisse­ments, il faut réal­louer les dépens­es des ménages.

Perte de marge
Les entre­pris­es forte­ment con­som­ma­tri­ces d’électricité – par exem­ple dans la sidérurgie, la pro­duc­tion d’aluminium, etc. –, si les prix de l’électricité aug­mentent pour financer les sur­in­vestisse­ments, per­dront en com­péti­tiv­ité (baisse de 2 à 8 points de marge d’Ebit, pour une marge moyenne actuelle de 8% du chiffre d’affaires) ; cela dans un con­texte où les niveaux de marge sont déjà con­traints par une ten­dance à la sur­ca­pac­ité (déplace­ment des marchés des pays occi­den­taux vers les pays émer­gents, compte tenu de la forte crois­sance prin­ci­pale­ment en Chine et Asie émergente).
Pré­par­er l’opinion publique
Une stratégie de tran­si­tion énergé­tique pour­rait impli­quer pour les par­ti­c­uliers des change­ments impor­tants. L’augmentation des prix de l’électricité induite par les sur­in­vestisse­ments pour­rait oblig­er les ménages à réal­louer leurs dépens­es : moins d’ordinateurs, smart­phones et autres iPad, vacances moins longues et vers des des­ti­na­tions moins loin­taines, activ­ités de loisirs et cul­turelles moins onéreuses et moins fréquentes, etc. L’opinion publique y est-elle préparée ?

Dilemme

Dans ce cas, il fau­dra aus­si trou­ver d’autres leviers de réduc­tion des émis­sions de CO2 (car le bilan CO2 du parc élec­trique pour­rait bien aug­menter) : moins de trans­port à car­bu­rants fos­siles (trans­port routi­er et aérien), moins de chauffage à car­bu­rants fos­siles (gaz, fioul), etc.

On ne peut plus financer des choix cor­re­spon­dant à des surinvestissements

Ou renon­cer aux ambi­tions de réduc­tions des émis­sions de CO2. Car, après tout, au-delà de l’exemplarité, les déci­sions nationales auront peu d’impact sur le bilan mon­di­al des émis­sions de CO2 (le seul qui compte vrai­ment dans une logique envi­ron­nemen­tale) si les pays émer­gents en forte crois­sance (au pre­mier rang desquels la Chine) ne relaient pas l’effort.

L’État et la col­lec­tiv­ité nationale, comme toute entre­prise, doivent faire des choix. On ne pour­ra pas tout avoir dans l’évolution des moyens énergé­tiques en France à 2030. Il faut fix­er les priorités.

Com­pren­dre ce qu’elles impliquent financièrement.

Et décider qui paiera.

2 Commentaires

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LUCAS Jeanrépondre
18 octobre 2012 à 4 h 48 min

évo­lu­tion du mix “nergé­tique en France
Il est bon de raison­ner à par­tir des coûts des électricités.
Les coûts de l’élec­tric­ité sont “clas­siques”. Il y manque deux choses : le car­ac­tère inter­mit­tent ou à la demande des éner­gies pro­duites ; la pos­si­bil­ité de chang­er les coûts par des inno­va­tions rad­i­cales, validées, même si pas démontrées.
Le car­ac­tère inter­mit­tent des éner­gies éoli­ennes et solaires, aug­mente leurs coûts de 50 à 60€/MWh. Cela n’est pas très impor­tant si l’on part d’élec­tric­ité pho­to­voltaîque à 350€/MWh, mais cela est impor­tant pour une élec­tric­ité éoli­enne à terre de 80€/MWh, et de l’éolien off­shore à 190€/MWh.
Sur le coût de l’élec­tric­ité bio­masse, il ne con­vient pas de s’ap­puy­er sur le tarif méthani­sa­tion de 180€/MWh (la méthani­sa­tion est une tech­nique mau­vaise, peu effi­cace et chère), mais sur des coûts de 140€/MWh obtenus pour des instal­la­tions décen­tral­isées “groupes élec­trogènes à syngas“produisant en semi pointe. Je peux t’en­voy­er, sur ce point, comme sur celui des éoli­ennes off shore économiques, des informations.

Ces points jouent sur les sur­coûts des divers scé­narii ! Ils ne répon­dent pas à la ques­tion de qui paiera : le con­tribuable ou le con­som­ma­teur d’élec­tric­ité ? Aujour­d’hui ou demain ? Ce sont des déci­sions lour­des de con­séquences qui sont depuis plusieurs années et plus encore aujour­d’hui pris­es sans les réflex­ions et les débats qui seraient nécessaires.
Si ces réflex­ions t’in­téressent, je serai con­tent d’en reparler.
Ami­cale­ment et avec mes félic­i­ta­tions pour avoir osé abor­der le problème.

Cristo­bal Oelckersrépondre
13 novembre 2012 à 13 h 35 min

Mer­ci pour cet éclairage sur
Mer­ci pour cet éclairage sur les per­spec­tives de pro­duc­tion d’élec­tric­ité en France, sujet d’ac­tu­al­ité universelle.
Tout à fait d’ac­cord sur raison­ner à par­tir des coûts d’élec­tric­ité. Sans doute seraient souhaita­bles davan­tage de détails dans les esti­ma­tions des coûts et des sen­si­bil­i­sa­tions Capex et Opex.
Aus­si, un élar­gisse­ment à d’autres pays apporterait des élé­ments d’analyse additionnels.
Le mix élec­trique du Chili (mon pays) repose sur l’hy­droélec­tric­ité (à forte vari­abil­ité intra et inter annuelle) et les éner­gies fos­siles. Ces dernières ont dans les dernières 20 années passé du Char­bon au Gaz (suite à une alliance avec l’Ar­gen­tine), du Gaz au Fioul (comme réponse de court terme à l’in­ter­rup­tion de l’ap­pro­vi­sion­nement de notre voisin) et avance désor­mais du Fioul au Char­bon + Gaz Naturel Liqué­fié (pour réduire les coûts mar­gin­aux qui sont de loin les plus élevés de la région). Les EnR sont dans un état embryonnaire.
Morale, la sécu­rité de l´approvisionnement est une con­trainte à ne pas négliger.
Je serai ravi de con­tin­uer cet échange par courriel.
Salu­dos, Cristobal

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