Effroyables espaces

Effroyables espaces 

Dossier : Le mot du président | Magazine N°807 Septembre 2025
Par Loïc ROCARD (X91)

Je vois ces effroyables espaces de l’Univers qui m’enferment, disait Pascal le chrétien d’un XVIIe siècle où les clercs n’avaient pas fini de renoncer aux cercles harmonieux de l’astronomie d’Aristote. Le silence éternel de ces espaces infinis l’effrayait, mais aurait-il été rassuré par l’aspiration de l’époque actuelle à rapprocher ad libitum l’infini du fini ?

Terrain de poésie et d’imaginaire, inépuisable abîme d’observation, le cosmos est devenu une zone à conquérir. Le capuchon atmosphérique arrimant l’humanité « en ce lieu plutôt qu’un autre » n’empêchera plus de sillonner en rond, toujours au-delà, qu’on se le dise.

De la lecture de ce dossier estival de La Jaune et la Rouge on ressort averti, mais on n’est pas sûr de savoir tout à fait quoi penser de la nouvelle frontière qui dérive. L’aéronautique-et-spatial faisait partie de ces champs technologiques où la France avait atteint une maîtrise globale : de la mise en œuvre d’un pas de tir à la conception des lanceurs, à la fabrication des satellites par des industriels en pointe, sans oublier l’exploitation de constellations de satellites, ni même la transformation de spationautes tricolores en véritables étoiles, aux quatre coins du domaine le drapeau national était planté. Dans ce secteur où les enjeux de sécurité étaient premiers et où régnait un certain esprit de retenue, où les barrières techniques et financières à l’entrée ne manquaient pas non plus, la chasse a pu être gardée un demi-siècle.

“Le cosmos est devenu une zone à conquérir.”

Depuis qu’on a commencé à récupérer des lanceurs intacts après leur mission et à banaliser l’accident comme un fait technique à mettre à profit, que le tourisme spatial a revêtu une forme de réalité au point qu’aller visiter Mars pour de bon n’est plus seulement un scénario de conte pour enfants, que 10 000 satellites nous contemplent et que Starlink pourrait bien en accrocher au-dessus de nos têtes trois fois autant en plus, on comprend que l’économie du spatial n’est plus aussi favorable à la France et à l’Europe.

Les Américains innovent, les Chinois copient, les Européens régulent ; au-delà de la plaisanterie on plaide volontiers que la tendance européenne à produire de la norme pour poser des bornes aux bouleversements économiques n’a pas que des inconvénients, et dans le cas de l’espace on se demande comment s’écriront les règles qui éviteront à notre plafond de devenir un dépotoir en orbite augmenté d’un arsenal militaire de superpuissances.

Mais la rentrée des classes, c’est le moment où la roue de la vie a fait une révolution de plus, où l’ordinaire va reprendre ses droits, de nouvelles cohortes occuper les places que les précédentes ont laissées vacantes et où, dans un intervalle de temps imperceptible, avant que les soucis du quotidien, ses répétitions, ses impedimenta aient repris possession du terrain, en dépit des épouvantables désordres du monde, un je ne sais quoi d’enthousiasme et d’optimisme se fraye une place, comme le simple bonheur de repartir pour un tour. Bienvenue aux promos 2025 qui ont rejoint le plateau de Palaiseau, bonne et studieuse année à tous, bonnes lectures dans La Jaune et la Rouge

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