Einstein, un siècle contre lui

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°629 Novembre 2007Par : Alexandre Moatti (78)Rédacteur : Philippe GELBLAT (X78)

Nos cama­rades se sou­vi­en­nent cer­taine­ment de ce cours de taupe, où le pro­fesseur de physique, devant des élèves un peu éber­lués, ter­mi­nait son­long cal­cul de la trans­for­ma­tion de Lorentz en intro­duisant, enfin, ce fameux E=mc2, qui est à la rel­a­tiv­ité ce que mγ est à New­ton. Étions-nous con­va­in­cus ? Je ne sais, mais nous étions suff­isam­ment math­é­mati­ciens pour admet­tre la cohérence du raison­nement, et suff­isam­ment physi­ciens pour savoir que la véri­ta­ble val­i­da­tion viendrait unique­ment de l’in­ter­pré­ta­tion des expériences.

Alors quelle stupé­fac­tion de décou­vrir le refus de la rel­a­tiv­ité par de nom­breux savants français de l’époque ! Et par­mi eux de nom­breux poly­tech­ni­ciens, ou pro­fesseurs à l’Ecole. C’est ce con­stat que nous fait partager Alexan­dre Moat­ti. Il nous mon­tre le déclin de la physique française, après les grands maîtres du XIXe siècle,comme Fres­nel (X1804), et com­ment elle perd pied face à la fan­tas­tique péri­ode créa­trice de l’in­tro­duc­tion de la rel­a­tiv­ité, et à peine plus tard, celle de la mécanique quantique.

L’au­teur replace les attaques français­es con­tre la rel­a­tiv­ité dans le con­texte poli­tique de l’époque qui allait men­er à Vichy. Rel­a­tiv­ité, sci­ence alle­mande en France,mais aus­si sci­ence juive en Alle­magne, où les prix Nobel nazis comme Lenard (mais ils ne l’é­taient pas à l’époque du prix) essaieront de met­tre sur la touche les rares bril­lants physi­ciens alle­mands (Von Laue,Heisenberg) favor­ables à la rel­a­tiv­ité, et encore présents en Alle­magne. Ce qui per­me­t­tra d’ailleurs la revanche ironique de la rel­a­tiv­ité, car c’est l’Amérique qui aura la bombe, pas Hitler. On aurait aimé savoir com­ment la rel­a­tiv­ité a été accep­tée dans les autres grands pays européens, en Angleterre, et surtout dans l’I­tal­ie fas­ciste. Mais l’au­teur a cen­tré son tra­vail sur la France et l’Alle­magne. Il est vrai que l’An­gleterre a eu Ruther­ford, et l’I­tal­ie Fer­mi, mais ce dernier était bien isolé, et il devra lui aus­si s’exiler.

Ce rejet de la rel­a­tiv­ité n’a pas totale­ment dis­paru, cent ans après le pre­mier arti­cle d’E­in­stein (1905). On se sou­vient en effet des débats lors de l’an­née mon­di­ale de la Physique. Il existe donc bien encore un courant antirel­a­tiviste, que l’au­teur baptise«alterscience », et que vous décou­vrirez à la lec­ture de ce livre.

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