Vitrine de l'École polytechnique

Du Technion au Platâl

Dossier : Israël : Les X et la Start-up NationMagazine N°728 Octobre 2017
Par Galina VINOGRADOVA (D2014)
Par Tal MARCIANO (D2013)

En sens inverse, des étu­di­ants du Tech­nion vien­nent à l’É­cole, qui y jouit d’un grand pres­tige, pour pour­suiv­re un doc­tor­at qui per­met d’élargir sa for­ma­tion au-delà des sci­ences dures. C’est la preuve que pour attein­dre l’ex­cel­lence les chemins sont multiples. 

Galina VINOGRADOVA

« Mon par­cours académique en Israël a abouti à un mas­ter sci­en­tifique au Tech­nion, puis une thèse sur la com­plex­ité des choix des voies aéri­ennes – sujet à mi-chemin entre les math­é­ma­tiques et la sci­ence informatique. 

En même temps que la rédac­tion de cette thèse, j’ai débuté une car­rière en tant qu’ingénieur infor­ma­tique et R & D au sein d’une société d’informatique pour l’ingénierie mécanique. 

DE LA TECHNIQUE À L’HUMAIN

Mon activ­ité au sein d’une société d’informatique était ori­en­tée “tech­nique” et, en même temps, grâce à l’aspect inter­na­tion­al de la société, aus­si ori­en­tée “rela­tions” en ouvrant des portes sur les “secrets” des vendeurs de ce pro­duit très par­ti­c­uli­er – des­tiné à l’ingénierie mécanique. 


À l’École poly­tech­nique en France, je décou­vre beau­coup plus d’intérêt aux défis de l’humanité qu’il ne peut y en avoir au Tech­nion. © ÉCOLE POLYTECHNIQUE — J. BARANDE

C’est ain­si qu’à la fin de mon mas­ter sci­en­tifique en Israël, je me suis posé des ques­tions d’une autre nature. Depuis l’enfance, j’ai été témoin des con­flits dans mon voisi­nage proche : les guer­res civiles en Cau­case du Nord, les attaques aéri­ennes du nord d’Israël.

Depuis, je me suis posé des ques­tions sur les sujets d’humanité et de glob­al­i­sa­tion dans un con­texte sans guer­res civiles : notam­ment, les sujets de mélange des cul­tures, de morale et de diver­sité des valeurs. 

JE DÉCOUVRE LA SOCIOPHYSIQUE À L’X

À l’École poly­tech­nique, j’ai rejoint un lab­o­ra­toire au sein du CNRS de Paris, CREA (Cen­tre de recherche en épisté­molo­gie appliquée), qui inclu­ait divers domaines sci­en­tifiques : math­é­ma­tiques, chimie, biolo­gie, philoso­phie, informatique. 

Étant rat­tachée à la fac­ulté des sci­ences humaines de l’École poly­tech­nique, dans ce lab­o­ra­toire riche en poten­tiel, j’ai pu dévelop­per un pro­jet pas­sion­nant qui mélange les méth­odes de math­é­ma­tiques, de physique sta­tis­tique et de l’informatique.

En col­lab­o­ra­tion avec mon directeur de recherche, physi­cien en socio­physique, nous avons pro­posé des méth­odes d’analyse dans la for­ma­tion des alliances d’acteurs logiques, pour con­stru­ire ensuite des analy­ses autour de sujets de con­flits civils. 

L’X M’A OUVERTE AUX DÉFIS DE L’HUMANITÉ

Après avoir inté­gré l’École poly­tech­nique en France, je décou­vre, à ma grande joie, beau­coup plus d’intérêt aux défis de l’humanité qu’il ne peut y en avoir au Tech­nion ou dans une autre uni­ver­sité tech­nologique en Israël. 

“ Une ouverture vers une vision plus large et vers des défis plus globaux ”

Cet intérêt con­stitue une ouver­ture vers une vision plus large et vers des défis plus globaux. 

J’ai décou­vert plus tard que, sur le ter­rain, les domaines non tech­nologiques, rel­e­vant de la stratégie, de la défense, de la socio- ou de la géopoli­tique, évolu­aient d’une façon com­plète­ment détachée des sci­ences dures. 

Ces sci­ences, avec leurs hautes réal­i­sa­tions, pour­raient pour­tant leur apporter des avan­tages sub­stantiels et des points forts, tan­dis que les mass media ne représen­tent qu’un fac­teur de déci­sion faible­ment compétent. 

Je réalise qu’en France les grandes tra­di­tions dans les domaines stratégiques et sociopoli­tiques, ain­si que dans le secteur indus­triel, représen­tent un atout majeur. 

En même temps, il n’est pas exclu que cela con­stitue un frein capa­ble de ralen­tir l’innovation ; alors qu’en Israël, la pro­duc­tion de biens matériels est plus lim­itée, ce qui per­met à l’innovation de s’épanouir. »

Tal MARCIANO

« Durant mon mas­ter à l’Université hébraïque de Jérusalem, j’ai par­ticipé à la créa­tion d’un biosenseur optique pour étudi­er les change­ments mor­phologiques dans des cel­lules vivantes sous l’effet de stim­uli extérieurs. 

J’ai ensuite décidé de pour­suiv­re par un doc­tor­at en France dans un domaine alliant optique et biolo­gie. Très tôt, j’ai souhaité m’orienter vers une car­rière de recherche en industrie. 

Con­scient du désamour français pour le diplôme de doc­tor­at et aus­si de l’importance de la renom­mée d’une école pour l’insertion pro­fes­sion­nelle, j’ai choisi de ne pas renon­cer au doc­tor­at, mais de le soutenir dans une grande école. 

C’est donc à l’École poly­tech­nique que j’ai dévelop­pé un dis­posi­tif d’holographie numérique afin d’étudier les pro­priétés optiques du tis­su cornéen. 

L’ATTRAIT DE L’ÉCOLE POLYTECHNIQUE

Aucune école de par le monde ne jouit du pres­tige et de l’admiration que sus­cite en France l’École poly­tech­nique. La très forte sélec­tion, le nom­bre réduit d’élèves dans chaque pro­mo­tion, la renom­mée de cer­tains anciens, la sym­bol­ique forte, anci­enne et intim­i­dante de la République française s’exprimant par l’uniforme flam­boy­ant de ses élèves, et d’autres car­ac­téris­tiques d’une insti­tu­tion ayant tra­ver­sé les siè­cles, sont autant de raisons qui expliquent l’aura de l’École.

Au Technion
Au Tech­nion, les étu­di­ants sont en moyenne beau­coup plus âgés du fait de leurs trois années de ser­vice militaire.

Les quar­ante et quelques années de car­rière qui suiv­ent le suc­cès au con­cours ne sont que des décli­naisons venant appuy­er le pres­tige d’une école per­me­t­tant de « tout faire ». 

TECHNION — X : DES LOGIQUES DIFFÉRENTES, UNE MÊME EXIGENCE D’EXCELLER

À l’Université hébraïque ou au Tech­nion, les étu­di­ants sont en moyenne beau­coup plus âgés du fait de leurs trois années de ser­vice mil­i­taire. Les futurs ingénieurs choi­sis­sent leur uni­ver­sité en fonc­tion d’abord de la car­rière qu’ils souhait­ent et préféreront étudi­er dans une uni­ver­sité moins pres­tigieuse la matière qui les passionne. 

La sélec­tiv­ité est moins impor­tante qu’à l’École poly­tech­nique, mais l’exigence d’exceller tout aus­si élevée. La plu­part des étu­di­ants tra­vail­lent pour financer des études payantes. 

Les stages sont inex­is­tants, de même que les cours en mar­ket­ing ou en économie pour un ingénieur des­tiné à une car­rière sci­en­tifique. Si les meilleurs ingénieurs français font rarement toute une car­rière dans la sci­ence, en Israël, les mêmes garderont une forte part de tech­nic­ité tout au long de la leur. 

L’EXCELLENCE À L’ÉCHELLE SUBNANOMÉTRIQUE

Après la thèse, j’ai rejoint la société KLA-Ten­cor dont la divi­sion de métrolo­gie optique est basée en Israël. KLA développe des out­ils de con­trôle des procédés pour les lead­ers mon­di­aux de développe­ment de puces électroniques. 

“ J’ai fait mienne la devise de l’École polytechnique : Pour la Patrie, les Sciences et la Gloire ”

Le groupe de sci­en­tifiques que je dirige à KLA développe des mod­èles et des algo­rithmes per­me­t­tant de s’adapter aux fortes con­traintes de pré­ci­sion, de justesse et de fia­bil­ité de nos mesures sub­nanométriques, afin d’aider nos clients à pour­suiv­re la loi de Moore : aujourd’hui, nous atteignons la taille de 7 nanomètres pour les tran­sis­tors gravés sur des tranch­es de silicone. 

La for­ma­tion que j’ai eu la chance de recevoir à la fois au Tech­nion, à l’Université hébraïque et à l’École poly­tech­nique m’a per­mis de men­er la car­rière que je désir­ais, et c’est dans la Sil­i­con Val­ley israéli­enne que j’ai fait mienne la devise de l’École poly­tech­nique : Pour la Patrie, les Sci­ences et la Gloire. »

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