David Morgant (86), l’engagement comme ligne de vie

Dossier : TrajectoiresMagazine N°743 Mars 2019
Par Pierre LASZLO

À nar­rer son par­cours et à dire cet homme, les cli­chés se bous­culent : la cin­quan­taine spor­tive ; la pro­bi­té can­dide ; l’obsession du bien public ; celle d’améliorer la condi­tion des dému­nis. C’est ain­si — sa bon­té toute lucide est désar­mante. Comme sa parole, fluide, car constam­ment pré­cise et amicale.

Constance de l’engagement

Lorsque je l’ai ren­con­tré à nou­veau, fin avril 2018, il s’apprêtait à faire béné­fi­cier l’agglomération de Chau­mont, 40 000 habi­tants, d’un prêt de la Banque euro­péenne d’investissement (BEI), pour y mon­ter une usine ultra­mo­derne d’aéronautique. La posi­tion de la BEI est d’intervenir là où le mar­ché est défaillant, en sub­sti­tut des inves­tis­seurs pri­vés. Après avoir débu­té sa car­rière à l’Agence fran­çaise de déve­lop­pe­ment (AFD), David Mor­gant fut, cinq ans durant, direc­teur géné­ral de l’Établissement public d’aménagement du Man­tois Seine-Aval (Epam­sa), une fonc­tion où il côtoya de grands fauves du monde politique.

Être ou ne pas être… politique ?

Lui-même fut ten­té d’entrer en poli­tique, il se por­ta can­di­dat aux élec­tions can­to­nales, puis légis­la­tives en 2017, mais fut lami­né par les pro­fes­sion­nels. Ce chré­tien convain­cu se recon­naît à pré­sent dans le pape Fran­çois. Cet homme aux convic­tions et à l’action de centre gauche se sent repré­sen­té au mieux par Emma­nuel Macron, alors que lui-même ne se vit confier aucun man­dat pour por­ter les idées que le Pape et le Pré­sident illus­trent. Il est peut-être déçu d’avoir raté le coche Macron, auprès du gou­ver­ne­ment duquel il pressent qu’il aurait pu appor­ter une solide expé­rience de terrain.

Son posi­tion­ne­ment poli­tique est en par­tie héri­té : son père, phar­ma­cien dans un bourg de 2 000 habi­tants du Pas-de-Calais, fut maire de sa com­mune et conseiller général.

“C’est en se donnant qu’on reçoit”

De l’X vers les sommets

Après des études faciles au lycée de Saint-Omer, David Mor­gant fut admis à Ginette. Ce fut dur, mais il ne ces­sa de pro­gres­ser dans les clas­se­ments. Col­lé à tous les concours en 32, il les réus­sit tous en 52, la Rue d’Ulm y com­pris. Puis il fit son ser­vice mili­taire, très for­ma­teur, dans l’arme blin­dée cava­le­rie. Dans la fou­lée de sa réus­site au concours d’entrée à l’X, une famille amie lui octroya en val­lée de Cha­mo­nix la révé­la­tion de la haute mon­tagne, par l’ascension de l’Aiguille d’Argentière (3 901 m). Son plus beau sou­ve­nir d’alpinisme est d’avoir grim­pé l’Aiguille verte (4 122 m), via le ver­ti­gi­neux (45–50°) cou­loir de glace Whym­per menant à son sommet.

À l’École, il s’engagea dans l’action sociale de la Kès, dont l’instruction sco­laire de déte­nus ; avec le sou­ve­nir glo­rieux de la révé­la­tion des nombres néga­tifs pour l’un de ses élèves. L’aumônerie, tenue par un père jésuite, lui laisse un autre sou­ve­nir fort. Sa sco­la­ri­té fut bien occu­pée car, à Palai­seau, il pré­pa­ra le concours d’entrée à l’ENA, pré­pa­ra­tion qui com­plé­ta uti­le­ment une for­ma­tion, autant poly-azi­muts que poly-scientifique.

L’engagement, toujours

Ensuite ? Le vaste monde, et l’aide aux déshé­ri­tés. D’abord en Amé­rique latine, par une expé­rience à la base. Elle le chan­gea du dis­cours « vous êtes l’élite de la nation », dont on lui avait rebat­tu les oreilles sur le Pla­teau. « C’est en se don­nant qu’on reçoit » devint sa ligne direc­trice. Puis au Séné­gal, dans le cadre de l’Agence fran­çaise de déve­lop­pe­ment (AFD), le dia­logue des cultures, cher à Léo­pold Sédar Sen­ghor, mais que David Mor­gant ancra dans sa propre vie, per­son­nelle et familiale.

De retour en France, ils éle­vèrent avec sa femme une famille fran­co-séné­ga­laise — et David opta pour la double natio­na­li­té. Sa phi­lo­so­phie de l’éducation ? Agir avec une constante bien­veillance — qu’il pra­tique à l’envi et peut-être à l’excès, se demande-t-il — avec ses deux enfants, 14 et 10 ans en 2018.

Il eut aus­si une ini­tia­tive, qui fit du foin dans les médias : les « Dix jours sans écrans » — de télé­vi­sion, jeux élec­tro­niques et télé­phone. Ce défi — une réus­site — fut orga­ni­sé à l’école Elsa-Trio­let, à Nan­terre, réédi­té encore sous son impul­sion en mai 2018.

Pour se main­te­nir en forme, il fait du sport, nata­tion, vélo et alpi­nisme encore. Il trouve du plai­sir aus­si dans la lec­ture qui forme son écri­ture fluide, concise et précise.

Le per­son­nage his­to­rique qu’il admire le plus est Jau­rès, un tri­bun certes, un grand intel­lec­tuel aus­si, qui néan­moins sut res­ter au plus près de son peuple.

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