Byome Labs

David Suissa : De l’École polytechnique à la révolution cosmétique

Dossier : Vie des entreprises - HealthtechMagazine N°804 Avril 2025
Par David SUISSA (X98)

Vision­naire et entre­pre­neur, David Suis­sa (X98) mêle sciences et inno­va­tion pour trans­for­mer la cos­mé­tique. Avec Byome Labs, sa start-up bio­tech fran­çaise, dédiée à l’analyse du micro­biome, il révo­lu­tionne l’industrie en pla­çant la science au cœur des pré­oc­cu­pa­tions des consommateurs.

Pouvez-vous revenir sur les étapes marquantes de votre parcours ?

Mon par­cours est mar­qué par un mélange de rigueur scien­ti­fique et de curio­si­té entre­pre­neu­riale. Après ma sor­tie de l’X en 2001, j’ai choi­si le Corps des Télé­coms, deve­nu le Corps des Mines. À la DGCCRF (Direc­tion Géné­rale de la Concur­rence, de la Consom­ma­tion et de la Répres­sion des Fraudes), j’ai décou­vert le droit de la concur­rence et j’ai pas­sé beau­coup de temps à Bruxelles. Ces années m’ont appris à com­bi­ner ana­lyse tech­nique et stra­té­gie réglementaire.

Cepen­dant, mon envie de créer a pris le des­sus. Cela remonte à mes années à Télé­com Paris, où un cours sur la créa­tion d’entreprise a été un véri­table déclic en 2001. Je me suis pris au jeu de construire un busi­ness plan, d’imaginer un pro­duit et de le défendre devant des experts et des finan­ciers. Cette expé­rience a ren­for­cé mon envie de me lan­cer dans une aven­ture entre­pre­neu­riale. En 2004, j’ai créé une pre­mière entre­prise indus­trielle qui était déjà dans le domaine de la cos­mé­tique parfumerie.

Qu’est-ce qui vous a motivé à quitter l’administration pour créer votre première entreprise ?

J’ai tou­jours été ani­mé par l’idée de contri­buer concrè­te­ment à l’économie. En 2004, mon direc­teur géné­ral à la DGCCRF m’a sug­gé­ré de pro­fi­ter d’une loi récente per­met­tant de prendre une dis­po­ni­bi­li­té pour entre­prendre. C’était une oppor­tu­ni­té en or, sur­tout dans une période post-bulle Inter­net où l’entrepreneuriat repre­nait de l’élan.

Pourquoi avoir choisi de travailler dans le domaine du parfum et de la cosmétique ?

Mon inté­rêt pour ce domaine est ancré dans mon his­toire per­son­nelle. Enfant, je pas­sais beau­coup de temps dans l’usine de cuir de mes grands-parents. J’étais cap­ti­vé par les odeurs uniques des tanins et des matières pre­mières. Avec mes parents et mes sœurs, nous pas­sions des heures à sen­tir et ana­ly­ser des sen­teurs dans des bars à par­fums des Champs-Ély­sées. Pour moi, l’odorat, sou­vent sous-esti­mé, est le sens le plus ins­tinc­tif, le plus fort. Il joue un rôle fon­da­men­tal dans nos sou­ve­nirs et nos émo­tions. J’ai vou­lu marier cette pas­sion avec mon amour pour la tech­no­lo­gie, ce qui a don­né nais­sance à ma pre­mière entre­prise, spé­cia­li­sée dans les dif­fu­seurs de par­fums interactifs.

Alors comment est née l’idée de Byome Labs ?

Après la revente de cette pre­mière entre­prise en 2021, j’ai diri­gé une bio­tech, ins­tal­lée à Cler­mont-Fer­rand, où j’ai décou­vert le poten­tiel du micro­biome. Je me sen­tais prêt à me relan­cer dans l’aventure d’une start-up. En décembre 2023, j’ai créé Byome Labs pour appli­quer ces connais­sances à l’industrie cos­mé­tique et médicale.

Qu’est-ce que le microbiome, et pourquoi est-il si important ?

Le micro­biome regroupe l’ensemble des 100 000 mil­liards de bac­té­ries vivant dans et sur notre corps. Cette constel­la­tion de micro-orga­nismes, de cham­pi­gnons et levures, est essen­tielle pour main­te­nir notre san­té. En cas de dés­équi­libre, des patho­lo­gies comme l’acné, l’eczéma ou des troubles intes­ti­naux peuvent apparaître.

“Notre objectif est de comprendre comment les produits de la cosmétique, de la dermo-cosmétique et de la pharma interagissent avec le microbiome.”

Notre objec­tif est de com­prendre com­ment les pro­duits de la cos­mé­tique, de la der­mo-cos­mé­tique et de la phar­ma (crèmes, par­fums, maquillages, gels douche…) inter­agissent avec cet écosystème.

Quelles sont vos labellisations ? 

Nous sommes label­li­sés Deep­tech, agréés « jeunes entre­prises inno­vantes » et « cré­dit impôts recherches » par le minis­tère de la Recherche. Toute notre équipe vient d’un uni­vers médi­cal. Elle est com­po­sée de 18 per­sonnes, répar­ties entre Chartres, au cœur de la Cos­mé­tique Val­ley, et Cler­mont-Fer­rand, un pôle recon­nu pour la biotechnologie.

Pouvez-vous nous parler de l’innovation que vous développez ?

C’est une révo­lu­tion majeure pour l’industrie de la cos­mé­tique et médi­cale ! Nous conce­vons un dis­po­si­tif capable d’analyser le micro­biome des per­sonnes en trois minutes, direc­te­ment en phar­ma­cie, dans les hôpi­taux ou les cabi­nets ou en point de vente (pour la par­tie non médi­cale). L’utilisateur pour­ra ain­si connaître en temps réel les pro­duits les mieux adap­tés à ses pro­blé­ma­tiques de peau ou de patho­lo­gies spé­ci­fiques. Cela res­semble un peu au test Covid, mais pour la peau.

Quels sont les bénéfices pour les consommateurs ?

450 mil­liards de dol­lars de pro­duits cos­mé­tiques par an sont jetés dans le monde par les consom­ma­teurs, car mal adap­tés aux besoins. C’est aujourd’hui le bud­get de fonc­tion­ne­ment annuel de l’État par an ! Notre dis­po­si­tif, tout en rédui­sant le gas­pillage de ces pro­duits cos­mé­tiques et phar­ma­ceu­tiques, amé­liore l’expérience uti­li­sa­teur en pro­po­sant des solu­tions com­pa­tibles avec sa peau.

Quels sont vos objectifs à moyen et long terme ?

Fin 2025, nous lan­ce­rons la ver­sion non médi­cale de notre dis­po­si­tif, sui­vie d’une ver­sion médi­cale en 2026. À court terme, nous fina­li­sons une levée de fonds de 1,5 mil­lion d’euros pour indus­tria­li­ser notre tech­no­lo­gie. Fin 2026, nous ferons une levée sup­plé­men­taire de 3 mil­lions. À plus long terme, nous sou­hai­tons élar­gir nos appli­ca­tions aux mar­chés asia­tiques notam­ment, où la demande pour des solu­tions per­son­na­li­sées est par­ti­cu­liè­re­ment forte.

Quelle est votre vision pour l’industrie cosmétique ?

Nous vou­lons révo­lu­tion­ner cette indus­trie cos­mé­tique, der­mo-cos­mé­tique et médi­cale en pas­sant d’une logique publi­ci­taire à une approche scien­ti­fique. Nous sou­hai­tons mettre dans ces sec­teurs, de la science, de la pré­ci­sion et de la mesure alors que nous sommes aujourd’hui plu­tôt dans un choix au hasard ou influen­cé par de la publicité.

“ Une personne de 60 kilos, c’est quand même deux kilos de bactéries ! ”

Notre ambi­tion est d’offrir aux consom­ma­teurs des dis­po­si­tifs pour mieux connaître leur peau et choi­sir des pro­duits qui leur conviennent vrai­ment. C’est un chan­ge­ment de para­digme qui place la science au ser­vice de l’individu.


Chiffres clés de Byome Labs

  • Pro­duits ana­ly­sés : 490 à ce jour.
  • Chiffre d’affaires réa­li­sé en 2024 : 350 000 €.
  • Effec­tif : 18 experts en micro­bio­lo­gie, immu­no­lo­gie, mar­ke­ting et data science.
  • Année de créa­tion : décembre 2023.
  • Siège et centre de R&D : Chartres, Cos­mé­tique Valley.
  • Labo­ra­toire de tests et ana­lyses du micro­biome : Clermont-Ferrand

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