perspectives nucléaire civil

Crise énergétique : de nouvelles perspectives pour le nucléaire civil

Dossier : Le nucléaireMagazine N°780 Décembre 2022
Par Bernard SALHA (X81)

En l’espace de quelques mois, le nucléaire a changé d’époque. Il est désor­mais recon­nu comme une par­tie de la solu­tion à la crise énergé­tique que nous con­nais­sons. Quelques ingré­di­ents pour réus­sir ce nou­veau print­emps du nucléaire. Le présent arti­cle n’engage bien sûr que son auteur.

Depuis l’automne 2021, le paysage énergé­tique a changé d’époque. La relance économique qui a suivi le cœur de la crise Covid a con­duit à une aug­men­ta­tion très forte des prix de l’énergie et de l’électricité en par­ti­c­uli­er. La guerre en Ukraine en févri­er 2022 a accéléré cette ten­dance. En août 2022, en pleine péri­ode de calme esti­val, les prix de l’électricité ont dépassé les 1 000 €/MWh, du jamais vu. Rap­pelons qu’ils se situ­aient depuis plus d’une quin­zaine d’années dans une bande de 30 à 80 €/MWh. L’Europe de l’énergie est en crise et cherche des voies de refondation.

Les enjeux de la crise sont simples à énoncer

Il y a tout d’abord la souten­abil­ité des prix, nos amis anglo-sax­ons diraient des prix afford­able. Nous avons besoin de prix accept­a­bles par les clients par­ti­c­uliers comme par les indus­triels. Sans cela, c’est la promesse de mou­ve­ments soci­aux et d’arrêts d’activité économique.

Ensuite la sou­veraineté : la qua­si-fer­me­ture du gazo­duc Nord­ Stream mon­tre le risque à s’appuyer sur des ressources extérieures à l’Union européenne. Dans ce con­texte, nous sommes soumis à des con­sid­éra­tions géopoli­tiques dont l’effet peut être extrême­ment rapi­de et de très forte ampli­tude. Les ressources en gaz sont impor­tantes dans le monde, il n’y a pas dans l’absolu de risque de pénurie. En revanche le temps d’adaptation est long et incom­pat­i­ble avec le fonc­tion­nement de nos économies. Le risque de sou­veraineté est un risque de ges­tion de tran­si­tion et de vitesse d’adaptation.

L’atteinte de la neu­tral­ité car­bone d’ici 2050 enfin, en élim­i­nant en sol­de net (bilan neu­tre des émis­sions et des com­pen­sa­tions) les émis­sions anthro­pogéniques de CO2 dans l’atmosphère. Cet enjeu emporte égale­ment des exi­gences sur la bio­di­ver­sité et témoigne d’une très forte sen­si­bil­ité des opin­ions publiques, exac­er­bée par les événe­ments cli­ma­tiques extrêmes récents (par exem­ple canicule de l’été 2022, inon­da­tion de la Roya et de la Vésubie en France, inon­da­tions en Allemagne).

Le « tsuna­mi » de régu­la­tions européennes en cours de dis­cus­sions et d’élaboration (Fit for 55, REPow­erEU, évo­lu­tions du mar­ket design…) atteste de cette prise de con­science de nos poli­tiques et de leur volon­té d’agir, mais aus­si de la dif­fi­culté à trou­ver des solu­tions rapi­des et partagées.

Le nucléaire devient un outil incontournable du mix électrique

Le nucléaire répond incon­testable­ment aux trois objec­tifs ci-dessus. À ce titre il reçoit des man­i­fes­ta­tions d’intérêt très fortes de nom­breux gou­verne­ments et de com­pag­nies d’électricité. Il est com­plé­men­taire des éner­gies renou­ve­lables qui pos­sè­dent des qual­ités sim­i­laires, mais qui ne fonc­tion­nent pas en base.

Le cas des réacteurs existants

Aujourd’hui, les tranch­es nucléaires français­es, hand­i­capées par la désor­gan­i­sa­tion indus­trielle liée à la crise Covid et touchées par le phénomène de cor­ro­sion sous con­trainte, sont atten­dues pour réus­sir l’équilibre offre-demande de l’hiver 2022. Elles sont un élé­ment incon­tourn­able du paysage élec­trique français et con­sid­érées comme telles, par les pou­voirs publics, par les clients par­ti­c­uliers comme par les indus­triels. Le parc nucléaire français est bien géré. EDF a mis la sûreté nucléaire en pri­or­ité, en déci­dant d’arrêter pour con­trôle et rem­place­ment douze réac­teurs en 2022 face à un phénomène inat­ten­du, sérieux en matière de sûreté et d’ampleur sig­ni­fica­tive. Le retour pro­gres­sif en exploita­tion de ces réac­teurs est atten­du et il mon­tre leur car­ac­tère incon­tourn­able dans notre mix élec­trique. D’autres pays européens comme la Bel­gique et même l’Allemagne ont égale­ment décidé de pour­suiv­re l’exploitation de réac­teurs exis­tants. La Bel­gique va pro­longer pour dix ans deux de ses réac­teurs, alors même qu’en ce début d’année 2022 elle prévoy­ait de les fer­mer. L’Allemagne a aus­si décidé à mi-octo­bre de pro­longer de qua­tre mois trois de ses derniers réac­teurs encore en exploitation. 

Alors même que plusieurs tranch­es français­es vien­nent de pass­er avec suc­cès leur qua­trième vis­ite décen­nale, le Prési­dent de la République a annon­cé, lors de son dis­cours de Belfort de févri­er 2022, l’intérêt de pro­longer au-delà de 50 ans le fonc­tion­nement des réac­teurs « qui peu­vent l’être », sous réserve que les con­di­tions de sûreté soient rem­plies. Aux États Unis, plusieurs réac­teurs ont obtenu la licence pour 60 ans et quelques-uns pour 80 ans. L’intérêt de pour­suiv­re l’exploitation des réac­teurs dans la longue durée en toute sûreté est la meilleure solu­tion économique.

La construction de réacteurs neufs

Du dis­cours de Belfort, avec l’annonce du lance­ment de six EPR2 en France, en pas­sant par la volon­té bri­tan­nique de lancer le pro­jet de Sizewell, dupli­ca­tion du pro­jet d’Hinkley Point en cours de réal­i­sa­tion, aux annonces sué­dois­es de mi-octo­bre, à l’appel d’offres tchèque en cours, de nom­breux pays européens man­i­fes­tent l’intérêt d’inscrire dans le long terme la pro­duc­tion d’électricité par des cen­trales nucléaires, en engageant de nou­veaux pro­grammes. Ces réac­teurs vien­nent tou­jours en com­plé­ment de grands pro­grammes de développe­ment du renou­ve­lable. Du fait de sa flex­i­bil­ité, con­nue depuis longtemps en France, le nucléaire est capa­ble de s’adapter aux évo­lu­tions de charge et de la demande non sat­is­faite par la pro­duc­tion renouvelable.

“Toujours en complément de grands programmes de développement du renouvelable.”

Par ailleurs, les analy­ses des scé­nar­ios énergé­tiques, telles que celles du RTE français d’octobre 2021, mon­trent qu’il y a un béné­fice économique fort à y inclure une part nucléaire sig­ni­fica­tive. Les coûts d’investissement sont ain­si plus bas. En présence d’énergies renou­ve­lables, le temps de fonc­tion­nement des cen­trales est moin­dre ; en revanche il se fait dans des péri­odes où les coûts sont élevés. Côté réduc­tion des émis­sions de car­bone anthropique, le GIEC a aus­si mar­qué son intérêt de façon explicite, tout en indi­quant plusieurs défis à sur­mon­ter. C’est bien ces défis que nous pro­posons d’aborder maintenant.

L’enjeu premier du nucléaire reste la sûreté

Pro­longer la durée de fonc­tion­nement des réac­teurs con­duit à des pro­grammes de réno­va­tion, appelée le grand caré­nage en France, qui con­siste à rem­plac­er les équipements en fin de vie et à aug­menter encore le niveau de sûreté des réac­teurs en tirant prof­it des dernières inno­va­tions tech­nologiques. Après leur 4e vis­ite décen­nale, les réac­teurs de 900 MWe français vont ain­si inté­gr­er un ren­force­ment du soubasse­ment (« le radier ») du bâti­ment réac­teur pour faire face à un acci­dent de fusion du cœur du réac­teur. Tous les réac­teurs intè­grent aus­si les mod­i­fi­ca­tions issues des enseigne­ments de l’accident de Fukushi­ma en mars 2011.

L’enjeu financier est impor­tant dans l’absolu (45 mil­liards pour le grand caré­nage des 56 réac­teurs français, soit moins de 1 M€ par MW), mais sans com­mune mesure avec la con­struc­tion de cen­trales neuves nucléaires ou de renou­ve­lable (l’éolien off­shore coûte entre 2 et
5 M€/MW par exem­ple). Mais l’enjeu est avant tout indus­triel. Il s’agit de dis­pos­er des ressources tech­niques expéri­men­tées per­me­t­tant de réalis­er l’ensemble de ces travaux dans un con­texte où notre pays a vu ses savoir-faire indus­triels se frag­ilis­er dans tous les secteurs, dans un con­texte de forte désin­dus­tri­al­i­sa­tion française. La fil­ière nucléaire française regroupe env­i­ron 200 000 emplois. Elle est aujourd’hui d’ores et déjà en très forte charge. Ren­forcer les for­ma­tions tech­niques, mon­tr­er aux jeunes l’intérêt des métiers indus­triels, s’inscrire dans la durée pour per­me­t­tre aux acteurs indus­triels d’investir dans des out­ils de pro­duc­tion, c’est la pre­mière des priorités.

Les nouvelles centrales donnent la perspective nécessaire pour mobiliser notre industrie

Con­stru­ire six réac­teurs en France mobilis­era plus de 60 000 emplois pen­dant la phase de con­struc­tion et plus de 10 000 pen­dant la phase d’exploitation. La cible pour la prochaine décen­nie pour la fil­ière française est de 300 000 emplois.

Le nucléaire reste une indus­trie de pointe et les cen­trales sont des machines com­plex­es. L’expérience des pro­jets EPR (Fla­manville comme Olk­ilu­o­to), mais aus­si celle des AP1000 aux USA (où la con­struc­tion de deux réac­teurs a été aban­don­née alors que 50 % des travaux avaient été réal­isés), mon­tre que le chemin est dif­fi­cile. L’EPR2 est un mod­èle EPR à la con­cep­tion sim­pli­fiée (par exem­ple une seule enceinte de con­fine­ment et non plus deux), avec des équipements stan­dards, où le nom­bre de références est réduit et pour lequel des pré­fab­ri­ca­tions plus nom­breuses sont pos­si­bles. Il tire ain­si les enseigne­ments des EPR en cours de con­struc­tion (un à Fla­manville, deux à Hink­ley) ou déjà en exploita­tion (deux à Tais­han, un à Olk­ilu­o­to). Sa con­struc­tion va en être facilitée.

La clé de la réussite est l’effet série

Don­ner aux entre­pris­es la pos­si­bil­ité de dupli­quer les méth­odes, les out­ils, les équipements, le per­son­nel sur des pro­jets iden­tiques et sur la longue durée (plus de vingt ans pour les six EPR) est un fac­teur majeur de suc­cès. C’est ce qui a per­mis de réus­sir la con­struc­tion du parc français. Le Con­trat pro­gramme n° 1 engageait plus de 10 réac­teurs 900 MWe. Le suc­cès a été au ren­dez-vous, même si des aléas d’apprentissage ont été ren­con­trés. Autre exem­ple, la cen­trale de Ling Ao en Chine, copie de celle de Daya Bay, a été réal­isée en 56 mois avec six mois d’avance sur le plan­ning. L’effet série est le mod­èle indus­triel à suiv­re. Le choix d’engager en même temps 6 réac­teurs EPR2 en France est structurant.

Il faut dès à présent se donner les moyens de réussir

Aux côtés des éner­gies renou­ve­lables, pour les pays qui en font le choix, le nucléaire pos­sède aujourd’hui le poten­tiel pour être un élé­ment de la solu­tion des grands enjeux énergé­tiques que nous vivons. Le nucléaire est une indus­trie de long terme ; trans­former ce poten­tiel en réus­site requiert de se don­ner une vision d’ensemble et de voir loin. 

Il faut d’abord dress­er le paysage d’ensemble. Les réac­teurs exis­tants et futurs ne sont qu’une par­tie du dossier. Le cycle du com­bustible et le devenir des usines asso­ciées, celles qui enrichissent l’uranium, fab­riquent le com­bustible, comme celles qui le recy­clent doivent être inclus­es dans le scé­nario d’ensemble. Il en est de même de la recherche et de l’innovation et des instal­la­tions d’essais « chaudes », c’est-à-dire qui per­me­t­tent l’examen de matéri­aux irradiés. Il en est encore de même des déchets de faible, moyenne et haute activ­ités. Pour ces derniers, le pro­jet Cigéo est en bonne voie.

Le lien avec la propul­sion navale, en France, doit être main­tenu voire ren­for­cé, pour met­tre à dis­po­si­tion de nos armées le meilleur des tech­nolo­gies civiles disponibles et pour béné­fici­er en retour de leur agilité et de leur dynamisme sur les réac­teurs de petite taille.

Enfin l’horizon de fer­me­ture du cycle, c’est-à-dire la fin de con­som­ma­tion d’uranium naturel, est à définir, dans la deux­ième moitié du siè­cle, en tirant prof­it des AMR qui seraient des suc­cès. La taille de la fil­ière nucléaire française et la nature de ses com­pé­tences dépen­dront de ces choix. La car­togra­phie française du point de pas­sage à attein­dre en 2050, avec les dif­férents jalons inter­mé­di­aires 2030 et 2040, n’existe pas aujourd’hui et reste à tracer…

Le dialogue avec l’Autorité de sûreté nucléaire

Le renou­velle­ment du dia­logue avec l’Autorité de sûreté nucléaire est un autre élé­ment clé du paysage, tant l’aspect sûreté est essen­tiel pour le devenir du nucléaire et sachant que les modal­ités actuelles de fonc­tion­nement ont été mis­es au point pro­gres­sive­ment depuis plus de 40 ans. Clar­i­fi­er les rôles respec­tifs de l’ASN et de l’IRSN (Insti­tut de radio­pro­tec­tion et de sûreté nucléaire), celui des groupes d’experts (groupes per­ma­nents) ! Don­ner de la vis­i­bil­ité sur les évo­lu­tions futures qui seront req­ui­s­es – s’adapter au change­ment cli­ma­tique – sachant que les règles de sûreté des réac­teurs à eau de généra­tion 3, y com­pris­es trans­posées aux réac­teurs exis­tants, sem­blent con­stituer une référence dif­fi­cile à dépass­er (en ter­mes de coûts ver­sus béné­fices). Exam­in­er les con­di­tions de la pour­suite d’exploitation des réac­teurs jusqu’à 60 ans et pour cer­tains au-delà. Pour­suiv­re le dia­logue de type har­mon­i­sa­tion des règles avec les autres régu­la­teurs, tout par­ti­c­ulière­ment européens, comme c’est déjà bien amor­cé dans le EU SMR pre-part­ner­ship. En matière de sûreté, comme sur bien d’autres sujets, nous aurons rai­son ensem­ble. Le nucléaire est aus­si une des rares indus­tries où un acci­dent chez un exploitant et son régu­la­teur a des con­séquences sur tous les autres. Que se passerait-il si un inci­dent avec rejet radioac­t­if sur­ve­nait dans une cen­trale de l’Union européenne ? La logique de base est de ne pas exclure à 100 % un acci­dent, mais d’en lim­iter le plus pos­si­ble la prob­a­bil­ité et les con­séquences, de prévoir et expéri­menter (exer­ci­ces de crise) des mesures de lutte postac­ci­den­telle, et dans tous les cas de can­ton­ner les pro­duits radioac­t­ifs dans les bâti­ments de la centrale.


Les SMR et AMR : un nouveau dynamisme technique, financier et humain 

Les petits réac­teurs mod­u­laires à eau (SMR, Small Mod­u­lar Reac­tors) ou de type avancé, généra­tion IV (AMR, Advanced Mod­u­lar Reac­tors), poussent à son terme la logique indus­trielle de l’effet série et créent un nou­veau dynamisme, un véri­ta­ble nou­veau print­emps du nucléaire.

Le principe des SMR est de réalis­er des petits réac­teurs en série (puis­sance du réac­teur inférieure à 300 MWe et en général de l’ordre de 150 MWe) sur la base de mod­ules con­stru­its en usine. Ils visent ain­si à lim­iter les risques des grands chantiers, inhérents à la con­struc­tion des grandes cen­trales. Cou­plés par ensem­bles de deux ou plusieurs réac­teurs, ils per­me­t­tent d’accéder à une large gamme de marché, de 100 à 900 MWe. Leur petite taille, cohérente avec celle de hub indus­triel, per­met la pro­duc­tion alter­na­tive­ment d’électricité mais aus­si d’hydrogène ou de chaleur.

Les AMR, réac­teurs générale­ment à spec­tre rapi­de, per­me­t­tent la réduc­tion des déchets, une meilleure util­i­sa­tion de l’uranium naturel ou la pro­duc­tion de très haute tem­péra­ture (supérieure à 500° C). Leur tech­nolo­gie à base de calo­por­teur plomb, sodi­um, sels fon­dus ou héli­um est beau­coup plus inno­vante et ne sera disponible qu’après les SMR à eau (post-2030–2035). Ils ont égale­ment l’intérêt d’assurer poten­tielle­ment la souten­abil­ité de la fil­ière, avec la fer­me­ture du cycle et le recy­clage con­tinu du combustible.

Ces dif­férents réac­teurs don­nent lieu à une effer­ves­cence de start-up et à un vrai intérêt de la com­mu­nauté finan­cière. Plusieurs pro­jets très inno­vants font ain­si l’objet de développe­ments financés à hau­teur de plusieurs cen­taines de mil­liers d’euros ou de dol­lars (Ter­raPow­er, X‑energy, New­cleo, par exem­ple). En out­re de toutes petites sociétés de quelques per­son­nes voient égale­ment le jour. Les défis tech­nologiques sont majeurs ; pour autant l’entrepreneuriat est là et cela ne s’était véri­ta­ble­ment jamais pro­duit jusqu’à main­tenant dans la filière.


Et les investisseurs… 

Il faut aus­si attir­er et ras­sur­er les investis­seurs effrayés par des durées de con­struc­tion longues, semées d’embûches, en réduisant les risques indus­triels par effet série comme indiqué plus haut, mais aus­si en prévoy­ant des rémunéra­tions sûres sur le long terme. La tax­onomie européenne toute récente sur le nucléaire donne une bonne direc­tion pour les investis­seurs. Il faut aller plus loin sur le finance­ment des pro­jets. Deux voies sont pos­si­bles : garan­tir une fourchette de revenus sur la durée avec un mécan­isme d’incitation sur le coût de con­struc­tion, ou prévoir une part de finance­ment garan­ti en cours de con­struc­tion par l’État. L’objectif est de réduire le coût du cap­i­tal, struc­turant dans le prix final de l’électricité.

L’impératif européen

En matière indus­trielle, la ques­tion des moyens humains et indus­triels à for­mer et à engager est très impor­tante, comme vu ci-dessus. Aujourd’hui les pays de l’Union européenne dis­posent de moyens indus­triels impor­tants en la matière, plus d’un mil­lion d’emplois selon Nuclear-europe. Même les pays qui n’envisagent pas de con­stru­ire abri­tent des indus­triels puis­sants (con­trôle-com­mande en Alle­magne, mécanique et tuyau­terie en Ital­ie, par exem­ple). Quant aux 12 ou 13 pays like-mind­ed, ceux qui veu­lent exploiter ou con­stru­ire, faisons-en des alliés indus­triels et pas seule­ment des acheteurs de la tech­nolo­gie française.

“Mutualiser les efforts et créer une solidarité de fait.”

L’enjeu essen­tiel européen est l’accélération du redé­mar­rage de la con­struc­tion neuve au-delà des pays qui n’ont jamais cessé d’exploiter et de con­stru­ire (France, UK, Fin­lande, Tchéquie, Slo­vaquie, Hon­grie…). Nous ne pour­rons pas non plus dévelop­per des réac­teurs nou­veaux inno­vants (les AMR) et créer de nou­velles fil­ières de façon isolée dans chaque pays. Les pays européens n’en ont pas les moyens. Il nous faut créer des alliances européennes sur ces nou­veaux pro­jets. Il nous faut aus­si davan­tage associ­er ce paysage indus­triel européen dans nos pro­jets français. Cela per­me­t­tra de mutu­alis­er les efforts et de créer une sol­i­dar­ité de fait. Nous ne réus­sirons pas seuls.

Créer la confiance dans la durée

Nous avons enfin besoin de sta­bil­ité dans la feuille de route définie. Sa déf­i­ni­tion est un choix majeur de poli­tique énergé­tique et relève à ce titre du poli­tique. Pour autant, une fois définie, il faut inscrire cette poli­tique dans la durée et la sta­bil­ité (péri­ode vingt à trente ans) et la met­tre à l’abri de débats politi­ciens de court terme. Peut-être nos gou­verne­ments peu­vent-ils imag­in­er des dis­posi­tifs juridiques le per­me­t­tant, ce serait souhaitable. La loi Bataille de 1991 sur les déchets nucléaires, avec les trois axes qu’elle définis­sait, est un bon exem­ple méthodologique de la con­struc­tion d’une telle logique. Car c’est bien la con­fi­ance qu’il faut con­tinû­ment bâtir, et elle se bâtit dans la durée : seule la con­fi­ance de notre régu­la­teur sûreté, de notre indus­trie pour inve­stir, celle de nos financiers, et surtout de nos jeunes pour se for­mer à nos métiers et venir y tra­vailler nous per­me­t­tront de réussir.

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