Ecotaxes et réforme fiscale verte dans les pays de l’OCDE :

Dossier : Environnement et FiscalitéMagazine N°534 Avril 1998
Par Jean-Philippe BARDE

1. Écotaxes et réforme fiscale

1. Écotaxes et réforme fiscale

La plu­part des pays de l’OCDE ont entre­pris d’im­por­tantes réformes fis­cales depuis la fin des années 1980, dans deux direc­tions prin­ci­pales : d’une part, la réduc­tion des taux d’im­po­si­tion des tranch­es supérieures de 1’impôt sur le revenu (qui ont bais­sé en moyenne de dix points entre 1986 et 1995) et une baisse de l’im­pôt sur les sociétés (moins 8,5 points sur la même péri­ode); d’autre part, un élar­gisse­ment de la base d’im­po­si­tion, notam­ment des tax­es indi­rectes (TVA et tax­es sur la con­som­ma­tion). Ces pro­fonds ajuste­ments des sys­tèmes fis­caux four­nissent une excel­lente oppor­tu­nité pour l’in­tro­duc­tion d’une dimen­sion envi­ron­nemen­tale de la fis­cal­ité , démarche que l’on dénomme désor­mais “réforme fis­cale verte” ou “verdisse­ment de la fiscalité “.

Ce verdisse­ment de la fis­cal­ité peut com­porter trois approches com­plé­men­taires : sup­primer les dis­tor­sions fis­cales ; restruc­tur­er les tax­es exis­tantes ; intro­duire de nou­velles écotaxes.

Supprimer les distorsions fiscales

Il existe de nom­breuses dis­po­si­tions fis­cales qui entraî­nent, directe­ment ou indi­recte­ment, des effets néfastes pour l’en­vi­ron­nement. D’abord les sub­ven­tions directes. Par exem­ple, les sub­ven­tions à l’a­gri­cul­ture, estimées à 297 mil­liards de dol­lars en 1996 dans les pays de l’OCDE, soit 1,3 % du PlB (ont ten­dance à baiss­er par rap­port à un niveau de 2,2 % du PlB en 1986- 1988) sont, en par­tie, cause de sur­ex­ploita­tion des sols, usage exces­sif d’en­grais et pes­ti­cides, assèche­ment des sols, etc. [OCDE (1996a)]. De même, l’eau d’ir­ri­ga­tion est sou­vent tar­ifée au-dessous du prix réel, ce qui provoque des gaspillages (aux États-Unis, l’eau d’ir­ri­ga­tion est sub­ven­tion­née à 75 %). Les aides aux agricul­teurs étaient de 45 % de la valeur de la pro­duc­tion (1986–1988), elles sont main­tenant de 36 %.

Dans le domaine de l’én­ergie, les sub­ven­tions au char­bon, com­bustible le plus pol­lu­ant, s’él­e­vaient à 16,5 mil­liards de dol­lars dans 6 pays de l’OCDE (en 1989) pour baiss­er à 7 mil­liards en 1995 . On estime que les aides à l’in­dus­trie représen­tent quelque 2,5 % de la valeur ajoutée dans 22 pays de l’OCDE (soit 66 mil­liards de dol­lars de sub­ven­tions par an, sur la péri­ode 1986- 1989) ; lorsque ces aides prof­i­tent à la trans­for­ma­tion de matières pre­mières et à l’u­til­i­sa­tion d’én­ergie, il peut en résul­ter des effets négat­ifs sur le recy­clage et les déchets.

Une deux­ième caté­gorie de dis­tor­sion con­cerne les dis­po­si­tions fis­cales (mod­u­la­tions ou dégrève­ments fis­caux). Le secteur des trans­ports , source majeure de pol­lu­tions et nui­sances divers­es, com­porte de nom­breuses dis­po­si­tions de ce type. Par exem­ple, la sous-tax­a­tion qua­si sys­té­ma­tique du gazole dans de nom­breux pays a entraîné une aug­men­ta­tion con­stante du parc de véhicules diesel, plus pol­lu­ants et plus bruyants, ain­si qu’un gon­fle­ment du trans­port routi­er de marchan­dis­es. En France, les auto­mo­biles diesel représen­taient 47% du marché en 1994. Dans les pays de l’U­nion européenne, la part du car­bu­rant diesel représente de 30 à 61 % (à l’ex­cep­tion de la Fin­lande où cette part n’est que de 16 %) [Euro­stat (1996)].

Les exem­ples pour­raient être mul­ti­pliés. Il est clair qu’une réforme ” verte ” de la fis­cal­ité passe d’abord par un inven­taire sys­té­ma­tique et une cor­rec­tion de ces dis­po­si­tions fis­cales (sub­ven­tions et tax­es) néfastes pour l’en­vi­ron­nement. Ce toi­let­tage devrait être accom­pli avant même d’in­tro­duire d’éventuelles écotaxes.

Restructurer les taxes existantes

De nom­breuses tax­es, déjà exis­tantes, peu­vent être mod­i­fiées dans un sens favor­able à l’en­vi­ron­nement. En l’oc­cur­rence, il s’ag­it de mod­i­fi­er les prix relat­ifs en tax­ant davan­tage les pro­duits et les activ­ités les plus pol­lu­ants. On peut ain­si envis­ager une refonte des tax­es sur l’én­ergie exis­tantes ou l’in­stau­ra­tion de nou­velles tax­es écologiques. Par exem­ple, dans la plu­part des pays de l’OCDE, les tax­es sur l’essence représen­tent plus de 50 % du prix à la pompe. Il existe donc une impor­tante marge de manœu­vre pour restruc­tur­er ces tax­es de façon à ce qu’elles s’ap­pliquent entre autres à la teneur en car­bone et en soufre, ain­si que l’ont déjà fait les pays nordiques et les Pays-Bas.

L’im­pact envi­ron­nemen­tal de telles mesures sera fonc­tion à la fois du poids fis­cal total pesant sur les car­bu­rants taxés et de l’ex­is­tence de pro­duits de sub­sti­tu­tion. Ain­si, la plu­part des pays de l’OCDE ont instau­ré un dif­féren­tiel de taxe entre l’essence plom­bée et sans plomb. 11 en est résulté une forte réduc­tion de la part de l’essence plom­bée (moins de 25 % du marché en Alle­magne et aux Pays-Bas) et par­fois sa dis­pari­tion du marché (Autriche, Dane­mark, Fin­lande, Suède). Dans 16 pays, on a mod­i­fié les tax­es perçues sur les ventes de voitures ou l’im­pôt annuel sur les auto­mo­biles afin de stim­uler le recours à des véhicules moins pol­lu­ants. Depuis 1994, la Suède applique des tax­es dif­férentes à deux qual­ités d’essence sans plomb, selon leur teneur en soufre, ben­zène et phos­pho­re. On assiste ain­si à une réduc­tion pro­gres­sive de l’essence la plus polluante.

Introduire de nouvelles écotaxes

La pra­tique la plus évi­dente et la plus répan­due est l’in­tro­duc­tion de nou­velles tax­es ayant pour objec­tif pre­mier la pro­tec­tion de l’en­vi­ron­nement. Il peut s’a­gir de tax­es sur les émis­sions (par exem­ple sur les pol­lu­ants atmo­sphériques ou la pol­lu­tion de l’eau) ou de tax­es sur les pro­duits. Ces dernières sont les plus répan­dues. Depuis le début de cette décen­nie, on a vu une mul­ti­pli­ca­tion d’é­co­tax­es sur des pro­duits aus­si divers que les embal­lages, les engrais. les pes­ti­cides, les piles, cer­taines sub­stances chim­iques (solvants), les lubri­fi­ants, les pneu­ma­tiques, les rasoirs et appareils pho­to jetables.

Les écotaxes sont-elles efficaces ?

Si les avan­tages théoriques (en par­ti­c­uli­er effi­cac­ité sta­tique et dynamique) des éco­tax­es sont bien con­nus et solide­ment étab­lis, les don­nées disponibles restent encore rares.

Cepen­dant, cer­tains pays ont com­mencé à éval­uer leurs éco­tax­es. Les résul­tats indiquent une effi­cac­ité envi­ron­nemen­tale cer­taine, même si l’on ne dis­pose pas de don­nées sur l’ef­fi­cience économique de ces tax­es (réduc­tion des coûts). Une étude de l’OCDE a per­mis de rassem­bler un cer­tain nom­bre de don­nées [OCDE (1997a et b)] (2); on cit­era quelques exem­ples ci-après.

La taxe sué­doise sur le soufre (mise en œuvre en 1991) s’est traduite par une baisse de plus de 50 % au-delà des normes légales de la teneur en soufre des com­bustibles à base de pét­role. À présent, la teneur en soufre des hydro­car­bu­res légers est inférieure à 0,076 % (soit moins de la moitié de la lim­ite légale de 0,2 %). Cette taxe a égale­ment favorisé l’adop­tion de mesures de réduc­tion des émis­sions dans les instal­la­tions de combustion.

On estime à env­i­ron 19 000 tonnes par an la baisse des émis­sions de soufre imputable à la taxe. Tou­jours en Suède , la dif­féren­ci­a­tion fis­cale pour le gazole instau­rée en 1991 visait à stim­uler le recours à des gazoles moins pol­lu­ants. Entre 1992 et 1996, la part du gazole le plus pro­pre ven­du en Suède est passée de 1 à 85 %, ce qui a per­mis de réduire de plus des trois quarts en moyenne les émis­sions de soufre des véhicules à moteur diesel [Swedish Envi­ron­men­tal Pro­tec­tion Agency (1997)]

En Norvège, les tax­es sur le CO2 entrées en vigueur en 1991 ont per­mis de réduire les émis­sions de CO2 des instal­la­tions fix­es de com­bus­tion de l’or­dre de 21 % par an ; dans les autres secteurs, la baisse a été bien moin­dre. On estime que les émis­sions de CO2 pro­duites par les dis­posi­tifs de com­bus­tion mobiles des ménages ont dimin­ué de 2 à 3 % du fait de la taxe sur le CO2 [Larsen et Nes­bakken (1996)]. On estime égale­ment que les émis­sions de CO2 par unité de pét­role pro­duite par le secteur norvégien du pét­role ont bais­sé de 1,5 % grâce aux mesures pris­es ’ par l’in­dus­trie en réac­tion à la taxe sur le CO2 [ECON (1994)]

Au Dane­mark, la taxe sur les déchets non dan­gereux a mul­ti­plié par deux le coût de la mise en décharge et aug­men­té de 70 % celui de l’inc­inéra­tion. Entre 1985 et 1993, la part des déchets mis en décharge a bais­sé de 57 à 26 %, tan­dis que le taux de réu­til­i­sa­tion et de recy­clage pro­gres­sait de 21 à 50%. Dans plusieurs villes des États-Unis, les tax­es sur les ordures ménagères ont été à l’o­rig­ine d’une forte diminu­tion du vol­ume des déchets éliminés.

La mise en œuvre des réformes fiscales vertes

Des réformes fiscales neutres en termes de recettes

Les réformes fis­cales vertes sont générale­ment mis­es en œuvre dans un con­texte de neu­tral­ité budgé­taire, c’est-à-dire à pres­sion fis­cale con­stante : les nou­velles éco­tax­es vien­nent com­penser la réduc­tion d’autres tax­es préex­is­tantes. Plusieurs pays ont com­pen­sé l’in­tro­duc­tion de nou­velles éco­tax­es (notam­ment sur le car­bone) par une réduc­tion des charges sociales des employeurs (Bel­gique, Dane­mark, Fin­lande, Pays-Bas, Roy­aume-Uni). Un des objec­tifs de cette approche est l’ob­ten­tion d’un ” dou­ble div­i­dende ” en ter­mes de réduc­tion des émis­sions et de baisse du chô­mage, grâce à la baisse des charges pesant sur le tra­vail. Les résul­tats restent à évaluer.

Cette pres­sion fis­cale con­stante con­stitue une con­di­tion essen­tielle de l’ac­cept­abil­ité des éco­tax­es. L’in­dus­trie, en par­ti­c­uli­er, s’op­pose vigoureuse­ment aux éco­tax­es au motif d’un risque de perte de com­péti­tiv­ité (cf. infra) ; de même, les con­som­ma­teurs peu­vent crain­dre d’éventuelles aug­men­ta­tions de prix pou­vant résul­ter des éco­tax­es : mon­tr­er que d’autres tax­es sont réduites par ailleurs est un élé­ment essen­tiel de l’ac­cept­abil­ité poli­tique des réformes fis­cales vertes.

En Suède, la réforme fis­cale de 1991 a con­sisté en une baisse impor­tante de l’im­pôt sur le revenu, com­pen­sée, notam­ment, par un ensem­ble de nou­velles éco­tax­es, en par­ti­c­uli­er sur le car­bone, le soufre et les oxy­des d’a­zote. IL en est résulté une redis­tri­b­u­tion de 6 % du PlB. Le Dane­mark procède égale­ment à une réforme d’ensem­ble de la fis­cal­ité, sur la péri­ode 1994–1998, avec comme prin­ci­paux objec­tifs : la réduc­tion des taux d’im­po­si­tion mar­gin­aux dans toutes les tranch­es de revenus ; la sup­pres­sion d’une série de lacunes de la lég­is­la­tion fis­cale ; et un trans­fert pro­gres­sif de la charge fis­cale du revenu et du tra­vail vers la pol­lu­tion et les ressources rares de l’en­vi­ron­nement [min­istère danois des Finances (1995)]. Depuis 1996, les autorités ont instau­ré de nou­velles éco­tax­es sur l’u­til­i­sa­tion d’én­ergie par l’in­dus­trie (sur le CO2 et le SO2) qui seront aug­men­tées régulière­ment jusqu’en 1998. Le pro­duit de ces tax­es est entière­ment rever­sé à l’in­dus­trie sous forme d’aides aux investisse­ments dans les économies d’én­ergie et d’al­lége­ments des charges patronales.

Entre 1971 et 1996, le sys­tème néer­landais des tax­es et rede­vances d’en­vi­ron­nement a pro­gres­sive­ment évolué d’un dis­posi­tif essen­tielle­ment de finance­ment des pro­grammes de pro­tec­tion de l’en­vi­ron­nement vers un ensem­ble d’é­co­tax­es non affec­tées. Une” taxe régu­la­trice sur l’én­ergie ” appliquée aux petits con­som­ma­teurs d’én­ergie (ménages, petits com­merces, immeubles de bureaux, etc.) a été intro­duite en 1996 ; en 1998, son pro­duit attein­dra 2,1 mil­liards de florins, ce qui représente une mul­ti­pli­ca­tion par deux des recettes des éco­tax­es (de 1,25% des recettes fis­cales totales en 1996 à 2,5%). Ces recettes sont rever­sées aux ménages sous forme de réduc­tions de l’im­pôt sur le revenu , et aux employeurs sous forme d’une diminu­tion des charges sociales.

L’assiette, le taux et les recettes

En matière fis­cale, une ” bonne ” taxe est celle qui pro­duit un max­i­mum de revenu avec effi­cac­ité, sta­bil­ité et sim­plic­ité. Dans le cas des éco­tax­es, cette con­fig­u­ra­tion peut s’avér­er déli­cate à met­tre en œuvre.

Le taux de la taxe doit être suff­isam­ment élevé pour avoir un effet inci­tatif (3). Cepen­dant, plus l’ef­fet est inci­tatif, plus la pol­lu­tion dimin­uera et par con­séquent plus les recettes seront faibles. Par exem­ple, les tax­es sur les gazoles pol­lu­ants en Suède ont entraîné leur qua­si-dis­pari­tion du marché. Tou­jours en Suède, le pro­duit de la taxe sur le soufre a con­nu une baisse rapi­de du fait du suc­cès écologique de cette taxe : avant la mise en œuvre de la taxe, les recettes annuelles avaient été estimées à 0,5- 0,7 mil­liard de couronnes sué­dois­es. Entre 1991, date de mise en œuvre de la taxe et 1995, les recettes ont dimin­ué de 0,3 à moins de 0,2 mil­liard de couronnes sué­dois­es. De même, l’essence avec plomb a dis­paru dans de nom­breux pays.

Autrement dit , il y a con­tra­dic­tion, au moins à terme compte tenu des rigid­ités et des délais de réac­tion, entre l’ef­fi­cac­ité envi­ron­nemen­tale de la taxe et son effi­cac­ité fis­cale , con­flit poten­tiel entre le min­istère des Finances et celui de l’Environnement.

Deux pierres d’achoppement : les conséquences distributives et la compétitivité

Les éco­tax­es seraient-elles sociale­ment régres­sives ? La ques­tion est de plus en plus posée et devient un point de pas­sage obligé dans le proces­sus de mise en œuvre de ces tax­es. Dans la mesure ou nom­bre d’é­co­tax­es s’ap­pliquent à des pro­duits de grande con­som­ma­tion tels que les piles, les véhicules à moteur, l’én­ergie, l’in­ci­dence peut être par­ti­c­ulière­ment forte sur les ménages à faible revenu. On ne dis­pose que de très rares études sur ces con­séquences dis­trib­u­tives. Les don­nées exis­tantes (Roy­aume-Uni) indiquent une cer­taine régres­siv­ité, mais très faible [Pear­son et Smith (1991), Pear­son (1992)]. Si les éco­tax­es devaient mon­ter en puis­sance, des mesures com­pen­satoires devraient alors être envis­agées [cf. OCDE (1996b)].

Références

• ADAMS,J. (1997), “Envi­ron­men­tal Pol­i­cy and Com­pet­i­tive­ness in a Glob­al Econ­o­my : Con­cep­tu­al Issues and a Review of the Empir­i­cal Evi­dence “, in OCDE (1997) , Glob­al­i­sa­tion and Envi­ron­ment : Pre­lim­i­nary Per­spec­tives, OCDE, Paris.
• BARDE,J‑P. et SMITH, St. (1997) “Envi­ron­nement : les instru­ments économiques sont-ils effi­caces ? ” l’Ob­ser­va­teur de l’OCDE, n° 204, mars.
• ECON (1994), rap­port 326/94, Oslo.
• EUROSTAT (1996) , ” Road Trans­port and the Envi­ron­ment : Ener­gy and Fis­cal Aspects “, Sta­tis­tics in Focus, 1996.2.
• LARSEN, B. M. et NESBAKKEN, R (1997), Nor­we­gian Emis­sions of C02 1987–1994. “A Study of Some Effects of the CO2 Tax”, Envi­ron­men­tal and Resource Eco­nom­ics, vol 9, n° 3, avril.
• MINISTÈRE DANOIS DES FINANCES (1995), Ener­gy tax­es on Indus­try in Den­mark.
• OCDE (1996a), Sub­si­dies and Envi­ron­ment : Explor­ing the Link­ages, OCDE, Paris.
• OCDE (1996b), Straté­gies de mise en œuvre des éco­tax­es, OCDE, Paris.
• OCDE (1997a), Éval­uer les instru­ments économiques des poli­tiques de l’en­vi­ron­nement , OCDE, Paris.
• OCDE (l997b), Éco­tax­es et réforme fis­cale verte, OCDE, Paris.
• PEARSON, M. et SMITH, St (1991), “The Euro­pean Car­bon Tax : an Assess­ment of the Euro­pean Com­mis­sion Pro­po­saI “, Insti­tute for Fis­cal Stud­ies, Londres.
• PEARSON, M. (1992), “Tax­es sur le car­bone et jus­tice sociale “, in Le change­ment cli­ma­tique : con­cevoir un sys­tème pra­tique de tax­es , OCDE, Paris, 1992.
• SWEDlSH ENVIRONMENTAL PRO­TECT­lON AGENCY (1997), Envi­ron­men­tal Tax­es in Swe­den, Report 4745, Stockholm.

Les con­séquences pos­si­bles des éco­tax­es sur la com­péti­tiv­ité inter­na­tionale demeurent la prin­ci­pale pierre d’a­choppe­ment. L’in­dus­trie s’op­pose forte­ment aux éco­tax­es en alléguant des risques de perte de com­péti­tiv­ité inter­na­tionale. Cette oppo­si­tion est d’au­tant plus forte que les tax­es sont plus ” vis­i­bles ” que les autres instru­ments des poli­tiques de l’en­vi­ron­nement : elles sont un paiement direct qui vient s’a­jouter aux coûts des mesures de lutte con­tre la pollution.

Un autre prob­lème, par­fois une men­ace explicite, est la ” délo­cal­i­sa­tion ” des activ­ités dans des pays moins regar­dants en matière de pro­tec­tion de l’en­vi­ron­nement ou autres ” par­adis de pol­lu­tion “. À l’in­star du “dou­ble div­i­dende “, cette ques­tion est l’ob­jet d’âpres débats. Une analyse détail­lée sor­ti­rait du cadre de cette note. On peut faire toute­fois qua­tre remarques.

1. D’abord, toute poli­tique de l’en­vi­ron­nement affecte peu ou prou les coûts par le biais des normes de pol­lu­tion, normes tech­niques, régle­men­tal­ions, etc. Il n’y a pas de rai­son de faire un procès par­ti­c­uli­er aux écotaxes.

2. Sur le plan glob­al, la taxe n’est qu’un trans­fert entre agents économiques : il peut y avoir des gag­nants et des per­dants, mais glob­ale­ment, le trans­fert est neutre.

3. Une taxe économique­ment effi­cace doit réduire, idéale­ment min­imiser, le coût glob­al de lutte con­tre la pol­lu­tion (“effi­cac­ité sta­tique” des tax­es). Par con­séquent, les éco­tax­es doivent pro­cur­er un avan­tage com­péti­tif. au moins à terme, même s’il peut y avoir des coûts d’a­juste­ment à court terme.

4. L’ef­fet des éco­tax­es sur la com­péti­tiv­ité dépend de l’u­til­i­sa­tion des recettes, par exem­ple, une baisse des tax­es sur le tra­vail (dou­ble div­i­dende) ren­forcera la com­péti­tiv­ité des entre­pris­es à forte den­sité de main-d’œu­vre. Cela étant, il n’ex­iste aucune étude ni don­née qui mon­trent un quel­conque effet sig­ni­fi­catif des éco­tax­es sur les échanges intem­ationaux. Un exa­m­en récent des don­nées disponibles [Adams (1997)] con­clut que rien ne per­met de con­clure à un effet des poli­tiques de l’en­vi­ron­nement (et a for­tiori des éco­tax­es) sur les échanges, ou sur les local­i­sa­tion industrielles.

Il n’en faut pas pour autant aban­don­ner toute vig­i­lance. La ques­tion de la com­péti­tiv­ité reste au cen­tre du débat sur les éco­tax­es et les pays les plus avancés dans ce domaine pren­nent leurs pré­cau­tions. Ain­si, la Suède a exemp­té l’in­dus­trie de 75 % de la taxe sur le car­bone (et une exemp­tion totale de la taxe sur l’én­ergie). Au Dane­mark, un rabais de 50 % de la taxe sur le CO2 a été accordé à l’in­dus­trie sur la péri­ode 1993–1995.

D’autres exem­ples pour­raient être cités. On applique donc un principe de pré­cau­tion, surtout dans les pays les plus nova­teurs et les plus avancés en matière de réforme fis­cale verte.

Il est cer­tain que sur le plan inter­na­tion­al, quelque forme d’har­mon­i­sa­tion ou d’ac­tion con­certée facilit­erait la mise en place de réforme fis­cales vertes. Il appar­tient aus­si à l’U­nion européenne et à l’OMC de clar­i­fi­er les règles du jeux (par exem­ple, la Com­mis­sion européenne a présen­té en 1997 une ” Com­mu­ni­ca­tion sur les tax­es et rede­vances envi­ron­nemen­tales dans le marché unique ”).

Conclusion

Les éco­tax­es ont un poten­tiel réel de pro­tec­tion de l’en­vi­ron­nement et d’ef­fi­cac­ité économique. L’ex­péri­ence des pays de l’OCDE l’at­teste. En guise de con­clu­sion, on peut faire trois remarques :

1. Les éco­tax­es, mal­gré toutes leurs ver­tus, ne sont pas une panacée. Les poli­tiques de l’en­vi­ron­nement com­por­tent toute une panoplie d’in­stru­ments (régle­men­ta­tions , normes, accords volon­taires, per­mis négo­cia­bles, etc.). C’est le plus sou­vent dans le con­texte de sys­tèmes ” mixtes” où se com­bi­nent ces dif­férents instru­ments que les éco­tax­es trou­veront leur juste place.

2. Les éco­tax­es ne sont pas uni­verselle­ment applic­a­bles ni même souhaita­bles. Dans cer­tains cas. tels que les pro­duits tox­iques , il vaut mieux inter­dire que tax­er. Dans d’autres cas, la com­plex­ité des phénomènes rend l’é­co­taxe dif­fi­cile­ment applicable.

3. Les éco­tax­es seront d ‘autant plus effi­caces qu’elles s’in­scriront dans le cadre de réformes fis­cales d’ensem­ble pro­pres à accroître l’ef­fi­cac­ité à la fois des sys­tèmes fis­caux, économiques et de la pro­tec­tion de l’environnement.

____________________________________
(1) Les opin­ions exprimées dans cet arti­cle sont pro­pres à leur auteur et ne reflè­tent pas néces­saire­ment celles de l’OCDE.
(2) Voir égale­ment, Barde et Smith (1997).
(3) Compte tenu du fait que l’on se situe dans un univers de “sec­ond best “, en deçà de l’idéal d’une taxe ” pigouvienne “.

Poster un commentaire