Europe, ma grande patrie !

Dossier : ÉditorialMagazine N°646 Juin 2009
Par Michel GÉRARD (55)

Un nou­veau Par­lement européen est élu. Il devrait se fix­er une tâche essen­tielle : l’en­fan­te­ment du patri­o­tisme européen. Dans ce con­ti­nent où les nations se sont entredéchirées, il est admirable que les élites de six pays, dev­enues vingt-sept par la force de l’ex­em­ple, aient pu bâtir ce qui l’a été et garan­tir ain­si la paix. Mais en 2005, un peu partout, ces élites se sont aperçues que les peu­ples ne les suiv­aient plus : l’Eu­rope paraît être une machine, non un être vivant con­sti­tué d’hommes et de femmes sol­idaires. Bref l’Eu­rope n’est pas la “grande patrie ” des Européens. Cette sit­u­a­tion est risquée car, si le ciment patri­o­tique ne lie pas les peu­ples entre eux, la peur men­ac­era un jour ou l’autre la pax euro­pean­na.

Le Par­lement, dont les pou­voirs ont crû et croîtront encore, devient un rouage essen­tiel à cet égard. Les par­lemen­taires européens sont en effet les per­son­nes les mieux placées pour faire émerg­er un sen­ti­ment fort d’ap­par­te­nance au même des­tin, à la même his­toire, à un ter­ri­toire com­mun. La tâche me paraît rel­a­tive­ment facile, mal­gré les bar­rières lin­guis­tiques et, pire, les drames his­toriques entre nos peu­ples, tant l’Eu­rope est priv­ilégiée par sa géo­gra­phie et riche, depuis si longtemps, de ses hommes et de ses cul­tures, tant les moyens tech­niques ad hoc se sont développés.

Com­ment pouss­er nos tout nou­veaux par­lemen­taires, à être moins frileux que ne l’ont été leurs prédécesseurs sur ce ter­rain ? Per­son­nelle­ment je pense ceci : si les élites restent ” affec­tive­ment défail­lantes ” à l’é­gard de l’Eu­rope, les par­lemen­taires éviteront, par peur de paraître naïfs, de par­ler de ” patrie européenne” et les peu­ples con­tin­ueront à con­fon­dre l’U­nion et ses institutions.

Or, beau­coup d’en­tre nous, de toutes généra­tions, sont capa­bles d’ex­primer un réel patri­o­tisme européen sur des bases dif­férentes de celles qu’on attend spon­tané­ment de poly­tech­ni­ciens et de cadres supérieurs. Nous avons tous la chance, par des voy­ages pro­fes­sion­nels et per­son­nels, de ren­con­tr­er beau­coup d’Eu­ropéens non français, de con­vers­er avec eux, d’évo­quer ce qui nous unit et ce qui nous sépare. À nous de nous faire enten­dre et d’ex­pli­quer pourquoi notre attache­ment à l’Eu­rope n’est pas issu de la seule rai­son raisonnante.

Que ce soit dans les colonnes ou sur le site de La Jaune et la Rouge, certes, mais aus­si dans tous les médias aux­quels nous pou­vons accéder, n’hési­tons donc pas à nous exprimer sur le patri­o­tisme européen et les moyens de le faire émerg­er, fût-ce pour défendre une cause dif­férente de celle que je plaide ici avec ma rai­son, mais aus­si tout mon cœur.

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