Embleema

EMBLEEMA Partager ses données de santé pour faire progresser la recherche

Dossier : TrajectoiresMagazine N°749 Novembre 2019
Par Hervé KABLA (84)

Robert Chu (85) est un des cofon­da­teurs d’Embleema, une entre­prise qui, depuis juil­let 2018, offre aux patients le pre­mier dossier de san­té per­son­nel basé sur la blockchain. Cha­cun peut ain­si récupér­er ses don­nées médi­cales, afin de les partager volon­taire­ment avec la recherche clin­ique pour véri­fi­er l’innocuité et l’efficacité des nou­veaux médica­ments et dis­posi­tifs médicaux.

Quelle est l’activité d’Embleema ?

Embleema est une plate­forme d’échange de don­nées de san­té à des fins de recherche clin­ique. Embleema per­met à un patient de chaîn­er toutes ses don­nées de san­té (dossiers médi­caux, don­nées d’objets con­nec­tés, génomes, ressen­ti patient…), de définir son con­sen­te­ment à la partager, et sur la base de ce con­sen­te­ment, de partager ses don­nées pour faire pro­gress­er la recherche clin­ique con­tre rémunération.

Comment t’est venue l’idée ?

Le mod­èle actuel de recherche clin­ique atteint ses lim­ites, il faut débours­er 2,6 mil­liards de dol­lars en essais clin­iques pour génér­er des don­nées et arriv­er à met­tre sur le marché un nou­veau médica­ment aux USA, or nous sommes main­tenant à l’époque de la médecine per­son­nal­isée et des mal­adies rares, où les traite­ments ciblent un faible nom­bre de patients, il suf­fit de faire la divi­sion pour con­stater que le coût par patient devient insup­port­able pour la col­lec­tiv­ité. Il faut donc une plate­forme qui utilise les don­nées de san­té exis­tantes pour faire pro­gress­er la recherche. C’est ce qu’Embleema fait.

Quel est le parcours des fondateurs ?

J’ai quinze ans d’expérience dans le soft­ware et le ser­vice chez IBM aux USA et en France, puis j’ai été un des dirigeants d’IMS Health, le leader mon­di­al des don­nées de san­té. Mes cofon­da­teurs ont aus­si une pro­fonde expéri­ence dans les don­nées clin­iques venant de Withings.

Qui sont les concurrents ?

Nos con­cur­rents sont des sociétés de ser­vices qui col­lectent manuelle­ment des don­nées de san­té dans le cadre d’études clin­iques. Notre prin­ci­pal atout est que nous util­isons des tech­nolo­gies de pointe telles que la blockchain ou le HIVE, qui est un sys­tème de stock­age et de partage de don­nées de san­té mul­ti­di­men­sion­nel haute­ment sécurisé util­isé par la Food and Drug Admin­is­tra­tion (FDA). Notre plate­forme tech­nologique accélère con­sid­érable­ment la col­lecte et la mise à dis­po­si­tion des don­nées au chercheur, per­me­t­tant ain­si de lancer des nou­veaux traite­ments plus rapi­de­ment aux patients.

Quelles ont été les étapes clés depuis la création ?

Nous avons lancé une pre­mière ver­sion de notre sys­tème en juil­let 2018. Puis, nous avons bouclé une pre­mière lev­ée de fonds en jan­vi­er 2019 pour 3,3 mil­lions d’euros. Enfin, nous avons signé des con­trats avec des acteurs de pre­mier plan comme Gus­tave-Roussy, le pre­mier cen­tre de soins et de recherche en can­cer en Europe.

Quel est l’apport principal de la blockchain dans le secteur santé ?

La blockchain per­met un partage d’informations irréfuta­bles et immuables. Nous util­isons la blockchain pour partager le con­sen­te­ment du patient et la traça­bil­ité des échanges de don­nées entre les acteurs du sys­tème de san­té. La blockchain four­nit donc une garantie tech­nologique au patient que sa don­née est util­isée à bon escient. Il existe aus­si d’autres util­i­sa­tions de la blockchain, comme le suivi des médica­ments pour lut­ter con­tre la falsification.

Est-ce que cela peut cohabiter avec le DMP (dossier médical personnalisé) ?

Oui, car les deux solu­tions sont com­plé­men­taires : le DMP est un out­il de partage de doc­u­ments et d’informations de pre­scrip­tions du patient à ses soignants à des fins de meilleurs soins. C’est donc avant tout un out­il de partage de doc­u­ments numérisés pour des util­isa­teurs « humains ». Notre plate­forme ne con­tient que des infor­ma­tions codées et per­met donc des analy­ses et du machine learn­ing, elle est util­isée avant tout pour de la recherche clin­ique et de la médecine personnalisée.

Quelles sont les difficultés dans la collecte et l’analyse des données de santé en France ?

La prin­ci­pale dif­fi­culté réside dans l’absence de stan­dards de cod­i­fi­ca­tion pour les don­nées de san­té dans les cen­tres de soins (par exem­ple, un diag­nos­tic n’est pas codé de la même manière selon les logi­ciels et les hôpi­taux). Il faut donc pass­er beau­coup de temps à « traduire » et uni­fi­er les dif­férentes cod­i­fi­ca­tions avant de pour­voir faire la moin­dre analyse.

Cela amène une autre dif­fi­culté, l’absence de finance­ment à dis­po­si­tion des hôpi­taux pour effectuer ces tra­duc­tions ou uni­fi­ca­tions. Notre mod­èle économique rémunère les hôpi­taux lorsqu’ils parta­gent leurs don­nées pour la recherche, et avec ce finance­ment, nous pou­vons ain­si engager le monde hos­pi­tal­ier dans un cer­cle vertueux de col­lecte et de partage des données.

“Engager le monde hospitalier
dans un cercle vertueux de collecte et de partage
des données

Comment faire pour éviter que les GAFAM ne s’emparent des données de santé ?

La meilleure solu­tion est de redonner au patient le con­trôle sur ses don­nées de san­té, ce que le RGPD per­met de faire, et d’apporter une plate­forme qui remet dans les mains du patient le con­trôle de ses don­nées, et garan­tit que les échanges sont con­formes au con­sen­te­ment du patient, ce qu’Embleema per­met ! Après tout, vos don­nées de san­té sont tout aus­si impor­tantes que votre pat­ri­moine, vous exigez de votre banque que vous puissiez autoris­er ou non chaque trans­ac­tion et ayez la garantie que chaque trans­ac­tion est légitime.

De plus en plus d’X se lancent dans l’e‑santé. Pourquoi ?

La san­té garde un petit temps de retard sur l’application des tech­nolo­gies par rap­port aux autres indus­tries, d’où la présence de peu d’ingénieurs dans le domaine. Mais avec la prise de con­science de l’importance des don­nées de san­té pour délivr­er de meilleurs soins et accélér­er la recherche, le développe­ment de la san­té numérique, il y a un grand besoin de bio-infor­mati­ciens, de data sci­en­tists, de sta­tis­ti­ciens, et les X, par leur capac­ité à com­bin­er plusieurs savoirs sci­en­tifiques, ont la for­ma­tion par­faite pour faire la dif­férence. Et dans notre domaine, faire la dif­férence sig­ni­fie sauver des vies, ce qui donne un enjeu tout par­ti­c­uli­er et très grat­i­fi­ant dans notre tra­vail de tous les jours.

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