Étienne Schlumberger (36) en marin

Étienne SCHLUMBERGER (36), exemplaire et indocile

Dossier : TrajectoiresMagazine N°699 Novembre 2014Par : Alain SCHLUMBERGER (48) et Vianney BOLLIER (64)

Né à Paris en 1915, l’année même de la mort de son père, ingénieur et cap­i­taine d’aviation, Éti­enne Schlum­berg­er entre à l’École en 1936. Descen­dant d’une lignée de trois X (et ancêtre de deux autres), il s’illustre comme géné‑K et ne manque pas d’embarrasser une admin­is­tra­tion qui ne peut ni le punir ni l’empêcher de sor­tir dans le Génie maritime.

L’évasion des sous-marins

Après sa croisière sur la Jeanne‑d’Arc et l’école d’application, il est affec­té à la répa­ra­tion des sous-marins à Cher­bourg au début de 1940. C’est là qu’il organ­ise, dès le 19 juin, « l’évasion » de qua­tre sous-marins français vers l’Angleterre puis son pro­pre départ sans avoir enten­du l’appel du général de Gaulle.

“ Il organise son propre départ sans avoir entendu l’appel du général de Gaulle ”

Il veut par-dessus tout con­tin­uer à com­bat­tre, refuse de revenir en France et se ral­lie à la France libre en juil­let. Muté à sa demande dans la Marine, il est rapi­de­ment embar­qué comme offici­er et fait cam­pagne à bord de divers avi­sos ou aux côtés de l’amiral Thier­ry d’Argenlieu jusqu’au début de l’année 1942.

Il rejoint le sous-marin Junon en févri­er 1942 et le com­mande de mars 1943 à août 1944, allant de la Norvège à Alger, et déposant ou embar­quant agents ou commandos.

Son caractère indépendant et généreux se manifeste notamment quand, ignorant les ordres, il s’éloigne du convoi marchand qu’il protège et sauve un équipage dont le navire avait été coulé par un sous-marin allemand.

Il arme ensuite le sous-marin Morse puis rejoint à nou­veau l’état-major et suit l’amiral Thier­ry d’Argenlieu en Indochine.

De retour en France à sa demande en 1947, il pour­suit sa car­rière mil­i­taire mais sup­porte mal ce qu’il ressent comme un isole­ment de gaulliste et démis­sionne en 1953.

Étienne Schlumberger (36) en Grand UniformeAu sein de la société Shell, il se con­sacre alors à l’architecture navale – pétroliers ou trans­porteurs de gaz liqué­fié – puis s’intéresse au stock­age géologique de gaz et crée la société Géo­s­tock qu’il dirige jusqu’à sa retraite en 1975.

Compagnon de la libération

Con­damné aux travaux for­cés à per­pé­tu­ité par un tri­bunal de Vichy en 1943, il regret­tera longtemps qu’on ne l’ait pas jugé digne de la peine cap­i­tale. Après l’annulation de cette sen­tence en 1944, il est fait Com­pagnon de la Libéra­tion en 1945 et recevra notam­ment la pres­tigieuse DSO britannique.

Grand ama­teur de voile, Éti­enne Schlum­berg­er a prof­ité du « début » de sa retraite pour faire le tour du monde et a séjourné régulière­ment en Polynésie jusqu’en 2001.

Il vivait depuis en Bre­tagne et avait accueil­li avec humour sa récente pro­mo­tion au titre de grand offici­er de la Légion d’honneur.

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1. Les Com­bats et l’honneur des Forces navales français­es libres,
Édi­tions du Cherche-Midi, 2007.

Alain Schlumberger (48)
et Vianney Bollier (64)

À la fin des années 1940 et au début des années 1950, la Marine nationale était encore traversée par des vents politiques contraires, autrement dit, la « Marine de Vichy » n’avait pas disparu, du moins dans les esprits. Étienne, le rebelle, n’y était plus à l’aise, il a quitté le service en 1953 avec le grade de capitaine de frégate de réserve, il est passé capitaine de vaisseau de réserve plus tard.

Patrice Urvoy (65)

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