De la musique et de l’esprit d’équipe

De la musique et de l’esprit d’équipe

Dossier : ExpressionsMagazine N°806 Juin 2025
Par Sandra ROMERO-PERPÈRE (X96)

San­dra Rome­ro-Per­père (X96) est pra­ti­cienne du tra­vail de groupe sur les effets et l’utilité de la musique dans la construc­tion d’une dyna­mique de groupe. Elle témoigne de l’effet de la musique comme outil de révé­la­tion des soft skills qui som­meillent en nous !

La musique a eu une place cen­trale dans ma vie dès mon plus jeune âge. J’ai démar­ré le pia­no à six ans, suis entrée au Conser­va­toire à rayon­ne­ment régio­nal de Bou­logne-Billan­court à onze ans et y ai obte­nu les féli­ci­ta­tions en fin de 2e cycle à 17 ans, en même temps que mon bac. Pen­dant toute mon ado­les­cence, la musique a été le socle de moments par­ta­gés avec mon frère, que ce soit dans des pièces clas­siques où nous tra­vail­lions des duos alto-pia­no (il était aus­si au conser­va­toire) ou dans des inter­pré­ta­tions de chan­sons des Beatles, la pas­sion de la famille, où mon frère accom­pa­gnait mes chants avec sa gui­tare. J’ai ain­si vécu des grands moments de joie, y com­pris dans le tra­vail du pia­no clas­sique, trans­por­tée par l’interprétation de ces textes qui m’ont tou­chée droit au cœur dès mon enfance.

Une vie baignée dans la musique

À l’X, j’ai eu la chance non seule­ment de pou­voir par­faire ma maî­trise du pia­no grâce à des cours avec Patrice Holi­ner, mais aus­si de tra­vailler des pièces de musique de chambre avec des cama­rades : c’est ain­si que nous avons consti­tué un duo de pia­nos avec le pia­niste Alexandre Bayen (X95), dans L’Embarquement pour Cythère de Pou­lenc joué à la remise des diplômes des X94 ; puis un trio cla­ri­nette-vio­lon­celle-pia­no avec Julien Puyou (X96, cla­ri­net­tiste) et Yann Picard (X96, vio­lon­cel­liste), inter­pré­tant une sonate de Brahms pour la remise des diplômes des X95. Avec Julien Puyou et Marc Ver­don (X96, haute-contre), nous sommes par­tis nous pro­duire en concert au Vir­gi­nia Mili­ta­ry Ins­ti­tute. Et j’ai pu jouer en for­ma­tion de musique de chambre dans plu­sieurs autres occasions.

Aus­si, j’intégrai la cho­rale de l’X dès sa for­ma­tion. Je conti­nuais ain­si à goû­ter au bon­heur de par­ta­ger ma pas­sion avec d’autres mélo­manes. Pen­dant mes années en tant que sala­riée, je conti­nuais à chan­ter dans la cho­rale, à jouer de la musique de chambre avec des amis dès que l’occasion se pré­sen­tait, ain­si qu’à inter­pré­ter des chan­sons des Beatles à l’occasion des annuelles fêtes de la musique avec le groupe fami­lial créé dans les années 2010. Mais j’ai mis le tra­vail du pia­no clas­sique un peu de côté, très occu­pée alors par mes mis­sions de mana­geure et quelques postes à l’étranger. Forte de mes expé­riences de pra­tique de la musique en groupe, j’ai retrou­vé dans l’entreprise le goût pour les dyna­miques d’équipe.

Sandra Romero-Perpère (X96) au piano et Julien Puyou (X96) à la clarinette en  concert au Virginia Military Institute (USA) en novembre 1998.
San­dra Rome­ro-Per­père (X96) au pia­no et Julien Puyou (X96) à la cla­ri­nette en concert au Vir­gi­nia Mili­ta­ry Ins­ti­tute (USA) en novembre 1998.

Au cœur du réacteur des entreprises : les équipes

Mana­geure dès mon pre­mier poste, j’ai décou­vert la puis­sance de l’intelligence col­lec­tive dans l’entreprise et j’ai pu m’appuyer sur la force des col­lec­tifs pour inno­ver ou trans­for­mer, comme dans les trois expé­riences signi­fi­ca­tives sui­vantes. Chez Orange Val­lée par exemple (enti­té char­gée de l’innovation du groupe Orange), entre 2008 et 2009, nous avons déve­lop­pé avec deux start-up un ordi­na­teur pour les seniors, des­ti­né à accé­lé­rer leur adop­tion d’internet. En binôme avec une autre codi­rec­trice de pro­jet, et nouant des col­la­bo­ra­tions de confiance et sti­mu­lantes avec nos deux start-up par­te­naires, nous avons pu en quelques mois mettre sur le mar­ché ce pro­duit hau­te­ment inno­vant, fruit de l’union de la puis­sance d’un groupe comme Orange avec l’agilité et les tech­no­lo­gies de pointe de ces deux start-up. Savoir faire fonc­tion­ner ces équipes ensemble fut la clé de la réus­site dans la mise sur le mar­ché d’une telle innovation.

Entre 2012 et 2014, j’ai mené aus­si une pro­fonde trans­for­ma­tion per­son­nelle pour faire réus­sir la trans­for­ma­tion de la direc­tion des ventes indi­rectes d’Orange Busi­ness Ser­vices en France, dont j’étais la direc­trice adjointe, m’appuyant sur le codir pour faire évo­luer la culture et le mana­ge­ment de l’entité et tenir ain­si le pari de l’amélioration de la per­for­mance de notre réseau de dis­tri­bu­tion indi­recte. Écoute, empa­thie, com­mu­ni­ca­tion non vio­lente, res­pect de ses besoins, par­tage du sens, auto­no­mie et exem­pla­ri­té mana­gé­riale furent les prin­ci­paux ingré­dients de cette trans­for­ma­tion réussie.

« Écoute, empathie, communication non violente, respect de ses besoins, partage du sens, autonomie et exemplarité managériale furent les principaux ingrédients de cette transformation réussie. »

Chez Ama­zon Web Ser­vices entre 2016 et 2019, j’ai consti­tué une équipe pilote d’ingénieurs de sou­tien fran­co­phones basés à Paris avec les équipes com­mer­ciales et char­gés de faci­li­ter l’onboar­ding et l’adoption du cloud par les clients fran­çais : en quelques mois, nous avons créé les pre­miers pro­ces­sus et outils dans le monde pour faire fonc­tion­ner le sou­tien tech­nique dans une autre langue que l’anglais et trai­ter ain­si les demandes des clients fran­çais en fran­çais, tout en s’inscrivant dans le cadre du Sup­port Pre­mium d’AWS (consti­tué de mil­liers d’ingénieurs répar­tis sur plu­sieurs sites sur le globe) et en res­pec­tant ses stan­dards de qua­li­té. Nous avons fait preuve d’une grande agi­li­té pour réus­sir à faire fonc­tion­ner ce ser­vice, et la cohé­sion de l’équipe a per­mis d’apporter beau­coup de valeur aux clients que nous avons alors aidés.

Ces dix-huit ans d’expériences à la tête d’équipes diverses m’ont ame­née à me for­mer au coa­ching indi­vi­duel, mais sur­tout d’équipe, afin de foca­li­ser mes efforts sur l’accompagnement à l’épanouissement et la per­for­mance collectifs.

Sandra Romero-Perpère (X96)
San­dra Rome­ro-Per­père (X96)

La musique comme outil d’intelligence collective

C’est grâce au coa­ching que j’ai eu une révé­la­tion quant au lien entre ma quête du beau et la musique et que j’ai com­men­cé à pla­cer la musique au cœur du fonc­tion­ne­ment d’un col­lec­tif. J’ai vu alors ma mis­sion de vie comme au ser­vice du beau et la musique en tant que lien uni­ver­sel entre le beau et l’humain. Il m’est appa­ru que le rap­port au son est uni­ver­sel et relève du déve­lop­pe­ment de chaque être humain dès la vie intra-uté­rine : c’est en effet le son qui est le pre­mier lien avec l’extérieur et avec la mère, à tra­vers notam­ment la per­cep­tion des bat­te­ments de son cœur.

“Placer la musique au cœur du fonctionnement d’un collectif.”

C’est ain­si que se connec­ter au son, c’est pour moi reve­nir aux émo­tions pri­maires, à ce rap­port très intui­tif au monde et à l’autre. Et se sen­tir ain­si relié au grand tout. Au-delà de cette convic­tion très per­son­nelle, j’ai aus­si explo­ré en 2019, lors d’un stage de musi­co­thé­ra­pie, le lien entre le son et la san­té men­tale. En 2024, j’ai alors conçu un ate­lier ori­gi­nal, Syner­gi­sons, où je faci­lite l’expression des émo­tions des par­ti­ci­pants grâce aux sons de divers ins­tru­ments faciles à s’approprier, que j’apporte, ain­si qu’en per­met­tant le chant pour ceux qui le souhaitent.

L’atelier se déroule en plu­sieurs temps : une pre­mière phase d’écoute mutuelle, grâce à laquelle les par­ti­ci­pants se découvrent à tra­vers les ins­tru­ments choi­sis, qu’ils peuvent faire tour­ner pour explo­rer plus lar­ge­ment leurs sons ; puis une phase de démar­rage de la syn­chro­ni­sa­tion, où ils créent des connexions entre eux à tra­vers les réso­nances de leurs ins­tru­ments, y com­pris la voix ; puis une phase d’ouverture totale des syner­gies, où je guide le groupe pour faire émer­ger les créa­tions musi­cales qui cor­res­pondent aux par­ti­ci­pants et au groupe. Entre les phases, grâce à une faci­li­ta­tion tirée du Clean Lan­guage, je per­mets aux par­ti­ci­pants d’exposer leurs res­sen­tis, leurs besoins et leurs souhaits.

Lors des ateliers Synergisons, Sandra facilite l’expression des émotions des participants grâce aux sons de divers instruments faciles à s’approprier.
Lors des ate­liers Syner­gi­sons, San­dra faci­lite l’expression des émo­tions des par­ti­ci­pants grâce aux sons de divers ins­tru­ments faciles à s’approprier.


Le Clean Language

La modé­li­sa­tion sys­té­mique avec le Clean Lan­guage (https://cleanlearning.co.uk/ modé­li­sa­tion sys­té­mique) est une approche qui vise à explo­rer et struc­tu­rer la pen­sée d’une per­sonne ou d’un groupe en uti­li­sant un ques­tion­ne­ment pré­cis et neutre. Elle repose sur l’idée que chaque indi­vi­du pos­sède une repré­sen­ta­tion unique du monde et que, en explo­rant cette repré­sen­ta­tion sans y ajou­ter d’interprétation exté­rieure, on peut cla­ri­fier et enri­chir sa com­pré­hen­sion d’un sys­tème don­né. Les ques­tions prin­ci­pales consti­tuant le Clean Lan­guage sont : « c’est comme quoi ? », « ça se situe où ? », « est-ce que ça a une taille ou une forme ? », « y a‑t-il autre chose à pro­pos de xx ? ». Elles per­mettent de faire émer­ger des méta­phores indi­vi­duelles et col­lec­tives. Cette méthode de coa­ching est des­ti­née à être trans­mise de façon que le groupe l’adopte et devienne autonome. 

Les effets se construisent en trois strates. Tout d’abord, poser des ques­tions Clean pro­tège la per­sonne qui les reçoit de votre mépris, de vos pré­ju­gés et fra­gi­li­tés ; cela encou­rage la curio­si­té et le non-juge­ment, et construit ain­si une strate de « sécu­ri­té ». Ensuite, en vous pro­té­geant de croire tout ce que vous pen­sez, cela crée un sen­ti­ment d’appartenance, de rela­tion à l’autre : « vous êtes impor­tant pour moi », « je tiens à vous ». Cela peut per­mettre de pas­ser des sys­tèmes tra­di­tion­nels ver­ti­caux à des sys­tèmes négo­ciés entre les membres, en ouvrant le dia­logue et la com­pré­hen­sion mutuelle. C’est la strate d’appartenance. Enfin, forts de ce socle, le Clean vous per­met de trou­ver de nou­velles capa­ci­tés et réveille votre ouver­ture au chan­ge­ment. Vous pou­vez adop­ter de nou­velles pers­pec­tives et modi­fier vos com­por­te­ments. C’est la strate de « liberté ».

Réfé­rence : From contempt to curio­si­ty, Cait­lin Wal­ker, 2014


Synergisons permet de booster 
la communication 
au sein de l’équipe.
Syner­gi­sons per­met de boos­ter la com­mu­ni­ca­tion au sein de l’équipe.

Synergisons !

Cet ate­lier per­met de boos­ter la com­mu­ni­ca­tion au sein de l’équipe, de créer des liens plus forts, de par­ta­ger ses émo­tions et de vivre un moment de joie ensemble. Les par­ti­ci­pants témoignent qu’ils se sentent véri­ta­ble­ment reliés après cette expé­rience, sur un autre plan que le men­tal, notre cer­veau cog­ni­tif, mais plu­tôt sur le plan de l’intuition et de l’émotionnel. Ils n’ont plus besoin des mots pour se com­prendre, comme en témoigne une par­ti­ci­pante : « Avoir joué tous ensemble, en rythme, en lais­sant à l’œuvre l’écoute, la créa­ti­vi­té, la liber­té et l’expression de cha­cun, nous a reliés plus que si nous avions eu dix réunions ensemble. La musique aide à regar­der les autres autre­ment et à se regar­der autre­ment. Le rythme nous emporte dans la même direction. »

En pré­sen­tant mon tra­vail dès que cela m’est pos­sible, j’ai décou­vert que d’autres pro­fes­sion­nels de l’accompagnement uti­li­saient aus­si la musique pour déve­lop­per la cohé­sion d’équipe et les soft skills. Je suis ain­si entrée en rela­tion avec Clé­mence Delorme (Cres­cen­do Trai­ning) et Alexandre Amiot (MyFa­vo­ri­te­Things). Réso­nance avec mon par­cours : diplô­més de grande école, ayant des par­cours dans de grandes entre­prises, entre­pre­neurs, musi­ciens éga­le­ment, ils pro­posent depuis une dizaine d’années des ate­liers et des coa­chings indi­vi­duels et d’équipe inté­grant la musique. Ils m’ont dit avoir beau­coup appré­cié le for­mat que j’ai créé et m’ont pro­po­sé d’intégrer Syner­gi­sons à leur offre.

Comme dans toute ma vie, la musique a ren­du pos­sibles ces ren­contres. Elle nous invite encore et tou­jours à ouvrir de nou­velles portes de col­la­bo­ra­tion, aux­quelles je n’aurais pas eu accès autre­ment. La musique, plus encore peut-être que les autres arts, résonne pro­fon­dé­ment en cha­cun de nous et nous per­met d’accéder à nos émo­tions, indi­vi­duel­le­ment et collectivement.

Sandra animant un atelier Synergisons.
San­dra ani­mant un ate­lier Synergisons.

Poster un commentaire