Déchets : de l’économie du rejet à la souveraineté des ressources

Face au million de tonnes de déchets sauvages annuels, la France doit renforcer sa filière de valorisation. Entre stockage sécurisé produisant de l’énergie verte et recyclage local, les solutions existent pour transformer nos déchets en ressources stratégiques.
Des décharges au recyclage : tout faire contre les dépôts sauvages
Les abandons illicites de déchets sont un problème majeur en France, affectant 90 % des collectivités territoriales, selon les données de l’Ademe. Les autorités estiment à 1 million de tonnes le volume annuel de déchets abandonnés sur le territoire français, incluant notamment des gravats, des matières plastiques, des déchets ménagers ainsi que des substances classées dangereuses. Ces abandons de déchets causent une pollution environnementale significative des milieux naturels, défigurent les territoires et présentent des risques pour la santé humaine et les écosystèmes. Cette pratique est d’autant plus regrettable, et paradoxale, au regard des nombreuses solutions de tri et de valorisation des déchets existantes, s’inscrivant dans une démarche locale combinant propreté et économie circulaire.
Il importe de souligner le développement et le maillage du territoire par une gamme de solutions, fruit de l’action publique conjuguée aux avancées technologiques, visant à optimiser le traitement, la valorisation et le recyclage des déchets, tout en assurant la préservation des écosystèmes, la protection sanitaire et le maintien de la qualité de vie territoriale. Si le recyclage des déchets s’impose légitimement comme la solution privilégiée, incarnant l’aboutissement des principes de l’économie circulaire, il s’inscrit néanmoins dans un dispositif plus large : c’est l’ensemble de la filière qui contribue à la pérennité environnementale de nos territoires.
Dans l’économie linéaire : les décharges, une sécurité environnementale
Les centres de stockage de déchets non dangereux (publics et privés) en exploitation en France sont au nombre de 187, avec environ 15 Mt de déchets stockées par an. Ils constituent un maillon essentiel de la chaîne de traitement des déchets, assurant une double fonction environnementale et énergétique. Ces infrastructures, répondant à des normes techniques strictes, garantissent le confinement des substances toxiques et la collecte des lixiviats, captent et valorisent les émissions du biogaz issu de la fermentation des matières organiques évitant ainsi leur rejet dans l’atmosphère. C’est un savoir-faire au cœur de métier des acteurs du secteur, peu coûteux à mettre en œuvre, et ne nécessitant aucune révolution technologique.
“L’énergie produite à partir du biogaz par nos centres de stockage
représente l’équivalentde la consommation énergétique de plus de 600 000 foyers,
illustrant une contribution significative à la transition énergétique.”
Pour un coût en € par tonne de CO2 évité extrêmement faible en comparaison avec d’autres leviers de décarbonation de l’industrie française, et avec un modèle économique viable, fondé sur la valorisation d’énergies vertes, s’inscrit dans la lutte contre le réchauffement climatique avec un impact majeur. Ainsi, rien que l’énergie produite à partir du biogaz par nos centres de stockage représente l’équivalent de la consommation énergétique de plus de 600 000 foyers, illustrant une contribution significative à la transition énergétique. Les opérateurs du secteur, mobilisés dans une démarche d’excellence opérationnelle, développent des solutions innovantes permettant le traitement annuel de 14 millions de tonnes de déchets non dangereux divers.
Le potentiel de production d’énergies vertes des centres de stockage de déchets non dangereux ne s’arrête pas là : les surfaces en post-exploitation, constituées de foncier non constructible, peuvent être équipées de panneaux solaires photovoltaïques. Nous estimons à 1,4 TWh le potentiel de production d’électricité renouvelable sur ces surfaces, soit une augmentation de 6 % de la production d’énergie solaire en France.
Dans l’économie circulaire : des ressourceries aux nouvelles alliances industrielles
Dans le cadre de sa stratégie de développement durable et d’économie circulaire, Veolia s’engage activement auprès des collectivités territoriales dans le développement des ressourceries et la valorisation des déchets. Dans le domaine de la réparation et du réemploi, l’entreprise démontre son expertise à travers des partenariats emblématiques, notamment avec la REcyclerie en région parisienne, qui a permis la réhabilitation de 3 000 appareils électroménagers sur une décennie. À Rennes, une collaboration avec des experts du secteur du bâtiment a permis la réutilisation de 16 tonnes de matériaux en 2024. Il faut aider et soutenir le recyclage des matières, je pense particulièrement aux métaux. L’ampleur de cette activité se traduit par des volumes considérables : l’équivalent de onze tours Eiffel en métaux recyclés. Néanmoins, des enjeux majeurs persistent concernant la souveraineté industrielle nationale en matière de recyclage.
“La France trie bien, mais ne recycle pas ou plus assez :
80 % du cuivre et près de la moitié du bois collecté en France part à l’étranger.
Dans le secteur des métaux, nous devons regagner notre souveraineté.”
La France trie bien, mais ne recycle pas ou plus assez : 80 % du cuivre et près de la moitié du bois collecté en France part à l’étranger, car nous n’avons pas assez de capacités de fonderie ou d’industrie du panneautage pour les traiter. Dans le secteur des métaux nous devons regagner notre souveraineté. Les déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE) et les mâchefers d’incinération contiennent des métaux non ferreux à haute valeur ajoutée (cuivre, argent, or…) encore peu valorisés. Recycler ces « mines urbaines » présente l’intérêt de relocaliser la valeur sur le territoire français et de sécuriser des approvisionnements stratégiques pour les industries de l’hexagone.
L’entreprise développe également des solutions innovantes.
Je pense au plâtre : là aussi le gisement existe, pour que les déchets de plâtre issus de la construction, de la rénovation et de la déconstruction deviennent de nouvelles plaques de plâtre. C’est la vocation de notre installation Valogypse à La Seyne-sur-Mer en partenariat avec Siniat (filiale du groupe Etex).
Je pense aussi au plastique. Tous les Français trient consciencieusement leurs bidons et leurs pots de yaourt, mais le plastique « vierge », directement issu du pétrole, est toujours plus compétitif que le plastique recyclé. Il faut stimuler la demande en plastique recyclé, améliorer l’écoconception en augmentant les seuils obligatoires d’incorporation de plastiques recyclés, et faire la part belle aux polymères simples, pour que le recyclage soit lui aussi plus simple. Nous tissons pour cela des alliances avec des partenaires stratégiques. La dernière en date concerne les bateaux de plaisance, fabriqués en matériaux composites impossibles à recycler. Grâce à une alliance avec Bénéteau, Composite Recycling, Arkema Owens Corning et Chomarat Group, nous allons fabriquer des bateaux neufs avec d’anciennes coques, près de Nantes (Loire-Atlantique). Cette initiative a vocation à s’étendre à d’autres secteurs, comme l’automobile, les transports ou l’éolien.
Cette approche intégrée vise à optimiser la gestion des déchets et à promouvoir une économie circulaire efficiente. Si l’ensemble des opérateurs du secteur sont mobilisés sur le tri et le recyclage, il apparaît nécessaire d’intensifier les efforts et de soutenir cette filière d’excellence pour en garantir la pérennité et le développement. Dans un contexte mondial où la matière première constitue un enjeu de compétitivité croissant et où les coûts d’extraction deviennent progressivement prohibitifs, tant sur le plan économique qu’environnemental, le renforcement et la relocalisation des capacités nationales de transformation s’avèrent impératifs. Mais, si le recyclage s’impose ainsi comme un élément stratégique déterminant, s’inscrivant pleinement dans l’équation de notre souveraineté industrielle future, il n’en demeure pas moins que pour exploiter pleinement ce potentiel, les acteurs du traitement des déchets doivent pouvoir s’inscrire dans un schéma d’économie circulaire viable, qui repose sur des prérequis fondamentaux :
- le soutien au développement de capacités de transformation des déchets en France et/ou en Europe ;
- la mise en place de taux d’incorporation planchers pour les matières recyclées, afin de donner une visibilité aux acteurs du recyclage sur la pérennité d’une demande en matières secondaires ;
- le développement d’écosystèmes industriels permettant d’adapter les outils de production à l’intégration de matières recyclées dans leurs process.
Le champ des progrès demeure considérable : il convient notamment d’encourager l’implantation de nouveaux centres de recyclage pour optimiser la valorisation des plastiques, du bois, du verre, des cartons et des métaux, de multiplier les points d’apports volontaires et d’améliorer l’accessibilité des déchèteries. Ces mesures structurantes visent notamment à faciliter la gestion vertueuse des déchets et à prévenir les comportements délictueux de certains consistant à les abandonner dans l’environnement, compromettant ainsi les efforts collectifs en faveur d’une économie circulaire performante.


