Une Formula-e avec Éric Barbaroux

Éric BARBAROUX (81), à l’origine de la Formula E

Dossier : TrajectoiresMagazine N°717 Septembre 2016
Par Frédéric TRONEL (96)

Ingénieur de l’arme­ment, il a débuté sur le char Leclerc. Puis con­seiller au min­istère des Sports, il ren­con­tre Alain Prost et s’en­gage à ses cotés en F1. Nom­mé directeur de la FFSA, il mesure les résis­tances dans la France à l’encontre de la For­mule 1. C’est pourquoi il décide de mon­tr­er que la propul­sion élec­trique atteint déjà un niveau per­me­t­tant de pro­duire une com­péti­tion sportive spectaculaire. 

La nais­sance de cette nou­velle dis­ci­pline sportive est le résul­tat de la per­sévérance d’Éric Bar­baroux, à l’issue d’un par­cours qui ne l’amenait pas naturelle­ment vers la course automobile. 

DU CHAR LECLERC À LA FORMULE 1


Une For­mu­la E présen­tée par Éric Bar­baroux (81).

Ingénieur du corps de l’armement, il a fait ses pre­mières armes sur le châs­sis du char Leclerc. Après un pas­sage à la Datar, il suit, au sein du cab­i­net du min­istre des Sports, Guy Drut, l’organisation de la Coupe du monde 1998. 

C’est à cette époque qu’il ren­con­tre Alain Prost et s’engage à ses côtés dans l’aventure de l’écurie de For­mule 1 Prost Grand Prix. Lorsque l’écurie s’arrête au début des années 2000, il abor­de un nou­veau défi : nom­mé directeur de la FFSA (Fédéra­tion française du sport auto­mo­bile), il par­ticipe à un pre­mier sauve­tage du Grand Prix de France de For­mule 1 qu’il organ­ise pen­dant cinq saisons. 

Mal­heureuse­ment, et bien que la France soit l’un des lead­ers mon­di­aux de l’industrie auto­mo­bile, le manque de sou­tien pub­lic et privé autour de cet événe­ment amène la FFSA à arrêter défini­tive­ment son organ­i­sa­tion en 2009. 

Fort de cette expéri­ence, Éric Bar­baroux mesure les résis­tances dans la France mod­erne à l’encontre d’une com­péti­tion comme la For­mule 1. Trois jours de course, accom­pa­g­nés de nui­sances sonores et envi­ron­nemen­tales, ne peu­vent pren­dre place que loin des pop­u­la­tions, ce qui pose des dif­fi­cultés logis­tiques et d’hébergement majeures. L’aspect écologique d’une telle com­péti­tion génère des oppo­si­tions fortes. 

Enfin, les démon­stra­tions osten­ta­toires qui accom­pa­g­nent les cours­es de For­mule 1 ren­dent tout sou­tien pub­lic dif­fi­cile dans la France du début des années 2000. À la même époque, du côté des instances du sport auto­mo­bile qu’Éric côtoie, il mesure com­bi­en la voiture élec­trique souf­fre d’un déficit d’image alors même que les nou­velles tech­nolo­gies lui lais­sent espér­er un réel poten­tiel de développement. 

CONVAINCRE PAR L’EXEMPLE

Fort de ces con­stats, en 2010, il décide de mon­tr­er que la propul­sion élec­trique atteint déjà un niveau de per­for­mance et une matu­rité per­me­t­tant de pro­duire une com­péti­tion sportive spectaculaire. 

Éric Barbaroux (81).Il s’associe à Pierre Gos­selin, expert en mar­ket­ing auto­mo­bile, fonde sa société, For­mulec, et développe, avec le sou­tien de la société d’ingénierie Seg­u­la Tech­nolo­gies, un pre­mier pro­to­type de mono­place qui effectue des démon­stra­tions dans dif­férentes villes à tra­vers le monde. 

Ce pro­to­type démon­tre que la per­for­mance poussée à l’extrême est acces­si­ble à l’électrique, et per­met de pro­duire un spec­ta­cle sportif télévi­suel d’une heure env­i­ron, suff­isant pour attir­er les téléspec­ta­teurs. Il démon­tre aus­si l’intérêt des grandes cap­i­tales pour pro­mou­voir cette compétition. 

La pre­mière pierre posée, il fal­lait encore con­stru­ire l’édifice. En par­al­lèle, la FIA (Fédéra­tion inter­na­tionale auto­mo­bile), dont le prési­dent Jean Todt sou­tient forte­ment le con­cept, lance un appel d’offres afin de trou­ver un pro­mo­teur à ce nou­veau championnat. 

C’est une équipe emmenée par l’homme d’affaires espag­nol Ale­jan­dro Agag qui relève le défi, et crée alors le Cham­pi­onnat FIA For­mu­la E. 

GENÈSE ET ENJEU DU RÈGLEMENT

Les deux par­ties se rap­prochent rapi­de­ment, et le pro­jet For­mulec s’intègre dans cette nou­velle struc­ture où tout reste à con­stru­ire. Éric prend en charge la mise en place des opéra­tions du cham­pi­onnat, avec plusieurs objec­tifs : assur­er des per­for­mances qui garan­tis­sent à For­mu­la E de fig­ur­er au pre­mier plan des com­péti­tions auto­mo­biles, per­me­t­tre à cette for­mule d’évoluer à la vitesse des pro­grès rapi­des des tech­nolo­gies élec­triques, garan­tir une sécu­rité au meilleur niveau dans l’exploitation de la propul­sion élec­trique tout en évi­tant la surenchère tech­nologique et économique tou­jours prob­lé­ma­tique en sport automobile. 

Il a ain­si fal­lu iden­ti­fi­er les meilleurs com­pro­mis entre fais­abil­ité tech­nique, per­for­mance, sécu­rité et spec­ta­cle. Cette recherche de com­pro­mis amène à impos­er un change­ment de voiture à mi-course pour garan­tir la per­for­mance, tout en évi­tant des voitures trop encom­brantes et lourdes. 

Il a aus­si fal­lu tra­vailler le dis­posi­tif de charge des voitures et la logis­tique glob­ale de l’événement jusqu’au cal­en­dri­er des épreuves autour du monde afin de min­imiser les émis­sions glob­ales de CO2 avant de les com­penser pour un cham­pi­onnat écologique­ment neutre. 

Enfin, le règle­ment tech­nique a été dès le début conçu pour évoluer au fil des pre­mières années : en 2014, les voitures sont toutes iden­tiques ; dès 2015, les écuries ont pu per­son­nalis­er l’électronique de pilotage des machines électriques. 

UN CHAMPIONNAT QUI SE DÉMARQUE

Formula-e à Paris 2016
Les cours­es, qui se déroulent au cen­tre des villes, sont acces­si­bles à un pub­lic plus large grâce aux infra­struc­tures de trans­port en commun.

Après deux ans de pré­parat­ifs à marche for­cée, la pre­mière course se déroule à Pékin en sep­tem­bre 2014. Plusieurs autres cap­i­tales du monde entier ont adhéré dès la pre­mière sai­son : Berlin, Moscou, Buenos Aires et Lon­dres. Le défi suiv­ant relevé par Éric a été de faire en sorte que Paris, pio­nnière de l’écomobilité via Autolib, rejoigne le cal­en­dri­er dès 2016. 

Le plateau est con­sti­tué d’équipes provenant de tous les prin­ci­paux pays de l’automobile : Chine, États-Unis, Japon, Alle­magne, Inde, Angleterre et bien sûr France. 

Des acteurs majeurs de l’automobile ont déjà mis un pied dans cette for­mule en détenant ou sou­tenant des équipes comme Renault, impliqué dès la genèse du pro­jet, BMW, VAG via la mar­que Audi, et PSA via la mar­que DS asso­ciée à l’écurie Vir­gin Racing. 

Les cours­es, qui se déroulent au cen­tre des villes, sont acces­si­bles à un pub­lic plus large grâce aux infra­struc­tures de trans­port en com­mun, la journée prend une dimen­sion plus famil­iale : le sif­fle­ment à peine appuyé des voitures per­met à la musique ou à un com­men­taire audi­ble pour le spec­ta­teur d’accompagner la course. 

UNE RÉVOLUTION EN DOUCEUR

DES IDÉES NOVATRICES

Un exemple inédit d’innovation est celle apportée au niveau de l’interactivité : le public a à chaque course la possibilité, via un vote sur une appli smartphone ou Internet, de favoriser les pilotes les plus « populaires » par un surcroît de puissance pendant quelques secondes.

Le Cham­pi­onnat FIA For­mu­la E a main­tenant con­nu ses deux pre­mières saisons et le suc­cès pop­u­laire, tech­nologique et médi­a­tique est au ren­dez-vous. Un des prin­ci­paux tal­ents d’Éric aura été d’avoir su amen­er cette révo­lu­tion en douceur par l’exemple et la persuasion. 

Il a ain­si créé un vecteur sup­plé­men­taire de dif­fu­sion et d’acceptation de nou­velles tech­nolo­gies écologiques. 

Il a enfin par­ticipé à la créa­tion d’une dis­ci­pline où la France est représen­tée à tous les niveaux, man­age­ment, ingénierie, team et pilotes.

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