David Fattal

David Fattal (98), danser, et faire danser les photons

Dossier : TrajectoiresMagazine N°737 Septembre 2018
Par Pierre LASZLO

Il est fidèle — non seule­ment en ami­tiés, à ses idées tout autant. Dia­ble­ment sym­pa­thique et atta­chant ! Une joie de vivre toute juvé­nile trans­pa­raît dans son par­ler, d’une voix légè­re­ment chan­tante, par­se­mé d’expressions américaines.

La physique comme vocation

Un pre­mier angle d’approche est la voca­tion contra­riée de son père. Il vou­lait être phy­si­cien. Comme il était juif, l’Université amé­ri­caine de Bey­routh lui fut inter­dite. Il se lan­ça dans des études de phar­ma­cie, puis par­tit les pour­suivre à Paris. Il y tom­ba amou­reux de son pro­fes­seur et l’épousa. David Fat­tal réso­lut donc, très jeune, de deve­nir phy­si­cien. Encore lycéen, il s’efforçait de lire la Méca­nique ­quan­tique de Claude Cohen-Tan­noud­ji (1973). Les maths acquises en pré­pa (à Louis-le-Grand) lui per­mirent d’enfin maî­tri­ser cette lecture.

Que l’hologramme soit avec toi !

Un second angle ? Le tout pre­mier film de la série des Star Wars, de George Lucas, sor­tit en 1977. David en retint sur­tout l’appel au secours de la Prin­cesse Leia à Obi-Wan Keno­bi, via un holo­gramme — la pro­jec­tion R2-D2 pour les ini­tiés. Deve­nu phy­si­cien, il mit au point un ingé­nieux dis­po­si­tif de pro­duc­tion d’images en 3D sur un télé­phone por­table. La start-up qu’il fon­da, à Sili­con Val­ley, se dénomme d’ailleurs Leia. David Fat­tal, son PDG fon­da­teur, se don­na l’objectif de ­com­mer­cia­li­ser les pre­mières uni­tés à temps pour Noël 2017. Elles le seront, en fait, un peu plus tard en 2018 seule­ment, par accord avec leur par­te­naire de lan­ce­ment – la socié­té RED de Jim Jan­nard (fon­da­teur de Oak­ley) connue pour ses camé­ras haut de gamme.

Stanford plutôt que les Mines

Que fit-il de 1977 à 2017 ? Qua­trième ou cin­quième dans le clas­se­ment de sa pro­mo­tion, pas­sant outre aux objur­ga­tions d’un ministre le fixant droit dans les yeux, il décli­na l’admission dans le corps des Mines : il vou­lait être phy­si­cien. « J’étais à l’époque épris de méca­nique quan­tique et impa­tient d’aller com­men­cer mes études doc­to­rales. Le dépar­te­ment de phy­sique de Stan­ford en par­ti­cu­lier venait de rece­voir le prix Nobel quatre années de suite (95 Mar­tin L. Perl, 96 Dou­glas Oshe­roff, 97 Ste­ven Chu, 98 Robert B. Laugh­lin) et je ne pou­vais conte­nir mon désir d’aller rejoindre cet envi­ron­ne­ment. » Son pro­jet fut vigou­reu­se­ment sou­te­nu par Jean-Louis Bas­de­vant et Alain Aspect.

“Après l’X, je suis allé à Stanford faire une thèse en physique quantique”

« Après l’X, je suis allé à Stan­ford faire une thèse en phy­sique quan­tique, tra­vaillant sur le sujet bour­geon­nant de l’ordinateur quan­tique. Le milieu était extrê­me­ment sti­mu­lant, on était entou­ré de col­lègues brillants et moti­vés, avec pas mal de com­pé­ti­tion en interne. » Puis il entra comme ingé­nieur chez Hew­lett-Packard, où il tra­vailla, entre autres, sur la phy­sique des pho­tons iso­lés et les inter­con­nec­tions optiques.

Fat­tal est constam­ment en ébul­li­tion céré­brale. Il four­mille d’idées, qu’il a soin de noter. L’une d’elles fut de pro­duire des images en relief par un pro­cé­dé de dif­frac­tion de lumière LED stan­dard, qui s’affranchit des exi­gences rigou­reuses de l’holographie tra­di­tion­nelle mais reste en qua­li­té bien supé­rieure aux tech­niques d’imagerie 3D clas­siques : « Ces sys­tèmes très simples de len­tilles ou de bar­rière de paral­laxe (un écran, un masque noir avec des petits trous dedans) existent depuis plus de cent ans (Auguste Ber­thier, “Images sté­réo­sco­piques de grand for­mat”, revue Cos­mos, en mai 1896). Notre sys­tème de rétroé­clai­rage dif­frac­tif est une alter­na­tive toute nou­velle qui va nous per­mettre de créer des images très proches de vrais holo­grammes sur n’importe quel écran – télé­phones, ordi­na­teurs, TV, voi­tures et même pan­neaux publicitaires ! »

David Fat­tal publia cette inven­tion en mars 2013 dans l’hebdomadaire Nature, qui lui consa­cra sa cou­ver­ture. Cela lui valut encore de rece­voir la même année le prix du MIT pour les inno­va­teurs de moins de 35 ans.

Apothéose de la danse

La phy­sique et sa famille ne sont pas ses seules amours. Fat­tal éprouve aus­si une pas­sion pour la danse. Dans une autre exis­tence, il aurait été dan­seur de bal­let. Il a ren­con­tré sa femme (sino-­amé­ri­caine) par la sal­sa. Il conti­nue à en faire, à un niveau pro­fes­sion­nel, une fois par semaine, à pré­sent que sa start-up lui consume à peu près tout son temps et toute son énergie.

Il pour­rait faire sien le cre­do de Molière dans Le Bour­geois gen­til­homme : « Il n’y a rien qui soit si néces­saire aux hommes que la danse. Sans la danse, un homme ne sau­rait rien faire. Tous les mal­heurs des hommes, les tra­vers funestes dont les his­toires sont rem­plies, les bévues des poli­tiques et les man­que­ments des grands capi­taines, tout cela n’est venu que faute de savoir danser. »

Pour en savoir plus 

Charles San­to­ri, David Fat­tal et Yoshi­hi­sa Yama­mo­to, Single-pho­ton Devices and Appli­ca­tions, Wiley-VCH, 2010.

« The ulti­mate guide to 3D technologies »

« The Daw­ning of Holo­gra­phic Reality »

Article de Nature au for­mat PDF


RETOUCHE

article mis à jour le 18 juin 2020

David Fat­tal (98), fon­da­teur et PDG de la socié­té Leia, a eu l’an der­nier une grande satis­fac­tion pro­fes­sion­nelle. Son dis­po­si­tif de visua­li­sa­tion tri­di­men­sion­nel non holo­gra­phique a été adop­té par un équi­pe­men­tier auto­mo­bile alle­mand Conti­nen­tal, de Baben­hau­sen, dans la Hesse, qui le com­mer­cia­lise sous l’appellation 3D Light­field Ins­tru­ment Clus­ter. Cette per­cée augure d’une géné­ra­li­sa­tion de tels dis­po­si­tifs dans les voi­tures, pré­fi­gu­rant les véhi­cules auto­nomes de demain.

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