Epoca : une révolution dans la prise en charge des séniors

Epoca : une révolution dans la prise en charge des séniors

Dossier : Vie des entreprises - HealthtechMagazine N°804 Avril 2025
Par Élise CABANES

Fon­dée en 2019, EPOCA est une entre­prise médi­co-tech­no­lo­gique qui ambi­tionne de trans­for­mer la prise en charge des patients âgés. Grâce à une pla­te­forme com­bi­nant humain et tech­no­lo­gie, elle pro­pose une sur­veillance médi­cale per­ma­nente aux per­sonnes en perte d’autonomie. Ren­contre avec Élise Cabanes, cofon­da­trice d’EPOCA, gériatre et urgentiste.

Que propose EPOCA comme solution ?

EPOCA pro­pose une solu­tion de télé­san­té inno­vante dédiée aux seniors. Elle regroupe divers outils de télé­mé­de­cine dans un dis­po­si­tif unique. Elle per­met d’assurer un sui­vi com­plet de la san­té des per­sonnes âgées, en par­ti­cu­lier celles tou­chées par des patho­lo­gies complexes.

Quel est votre objectif ?

Notre objec­tif est clair : évi­ter les allers-retours fré­quents à l’hôpital ou aux urgences, qui non seule­ment épuisent les patients, mais contri­buent aus­si à une dégra­da­tion de leurs condi­tions de vie au quo­ti­dien. Grâce à un sui­vi indi­vi­dua­li­sé et une sur­veillance per­ma­nente, nous anti­ci­pons les com­pli­ca­tions, rédui­sons les risques et per­met­tons aux patients de res­ter chez eux dans les meilleures conditions.

Qui sont les patients qui sont suivis ? Combien de patients sont pris en charge ?

Notre dis­po­si­tif s’adresse à ceux qui sou­haitent être main­te­nus le plus long­temps pos­sible dans leurs lieux de vie (domi­cile, rési­dence, senior, EHPAD) jusqu’à la fin de leur vie. Actuel­le­ment, la pla­te­forme d’EPOCA a assu­ré le sui­vi de plus de 4 000 patients depuis son lan­ce­ment il y a quatre ans. Ce dis­po­si­tif est sou­te­nu par un nombre équi­valent de pro­fes­sion­nels de san­té qui uti­lisent la pla­te­forme pour coor­don­ner les soins et gérer les besoins des patients. A ce jour, envi­ron 1200 patients sont télé­sur­veillés en conti­nu pour des rai­sons aiguës.

Où êtes-vous présents ?

EPOCA est aujourd’hui pré­sente dans toutes les régions de France, avec une concen­tra­tion notable dans l’Ouest et en Île-de-France et depuis peu à Mar­seille et dans l’Est. L’extension à tout le ter­ri­toire reste une prio­ri­té et est en cours, pour offrir cette solu­tion inno­vante à tous les patients âgés.

Comment fonctionne cette plateforme ?

Notre pla­te­forme com­bine des outils tech­no­lo­giques avan­cés et une équipe humaine dis­po­nible 24h/24, 7j/7.

Les dis­po­si­tifs tech­niques col­lectent des don­nées sur la san­té du patient, iden­ti­fient les ano­ma­lies et déclenchent des alertes. Ces infor­ma­tions sont par­ta­gées avec les soi­gnants pour assu­rer un sui­vi réac­tif et coordonné.

À qui s’adresse votre solution, et comment s’intègre-t-elle dans leur quotidien ?

La pla­te­forme EPOCA est conçue pour tous ceux qui entourent le patient : méde­cins, para­mé­di­caux, familles, aidants ou tiers de confiance. Chaque inter­ve­nant accède aux infor­ma­tions néces­saires selon son rôle et ses droits. Cette tech­no­lo­gie favo­rise une coor­di­na­tion opti­male entre tous les acteurs du soin.

Cette technologie a‑t-elle été pensée pour les patients ?

Beau­coup de per­sonnes âgées ne maî­trisent pas ou n’utilisent pas régu­liè­re­ment le numé­rique. C’est pour­quoi nous avons conçu une solu­tion simple et intui­tive, par­fai­te­ment adap­tée aux besoins des plus fragiles

Quelle est la valeur ajoutée de cette plateforme ?

La pla­te­forme joue un rôle de fil rouge géria­trique en appor­tant une aide pré­cieuse à la déci­sion pour tous les pro­fes­sion­nels qui entourent les patients. Elle per­met aux dif­fé­rents inter­ve­nants, qu’il s’agisse d’ergothérapeutes, de kiné­si­thé­ra­peutes ou encore du méde­cin trai­tant, de col­la­bo­rer faci­le­ment en accé­dant à des infor­ma­tions cen­tra­li­sées et actua­li­sées. Les don­nées concer­nant le patient sont remon­tées en temps réel ou semi-temps réel. Elles pro­viennent de plu­sieurs sources : les pro­fes­sion­nels de san­té, les aidants et les docu­ments du patient inté­grés direc­te­ment dans la plateforme.

Ces infor­ma­tions sont ensuite par­ta­gées avec le cercle de soins, en temps et en heure, pour les per­sonnes les plus concer­nées par la pro­blé­ma­tique du moment. En met­tant à dis­po­si­tion des infor­ma­tions utiles, com­plètes et per­ti­nentes, la pla­te­forme faci­lite la prise de déci­sion. Elle per­met de gagner un temps pré­cieux tout en amé­lio­rant la pré­ci­sion des inter­ven­tions, au béné­fice du patient comme des soignants.

Votre plateforme prive-t-elle l’interaction humaine et le contact téléphonique ?

La pla­te­forme ne rem­place pas le télé­phone, Au contraire, elle réhu­ma­nise les soins : elle déclenche des appels mieux ciblés et plus utiles. Le pro­blème des appels clas­siques réside sou­vent dans leur manque de pré­pa­ra­tion. Les ques­tions posées ou les échanges pen­dant ces conver­sa­tions ne sont pas tou­jours per­ti­nents ou pro­duc­tifs. La cen­tra­li­sa­tion des infor­ma­tions per­met des échanges plus pro­duc­tifs et adap­tés aux besoins des patients.

Quel est le taux de satisfaction ?

EPOCA Intel­li­gence Infor­ma­tion Sys­tem affiche un taux de satis­fac­tion remar­quable, dépas­sant les 90 % et attei­gnant envi­ron 95 %. Ce chiffre est excep­tion­nel dans le domaine de la san­té, où la com­plexi­té des par­cours peut rendre dif­fi­cile une telle adhé­sion. Tout aus­si remar­quable, le taux d’abandon des patients est extrê­me­ment faible, avec seule­ment 4 % de rup­tures sur une année.

Avez-vous des partenaires pour vous accompagner dans cette démarche ?

Abso­lu­ment. Il est essen­tiel de prou­ver que notre dis­po­si­tif est utile et qu’il peut s’intégrer har­mo­nieu­se­ment dans un sys­tème de san­té déjà très com­plexe. Une ques­tion légi­time serait de se deman­der si ajou­ter EPOCA ne risque pas de créer encore plus de com­plexi­té. En réa­li­té, notre dis­po­si­tif est utile et peut s’intégrer har­mo­nieu­se­ment dans le sys­tème de san­té, des échanges sont en cours avec de nom­breuses ins­ti­tu­tions comme l’ARS, l’HAS, la DGCS… Toutes ces par­ties pre­nantes par­ti­cipent à l’évaluation et à la réflexion sur la mise à l’échelle de notre dispositif.

Vous avez réalisé une levée de fonds en 2023. Envisagez-vous d’en faire une autre ?

En 2023, nous avons levé près de 10 mil­lions d’euros. Sans ce sou­tien finan­cier, nous ne pour­rions pas pour­suivre notre mis­sion. Grâce à ces fonds, nous avons pu avan­cer signi­fi­ca­ti­ve­ment, et nous espé­rons que 2025 sera une année de trans­for­ma­tion majeure pour notre modèle. Nous atten­dons notam­ment des éclair­cis­se­ments sur les enjeux de rem­bour­se­ment, qui sont essen­tiels pour rendre la solu­tion acces­sible au plus grand nombre.

Pouvez-vous préciser quels sont ces enjeux de remboursement ?

Nous avons prou­vé que notre dis­po­si­tif est per­for­mant et qu’il génère des éco­no­mies sub­stan­tielles pour le sys­tème de san­té. Ces élé­ments sont essen­tiels pour que la CNAM puisse vali­der le rem­bour­se­ment de notre dis­po­si­tif, ce qui le ren­drait acces­sible à un plus grand nombre de patients.

Combien de personnes travaillent aujourd’hui dans votre entreprise ?

Actuel­le­ment, notre équipe compte un peu moins de 50 per­sonnes. Envi­ron 40 % d’entre elles sont des ingé­nieurs et des experts tech­niques dédiés au déve­lop­pe­ment de notre pla­te­forme. EPOCA, c’est avant tout une équipe sou­dée et plu­ri­dis­ci­pli­naire, où des soi­gnants col­la­borent étroi­te­ment avec des spé­cia­listes des nou­velles tech­no­lo­gies et des équipes sup­port. Ensemble, nous tra­vaillons pour trans­for­mer la prise en charge des patients les plus fragiles.

Est-ce que votre système contribue également, d’une certaine manière, à lutter contre la maltraitance ?

C’est une ques­tion inté­res­sante. Dans une cer­taine mesure, oui, et même de façon assez évi­dente. La mal­trai­tance est un sujet com­plexe dans le domaine de la san­té. Sou­vent, elle sur­vient lorsque des per­sonnes se retrouvent débor­dées, dépas­sées par leurs res­pon­sa­bi­li­tés ou insuf­fi­sam­ment for­mées pour gérer des situa­tions difficiles.

L’intérêt de notre pla­te­forme est d’offrir un sou­tien constant, dis­po­nible 24 heures sur 24. Grâce à cette pré­sence, les auxi­liaires de vie se sentent ras­su­rées. Elles osent signa­ler des pro­blèmes en appuyant sur un bou­ton, sachant qu’elles seront accom­pa­gnées, for­mées et sou­te­nues dans leur rôle auprès des patients. Ce sou­tien les aide à mieux faire face aux situa­tions com­plexes au lit du patient.

Quelles sont les perspectives d’avenir d’EPOCA ?

En tant que méde­cin, mon pre­mier enga­ge­ment a été de m’assurer que cette entre­prise soit béné­fique à la fois pour les patients et pour la Sécu­ri­té sociale. L’essentiel pour moi est de réus­sir à main­te­nir le plus long­temps pos­sible nos aînés à domi­cile et en sécu­ri­té. EPOCA est à la hau­teur des attentes liées au « papy-boom », une période où les besoins de la popu­la­tion âgée aug­men­te­ront consi­dé­ra­ble­ment. Notre ambi­tion est de rendre ce ser­vice acces­sible à tous ceux qui en ont besoin, par­tout où les défis du vieillis­se­ment se posent avec la même urgence.

“Les hos­pi­ta­li­sa­tions sont réduites de 50 à 80 % lorsque l’on com­pare la période pré­cé­dant le début du sui­vi du patient à celle pen­dant le sui­vi.”

Sur un plan plus large, il est fas­ci­nant de voir à quel point cer­taines inno­va­tions ont trans­for­mé nos vies au cours du der­nier siècle. On pense à la lutte contre la séden­ta­ri­té, à l’arrêt du tabac et de l’alcool, à l’éducation autour de la nutri­tion, mais aus­si aux avan­cées scien­ti­fiques majeures que sont les vac­cins et les anti­bio­tiques. Ces révo­lu­tions ont pro­fon­dé­ment amé­lio­ré nos condi­tions de vie.

Cepen­dant, ce qui est frap­pant — et par­fois regret­table — c’est que les inno­va­tions en san­té viennent rare­ment des méde­cins. Trop sou­vent, les soi­gnants sont contraints par des struc­tures ou des ordres qui freinent leur capa­ci­té à inno­ver. Par­fois, ils se limitent eux-mêmes en rai­son de leur for­ma­tion ou de la peur de sor­tir des sen­tiers bat­tus. Pour­tant, nous devons tou­jours cher­cher des solu­tions. L’innovation devrait naître de ceux qui sont au cœur des pro­blé­ma­tiques de soin. C’est ce qui nous anime chez EPOCA : libé­rer l’innovation pour répondre aux besoins des patients de manière concrète, tout en res­pec­tant nos enga­ge­ments éthiques et professionnels. 

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