EuroSX, un marché financier paneuropéen à la croisée de la finance et de la technologie

Dossier : Vie des entreprises | Magazine N°808 Octobre 2025
Par Hervé ERHART
Par Adrien GUÉMY

Et si l’on repensait entièrement l’accès aux marchés financiers en Europe ? C’est le pari d’EuroSX, infrastructure de marché d’un nouveau genre, 100 % numérique, régulée et construite sur la blockchain. Sa mission est de fluidifier, sécuriser et démocratiser l’émission, la distribution et la gestion d’instruments financiers traditionnels comme les obligations ou les actions, au service du financement de l’économie réelle. À la tête de ce projet ambitieux, Hervé Erhart, président et directeur technique, et Adrien Guémy, directeur général, défendent une vision résolument européenne, ancrée dans les réalités économiques locales. Rencontre avec deux pionniers d’une finance aussi rigoureuse qu’accessible.

Vous décrivez EuroSX comme un logisticien de la finance. Qu’entendez-vous par là ?

Hervé Erhart : Nous fournissons l’infrastructure nécessaire à l’émission, à la distribution et à la gestion des titres financiers en nous appuyant sur la blockchain publique pour garantir la transparence, la traçabilité et la sécurité des opérations.

Nous sommes l’équivalent d’un ERP destiné aux acteurs des marchés financiers. Nous leur permettons de se concentrer sur leur cœur de métier : le conseil et la structuration d’opérations financières.

À qui s’adresse concrètement votre plateforme ?

Adrien Guémy : Notre solution s’adresse aux PME, ETI et collectivités territoriales qui ont des projets à financer mais peu d’accès aux marchés traditionnels. Elle est également destinée aux investisseurs – institutionnels ou qualifiés – à la recherche de produits nouveaux, ancrés dans l’économie réelle.

Néanmoins, les principaux utilisateurs de la plateforme seront les professionnels de la finance – cabinets d’avocats, de conseil, banques d’affaires, conseillers en gestion de patrimoine – qui utilisent notre technologie pour structurer, émettre et accompagner leurs clients. 

Nous avons également développé une interface API qui permet d’intégrer nos services directement dans leurs outils métiers.

Quelles limites cherchez-vous à dépasser par rapport aux modèles financiers traditionnels ?

Le système actuel est trop cloisonné, trop lent et trop coûteux. Il repose sur une multiplicité d’acteurs des infrastructures de marché : teneurs de compte, chambres de compensation, dépositaires des titres, etc. Cela pénalise les acteurs modestes, qui n’ont pas les moyens d’absorber ces coûts. Grâce au registre unique offert par la blockchain, nous réduisons drastiquement les frais, accélérons les délais et supprimons les points de friction inutiles. Nous donnons aussi une visibilité immédiate aux opérations, avec un reporting automatisé.


“Le système financier actuel est trop cloisonné, trop lent et trop coûteux. Grâce au registre unique offert par la blockchain, nous réduisons drastiquement les frais, accélérons les délais et supprimons les points de friction inutiles.”

En quoi votre modèle renforce-t-il la souveraineté financière européenne ?

Avec notre dispositif, un investisseur polonais peut investir dans des projets français ! Notre solution contribue à réduire notre dépendance au système financier américain puisqu’en opérant en euros, sur des infrastructures européennes, nous renforçons la monnaie européenne. En diversifiant les modes de financements des PME et ETI, nous faisons en sorte que ces entreprises restent sur le territoire européen. C’est donc un outil puissant de reconquête économique.

Nous souhaitons aussi permettre aux territoires européens de mobiliser leur propre épargne pour financer des projets locaux. Une région pourra, par exemple, émettre des obligations pour financer une école, un pont ou une infrastructure agricole. Et seuls les habitants de cette région pourront souscrire, avec un avantage fiscal ou un coupon préférentiel. Cela redonne du sens à l’investissement et renforce l’ancrage local.

Vous évoquez souvent le « régime pilote » européen. Que permet-il concrètement ?

Ce régime, mis en place par la Commission européenne, permet à des acteurs innovants de créer un modèle de place de marché sur la blockchain tout en restant dans un cadre réglementaire strict.

Il autorise notamment à concentrer certaines fonctions traditionnellement réparties entre plusieurs acteurs. Concrètement, cela nous permet de créer une place de marché intégrée, plus efficace, sans renier les exigences de transparence, de traçabilité et de sécurité.

C’est également un levier pour ajuster les réglementations au regard des nouvelles technologies.

Comment assurez-vous la sécurité des opérations sur une blockchain publique ?

Hervé Erhart : Blockchain publique rime avec sécurité, dans la mesure où elle n’est pas contrôlée par un nombre restreint d’acteurs. De plus en plus d’acteurs institutionnels en prennent conscience. 

En ce qui concerne nos contrats intelligents (smart contracts), nous fonctionnons par cycles industriels avec un protocole de validation en interne. Tous sont ensuite audités par des sociétés externes indépendantes avant leur déploiement.

Nous avons aussi conçu notre propre jeton de monnaie électronique adossé à l’euro, utilisable uniquement sur notre plateforme, en circuit fermé. 

Cela signifie que même en cas de cyberattaque, un jeton volé serait inutilisable ailleurs. Le coût de ce choix est intégralement supporté par EuroSX car aucun compromis ne peut être fait sur la sécurité.

Enfin, tous les fonds sont conservés au sein d’établissements bancaires français, ce qui garantit la solidité du jeton, celui-ci pouvant être converti par son détenteur à tout moment en euro à une parité fixe.

Votre plateforme est accessible 24h/24, 7j/7. Est-ce une révolution pour le marché ?

Adrien Guémy : Absolument, et cela change la donne, aussi bien pour les émetteurs que pour les investisseurs.

Un projet peut être lancé à tout moment.

Un investisseur peut consulter, analyser et investir quand il le souhaite.

Bien sûr, cela suppose une robustesse technique sans faille. C’est pourquoi nous avons intégré les exigences de cybersécurité du règlement DORA.

Ce fonctionnement continu nous permet aussi de mieux répondre à la temporalité des marchés mondiaux.

Votre ambition est-elle de concurrencer les bourses traditionnelles ?

Non. Nous sommes complémentaires.

EuroSX vise d’abord les marchés de niche, celui de gré à gré, les opérations de dette privée, les levées de fonds ciblées. Nous n’avons pas vocation à remplacer Euronext mais à offrir une alternative agile et accessible, notamment pour les plus petits émetteurs.

Cela dit, les grandes entreprises s’intéressent déjà à nos services pour certaines opérations spécifiques. Nous anticipons un élargissement progressif de notre clientèle.

Quelles sont les étapes à venir d’ici votre lancement prévu fin 2025 ?

Nous sommes en cours d’obtention de plusieurs agréments : établissement de monnaie électronique et entreprise d’investissement, dans le cadre des exemptions du régime pilote.

Ces démarches sont longues et complexes, mais elles sont le gage de notre solidité.

Nous avons débuté les discussions en 2022 et visons un lancement opérationnel au quatrième trimestre 2025.

D’ici là, nous continuons à développer nos outils et à construire notre réseau de partenaires à travers l’Europe. Nous préparons aussi notre déploiement dans d’autres pays avec des modèles contractuels adaptés.

Comment envisagez-vous l’avenir des infrastructures financières européennes ?

Hervé Erhart : Nous construisons une infrastructure qui permet aux professionnels de créer de la valeur et d’élargir leur spectre d’intervention avec des services plus efficients et intégrés. Je suis persuadé que c’est de cet écosystème que naîtra l’union des marchés de capitaux qui pour l’instant ne reste malheureusement qu’une chimère. C’est là que réside le véritable enjeu de souveraineté pour l’Union européenne. »  

En bref
EuroSX propose une évolution au modèle des marchés financiers actuels en se reposant sur les avantages de la blockchain. Les acteurs d’aujourd’hui des marchés financiers peuvent en bénéficier en conservant le même modèle opérationnel.

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