Décarbonation du chauffage et climatisation : il n’y aura pas une seule solution !

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°780 Décembre 2022
Par Christophe de FITTE

Le con­fort ther­mique au tra­vers du chauffage et de la cli­ma­ti­sa­tion représente une part con­sid­érable de l’empreinte car­bone des bâti­ments. La neu­tral­ité car­bone des bâti­ments néces­site donc la décar­bon­a­tion de ces usages indis­pens­ables au quo­ti­di­en. Christophe de Fitte, Prési­dent de BDR THERMEA France, un acteur mon­di­al des équipements dédiés au con­fort ther­mique, nous explique com­ment son groupe appréhende cet enjeu.

Quel est le cœur de métier du groupe BDR THERMEA ?

BDR Ther­mea est un groupe famil­ial qui est né en 2009 du regroupe­ment de trois mar­ques européennes his­toriques : Baxi, De Diet­rich Ther­mique et Reme­ha. De Diet­rich est notre mar­que leader en France. C’est aus­si une des plus anci­ennes mar­ques au monde. On estime qu’elle a plus de 300 ans d’histoire et que la mar­que a été déposée à l’époque de Louis XVI. Le roi avait alors accordé le priv­ilège à l’ingénieur de Diet­rich de pro­téger sa mar­que. Le cla­iron de chas­se qui est le logo de la mar­que remonte, d’ailleurs, à cette époque. Depuis, nous avons con­nu plusieurs tran­si­tions énergé­tiques qui ont démar­ré avec le char­bon et qui se pour­suiv­ent aujourd’hui avec la décarbonation. 

Aujourd’hui, le groupe emploie plus de 6 200 per­son­nes avec un chiffre d’affaires de 2,2 mil­liards d’euros. La France est le marché le plus impor­tant du groupe avec 1 500 per­son­nes. La plus grosse usine du groupe est aus­si local­isée en Alsace et la France est le cen­tre de com­pé­tences de BDR THERMEA pour les pom­pes à chaleur. 

Con­crète­ment, nous con­cevons, fab­riquons et dis­tribuons des équipements pour le con­fort cli­ma­tique dans les loge­ments et le ter­ti­aire (chauffage, cli­ma­ti­sa­tion, eau chaude). La ques­tion de la décar­bon­a­tion est au cœur de notre activ­ité alors qu’on estime que 30 à 40 % des émis­sions de car­bone, notam­ment dans les grandes villes, sont liées à la cli­ma­ti­sa­tion des bâti­ments. Actuelle­ment, au cœur de nos enjeux, on retrou­ve non seule­ment les enjeux liés à la tran­si­tion énergé­tique et à la décar­bon­a­tion, mais égale­ment la ques­tion de la réduc­tion des con­som­ma­tions au regard du coût de l’énergie.

Et justement, comment appréhendez-vous ces problématiques ? 

Notre ambi­tion et notre mis­sion sont de pro­pos­er à nos clients les solu­tions les plus effi­caces pour réduire leurs con­som­ma­tions d’énergie. Toute­fois, la prob­lé­ma­tique est plus com­plexe, car la con­som­ma­tion énergé­tique d’un loge­ment va dépen­dre de la qual­ité du bâti­ment et plus par­ti­c­ulière­ment de son niveau d’isolation. Et ce sont des sujets sur lesquels nous n’avons pas de prise directe. Toute­fois, si on part du pos­tu­lat qu’un bâti­ment est cor­recte­ment isolé, pour cli­ma­tis­er et réchauf­fer un loge­ment ou autre, nous sommes con­va­in­cus qu’il faut priv­ilégi­er les solu­tions inté­grées qui sont de plus en plus sophistiquées.

Aujourd’hui, si vous êtes équipés d’un sys­tème de ven­ti­la­tion capa­ble de faire du traite­ment de l’air et d’en amélior­er la qual­ité, qui inclut égale­ment une pompe à chaleur triple ser­vice qui prend en charge le réchauf­fe­ment, le rafraichisse­ment et l’eau chaude san­i­taire, vous dis­posez alors d’une des solu­tions les plus effi­caces sur le plan énergé­tique afin d’assurer le con­fort cli­ma­tique dans un bâti­ment. En France, c’est aus­si une solu­tion décar­bonée, car l’électricité est issue du nucléaire. Cela ne sera pas for­cé­ment le cas en Alle­magne où l’électricité provient de cen­trales à char­bon. Dans ce cas, l’utilisation d’une pompe à chaleur pro­duit plus de car­bone qu’une chaudière à con­den­sa­tion à haute per­for­mance et à gaz de nou­velle génération.

L’enjeu est donc d’utiliser l’énergie la plus verte ou la moins car­bonée pos­si­ble et de manière plus économe. Et pour ce faire, il y a plusieurs straté­gies pos­si­bles en fonc­tion du mix énergé­tique de chaque pays et de la con­fig­u­ra­tion du bâti. En effet, cela peut être directe­ment lié à la façon dont vous économisez cette énergie, à l’efficience de la solu­tion que vous met­tez en œuvre ou au choix de la technologie.

Face à la com­plex­ité du sujet et à la mul­ti­tude de paramètres qui entrent en compte, nous priv­ilé­gions les solu­tions hybrides qui reposent sur une mix­ité de sources énergé­tiques. Par exem­ple, vous pou­vez avoir une chaudière à gaz, voire une chaudière à fioul, à laque­lle vous ajoutez une pompe à chaleur qui va réalis­er le plus gros de l’effort (et qui coûte d’ailleurs le plus cher) en faisant mon­ter la tem­péra­ture de l’eau à 40° avant de bas­culer sur de l’énergie fos­sile pour les 20° restants afin de pou­voir béné­fici­er du chauffage et de l’eau chaude. Résul­tat : il est ain­si pos­si­ble de décar­bon­er jusqu’à 80 % la solu­tion basée sur l’énergie fos­sile d’origine avec un sys­tème qui, en plus, est flex­i­ble et per­met de pal­li­er des coupures d’approvisionnement de gaz ou d’électricité. Ce sys­tème per­met, par ailleurs, de faire du délestage intel­li­gent et de réduire la pres­sion sur les dif­férentes sources. 

La Hol­lande vient d’officialiser l’hybridation comme étant une solu­tion intéres­sante per­me­t­tant une décar­bon­a­tion plus rapi­de. En France, nous avons plus de mal à nous faire enten­dre. Par exem­ple, pour béné­fici­er d’aides pour installer une pompe à chaleur, il faut oblig­a­toire­ment dépos­er l’autre émet­teur de chauffage en place, même s’il est récent. 

Et dans la décarbonation de votre secteur d’activité, quel rôle peut jouer l’hydrogène ?

Le poten­tiel de l’hydrogène dans la décar­bon­a­tion du bâti­ment est large­ment sous-estimé. L’hydrogène est une énergie pro­pre et bas car­bone quand elle est pro­duite à par­tir de l’électrolyse de l’eau et d’une élec­tric­ité pro­duite à par­tir du nucléaire ou d’une énergie renou­ve­lable dite verte. D’ailleurs, il y a 7 ans env­i­ron, nous avons été le pre­mier acteur à pro­pos­er la pre­mière chaudière 100% hydrogène. Aujourd’hui, nous tra­vail­lons avec la start-up Bulane, qui est un spé­cial­iste de la flamme pro­pre à l’hydrogène.

Ensem­ble, nous réfléchissons à la pos­si­bil­ité d’inclure un élec­trol­y­seur directe­ment dans une chaudière à gaz pour apporter une solu­tion hybride au gaz ver­di avec un min­i­mum de 20 % d’hydrogène pro­duit sur place. En réal­isant l’électrolyse sur la chaudière, il est pos­si­ble de récupér­er les con­den­sats et de les réu­tilis­er pour lancer une nou­velle élec­trol­yse et con­tin­uer à pro­duire du gaz. C’est un cer­cle vertueux qui nous per­met d’avoir une effi­cience énergé­tique de 97 à 98 % au niveau de la généra­tion d’hydrogène. Les tests en lab­o­ra­toire sont extrême­ment promet­teurs et un pre­mier Proof of Con­cept est prévu d’ici la fin d’année.

En cap­i­tal­isant sur nos savoir-faire et com­pé­tences, nous voulons aller au-delà de la lim­ite du mix hydrogène gaz naturel fixée à 20% selon la norme actuelle. Cette norme est imposée par les con­traintes d’acheminement de l’hydrogène dans les réseaux de gaz publics. Toute­fois, nous pen­sons que cette lim­ite n’a pas lieu d’être puisque les risques d’explosion avec l’hydrogène ne sont pas plus élevés qu’avec les autres gaz à con­di­tion qu’il soit bien maîtrisé. 

Pourquoi serait-il donc pertinent de développer le recours à l’hydrogène ?

Une solu­tion util­isant 100 % d’hydrogène est une solu­tion totale­ment décar­bonée. C’est aus­si une solu­tion qui va fonc­tion­ner avec un gaz. En ter­mes de com­pé­tences, une chaudière à hydrogène peut donc être instal­lée et main­tenue par tout instal­la­teur chauffag­iste tra­di­tion­nel moyen­nant une for­ma­tion visant à les sen­si­bilis­er aux dif­férences entre une chaudière au gaz de ville et une chaudière à l’hydrogène. Ce n’est, par exem­ple, pas le cas pour la pompe à chaleur. 

D’ailleurs, son déploiement à grande échelle sur le marché est juste­ment freiné par le manque de com­pé­tences. Au-delà la pompe à chaleur ne peut pas être instal­lée sur tous les types de bâti­ments. Il faut alors con­sid­ér­er d’autres options : le gaz, le chauffage élec­trique qui con­somme beau­coup, ou l’hydrogène qui per­met de décar­bon­er la solu­tion au gaz avec une con­som­ma­tion élec­trique qui va être min­ime par rap­port au tout-élec­trique. On peut aus­si imag­in­er cou­pler cette solu­tion à des pan­neaux pho­to­voltaïques en toi­ture qui assur­eraient une par­tie des besoins en élec­tric­ité ou encore stock­er la chaleur dans des réser­voirs d’eau chaude qu’on peut utilis­er quand il n’y a plus de soleil. 

Plus que jamais, il n’y a pas de solu­tions uniques, mais un mix et une com­bi­nai­son de plusieurs solu­tions inté­grées afin d’apporter la réponse la plus effi­cace et effi­ciente en ter­mes de décar­bon­a­tion et d’économie d’énergie.

Quels sont les enjeux et freins auxquels vous êtes confrontés ? 

Sur le plan tech­nologique, nous avons dévelop­pé notre chaudière 100 % hydrogène de sec­onde généra­tion. Nous allons lancer la phase indus­trielle pour la chaudière à hydrogène qui intè­gre l’électrolyse. Actuelle­ment, le prin­ci­pal sujet tech­nique qui nous mobilise tourne autour du stock­age de l’hydrogène. En par­al­lèle, nous pour­suiv­ons le développe­ment de nos solu­tions pour ten­dre vers des bâti­ments sobres en énergie. Cela néces­site une réflex­ion com­mune avec les acteurs de la domo­tique et du bâti­ment intelligent. 

Prenons un exem­ple : si à la mi-sai­son, je quitte mon domi­cile en lais­sant les fenêtres entre-ouvertes et, qu’à la nuit tombée, je ne les ai pas encore fer­mées, le ther­mo­stat d’ambiance va déclencher le chauffage. De la même manière en été, si je quitte mon loge­ment sans baiss­er le store et que j’ai une grande baie vit­rée en plein soleil, la cli­ma­ti­sa­tion va s’enclencher pour rééquili­br­er la tem­péra­ture. Cela peut paraître anec­do­tique, mais ce sont des prob­lé­ma­tiques quo­ti­di­ennes ancrées dans la réal­ité de l’exploitation d’un bâti­ment. Il est évi­dent qu’une meilleure coor­di­na­tion per­me­t­tra d’atteindre la plus haute effi­cac­ité énergé­tique ain­si qu’un meilleur con­fort pour les particuliers.

Quelles sont vos ambitions et perspectives ? 

Con­tin­uer à innover ! Si la pompe à chaleur est une solu­tion très per­ti­nente, nous sommes toute­fois con­va­in­cus que ce ne sera pas la seule alter­na­tive pour décar­bon­er les usages autour du chauffage, de la cli­ma­ti­sa­tion et de l’eau chaude san­i­taire. Nous nous atten­dons, en effet, à voir d’autres tech­nolo­gies et solu­tions émerg­er et c’est pourquoi BDR THERMEA est ouvert sur son écosys­tème et à l’écoute du marché. 

Groupe famil­ial avec des mar­ques cen­te­naires, BDR THEREMEA veut inscrire son activ­ité et son développe­ment dans le temps long. Cette volon­té est au cœur même de l’ADN et des valeurs du groupe. C’est ce qui m’a poussé en 2021 à inscrire l’entreprise à la Con­ven­tion des Entre­pris­es pour le Cli­mat afin de réfléchir avec 150 autres entre­pris­es au rôle que nous pou­vons jouer pour con­tribuer active­ment à la tran­si­tion énergé­tique en allant au-delà des déc­la­ra­tions RSE. Notre ambi­tion est de pou­voir apporter, dans notre domaine d’activité et d’expertises, des solu­tions con­crètes en ter­mes d’économie cir­cu­laire, de recy­clage, de réem­ploi et d’économie de ressources. 

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