Étymologie de l'astronautique

Étymologie : À propos de l’astronautique 

Dossier : L'espace | Magazine N°807 Septembre 2025
Par Pierre AVENAS (X65)

L’espace étant déjà le thème de La Jaune et la Rouge de juin 2018, où l’ÉtymologiX raconte l’histoire du mot espace, du latin spatium, cet article sera consacré au mot astronautique, qui désigne les sciences et techniques de l’exploration spatiale.

L’astronautique, d’abord de la science-fiction

L’écrivain franco-belge, J.-H. Rosny aîné, fut l’un des précurseurs du roman de science-fiction. Il a publié en 1909 La Guerre du feu, puis en 1910 La Mort de la Terre, qui décrit la fin de l’humanité en proie à une sécheresse généralisée de la Terre. Cette prévision apocalyptique l’a conduit à évoquer la recherche d’une autre planète habitable dans son roman de 1925, Les Navigateurs de l’infini, où apparaissent les néologismes astronaute et astronautique. Ce roman raconte la mission exploratoire de trois astronautes français sur la planète Mars, où ils découvrent de mystérieuses formes de vie. Pour autant, l’étymologie d’astronautique, astronaute est sans mystère, du grec astêr « astre » et nautikos « nautique », nautês « navigateur », de naus « navire ». Ce mot astronautique, comme aéronautique auparavant, évoque par métaphore la navigation sur les mers et les fleuves, l’une des activités les plus difficiles à maîtriser et les plus périlleuses pour les premiers humains.

L’astronautique, une réalité qui rattrape la fiction

Au lendemain de Noël 1927, le scientifique André Louis-Hirsch a réuni des confrères dont son ami Robert Esnault-Pelterie et Jean Perrin (Nobel de physique 1926), ainsi que l’écrivain J.-H. Rosny aîné, alors président de l’Académie Goncourt. Il s’agissait de nommer la nouvelle science de l’exploration spatiale, et voici leur conclusion : « Robert Esnault-Pelterie avait proposé [le] nom de “sidération”, par parallèle avec l’aviation. Mais on a trouvé le titre un peu ridicule et, après avoir proposé le mot “cosmonautique”, Rosny aîné a proposé le mot “astronautique” qui a été adopté à l’unanimité et qui, on peut le dire, a fait le tour du monde. » En effet, ce mot a été adopté dès 1928 en anglais, astronaut, et retenu par la Nasa (créée en 1958). Ainsi Armstrong et Aldrin furent en 1969 les premiers astronautes au sens propre du terme, en explorant un astre, la Lune.

On peut s’étonner du premier nom proposé, sidération, formé sur le latin sidus, sideris « astre » comme aviation sur le latin avis « oiseau » : il se heurtait au mot sidération existant déjà, du latin sideratio « action funeste des astres », d’où le ridicule qui a été évité. Le deuxième nom proposé, cosmonautique, est celui que le régime soviétique a employé en russe, avec emphase, car le cosmos, du grec kosmos, c’est l’Univers. Ainsi Gagarine fut célébré en 1961 comme le premier cosmonaute, sans avoir quitté l’orbite terrestre.

Quant aux premiers Français dans l’espace (de 1981 à 1998), leur nom ne fut pas astronaute, mais spationaute, mot hybride latin-grec reconnu par l’Académie française, sans équivalent en anglais. Cette discordance gênante a cessé en 1998, lorsque les Français ont rejoint le corps européen des astronautes de l’ESA (créée en 1975), qui avait adopté le terme astronaute ou équivalent. Et donc Thomas Pesquet et Sophie Adenot sont bien des astronautes !

Épilogue

La compétition lexicale entre cosmonautes soviétiques et astronautes américains fut intense pendant la guerre froide. Elle s’est atténuée lors de la coopération internationale qui a suivi. On espère qu’elle ne resurgira pas en plus grave dans une guerre des étoiles. Ce serait, après la sidération, le désastre ! 

Dans son roman Robur le conquérant (1886), Jules Verne imagine une sorte de bateau volant, l’Albatros, un véritable aéronef (nef, du latin navis « navire »), une vision fantastique de l’aéronautique, sinon de l’astronautique.

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