David Suissa : De l’École polytechnique à la révolution cosmétique

Visionnaire et entrepreneur, David Suissa (X98) mêle sciences et innovation pour transformer la cosmétique. Avec Byome Labs, sa start-up biotech française, dédiée à l’analyse du microbiome, il révolutionne l’industrie en plaçant la science au cœur des préoccupations des consommateurs.
Pouvez-vous revenir sur les étapes marquantes de votre parcours ?
Mon parcours est marqué par un mélange de rigueur scientifique et de curiosité entrepreneuriale. Après ma sortie de l’X en 2001, j’ai choisi le Corps des Télécoms, devenu le Corps des Mines. À la DGCCRF (Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes), j’ai découvert le droit de la concurrence et j’ai passé beaucoup de temps à Bruxelles. Ces années m’ont appris à combiner analyse technique et stratégie réglementaire.
Cependant, mon envie de créer a pris le dessus. Cela remonte à mes années à Télécom Paris, où un cours sur la création d’entreprise a été un véritable déclic en 2001. Je me suis pris au jeu de construire un business plan, d’imaginer un produit et de le défendre devant des experts et des financiers. Cette expérience a renforcé mon envie de me lancer dans une aventure entrepreneuriale. En 2004, j’ai créé une première entreprise industrielle qui était déjà dans le domaine de la cosmétique parfumerie.
Qu’est-ce qui vous a motivé à quitter l’administration pour créer votre première entreprise ?
J’ai toujours été animé par l’idée de contribuer concrètement à l’économie. En 2004, mon directeur général à la DGCCRF m’a suggéré de profiter d’une loi récente permettant de prendre une disponibilité pour entreprendre. C’était une opportunité en or, surtout dans une période post-bulle Internet où l’entrepreneuriat reprenait de l’élan.
Pourquoi avoir choisi de travailler dans le domaine du parfum et de la cosmétique ?
Mon intérêt pour ce domaine est ancré dans mon histoire personnelle. Enfant, je passais beaucoup de temps dans l’usine de cuir de mes grands-parents. J’étais captivé par les odeurs uniques des tanins et des matières premières. Avec mes parents et mes sœurs, nous passions des heures à sentir et analyser des senteurs dans des bars à parfums des Champs-Élysées. Pour moi, l’odorat, souvent sous-estimé, est le sens le plus instinctif, le plus fort. Il joue un rôle fondamental dans nos souvenirs et nos émotions. J’ai voulu marier cette passion avec mon amour pour la technologie, ce qui a donné naissance à ma première entreprise, spécialisée dans les diffuseurs de parfums interactifs.
Alors comment est née l’idée de Byome Labs ?
Après la revente de cette première entreprise en 2021, j’ai dirigé une biotech, installée à Clermont-Ferrand, où j’ai découvert le potentiel du microbiome. Je me sentais prêt à me relancer dans l’aventure d’une start-up. En décembre 2023, j’ai créé Byome Labs pour appliquer ces connaissances à l’industrie cosmétique et médicale.
Qu’est-ce que le microbiome, et pourquoi est-il si important ?
Le microbiome regroupe l’ensemble des 100 000 milliards de bactéries vivant dans et sur notre corps. Cette constellation de micro-organismes, de champignons et levures, est essentielle pour maintenir notre santé. En cas de déséquilibre, des pathologies comme l’acné, l’eczéma ou des troubles intestinaux peuvent apparaître.
“Notre objectif est de comprendre comment les produits de la cosmétique, de la dermo-cosmétique et de la pharma interagissent avec le microbiome.”
Notre objectif est de comprendre comment les produits de la cosmétique, de la dermo-cosmétique et de la pharma (crèmes, parfums, maquillages, gels douche…) interagissent avec cet écosystème.
Quelles sont vos labellisations ?
Nous sommes labellisés Deeptech, agréés « jeunes entreprises innovantes » et « crédit impôts recherches » par le ministère de la Recherche. Toute notre équipe vient d’un univers médical. Elle est composée de 18 personnes, réparties entre Chartres, au cœur de la Cosmétique Valley, et Clermont-Ferrand, un pôle reconnu pour la biotechnologie.
Pouvez-vous nous parler de l’innovation que vous développez ?
C’est une révolution majeure pour l’industrie de la cosmétique et médicale ! Nous concevons un dispositif capable d’analyser le microbiome des personnes en trois minutes, directement en pharmacie, dans les hôpitaux ou les cabinets ou en point de vente (pour la partie non médicale). L’utilisateur pourra ainsi connaître en temps réel les produits les mieux adaptés à ses problématiques de peau ou de pathologies spécifiques. Cela ressemble un peu au test Covid, mais pour la peau.
Quels sont les bénéfices pour les consommateurs ?
450 milliards de dollars de produits cosmétiques par an sont jetés dans le monde par les consommateurs, car mal adaptés aux besoins. C’est aujourd’hui le budget de fonctionnement annuel de l’État par an ! Notre dispositif, tout en réduisant le gaspillage de ces produits cosmétiques et pharmaceutiques, améliore l’expérience utilisateur en proposant des solutions compatibles avec sa peau.
Quels sont vos objectifs à moyen et long terme ?
Fin 2025, nous lancerons la version non médicale de notre dispositif, suivie d’une version médicale en 2026. À court terme, nous finalisons une levée de fonds de 1,5 million d’euros pour industrialiser notre technologie. Fin 2026, nous ferons une levée supplémentaire de 3 millions. À plus long terme, nous souhaitons élargir nos applications aux marchés asiatiques notamment, où la demande pour des solutions personnalisées est particulièrement forte.
Quelle est votre vision pour l’industrie cosmétique ?
Nous voulons révolutionner cette industrie cosmétique, dermo-cosmétique et médicale en passant d’une logique publicitaire à une approche scientifique. Nous souhaitons mettre dans ces secteurs, de la science, de la précision et de la mesure alors que nous sommes aujourd’hui plutôt dans un choix au hasard ou influencé par de la publicité.
“ Une personne de 60 kilos, c’est quand même deux kilos de bactéries ! ”
Notre ambition est d’offrir aux consommateurs des dispositifs pour mieux connaître leur peau et choisir des produits qui leur conviennent vraiment. C’est un changement de paradigme qui place la science au service de l’individu.
Chiffres clés de Byome Labs
- Produits analysés : 490 à ce jour.
- Chiffre d’affaires réalisé en 2024 : 350 000 €.
- Effectif : 18 experts en microbiologie, immunologie, marketing et data science.
- Année de création : décembre 2023.
- Siège et centre de R&D : Chartres, Cosmétique Valley.
- Laboratoire de tests et analyses du microbiome : Clermont-Ferrand