évolution du nombre de fintechs françaises

« Construire un écosystème de champions européens »

Dossier : Vie des entreprises | Magazine N°808 Octobre 2025
Par Alain CLOT

Créée en 2015, France FinTech est devenue en quelques années l’association de référence du secteur des technologies financières en France. À la tête de cette structure, Alain Clot, son président cofondateur, revient sur la mission de l’organisation, l’état de l’écosystème fintech français, ses perspectives, ses défis, et les tendances de fond qui animent ce secteur stratégique.

Pouvez-vous nous rappeler ce qu’est France FinTech et quel est son rôle ?

France FinTech est l’association de référence de la fintech en France. Fondée en 2015 à l’initiative des entrepreneurs eux-mêmes, elle est aujourd’hui la première association sectorielle numérique du pays. Elle regroupe environ 350 start-up et près de 80 partenaires, principalement de grands groupes et institutions.

Nous nous sommes fixé trois grandes missions.

La première consiste à faire connaître la fintech française, en France et à l’international. Cela passe notamment par une forte prise de parole publique. J’interviens en moyenne une fois par semaine pour porter la voix de l’écosystème.

La deuxième mission est de représenter l’ensemble du secteur auprès des parties prenantes : les ministères comme Bercy, les régulateurs français et européens (ACPR, AMF, etc.), les parlementaires nationaux et européens, les institutions comme la Banque de France, les collectivités territoriales, mais aussi le monde académique avec lequel nous avons de nombreuses collaborations. Nous échangeons aussi activement avec d’autres associations comme France Digitale, l’AFEPAME, l’OCBF ou l’ADAN. Par ailleurs, nous avons cofondé l’European Digital Finance Association, qui fédère les écosystèmes fintech européens.

La troisième mission vise à animer l’écosystème afin de favoriser l’émergence de champions français et européens, créer des emplois qualifiés, soutenir les dynamiques territoriales, encourager l’inclusion et l’éducation financières, et contribuer au financement de l’économie réelle ainsi qu’à la transition écologique.

Panorama des Fintechs

Comment animez-vous concrètement cet écosystème ?

Notre rôle central est de créer du lien : entre fintechs, mais aussi entre celles-ci et les grands groupes. Pour cela, nous organisons de nombreux événements. Le plus emblématique est « FinTech R:Evolution », notre rendez-vous annuel, devenu l’événement de référence de la finance innovante en France. Mais nous avons aussi tout un calendrier d’événements thématiques, régionaux, ou de réseautage.

Nous publions également de nombreux contenus : livres blancs, études sectorielles, cartographies de l’écosystème, etc. Chaque année, nous co-organisons la French FinTech Week avec la Banque de France, l’ACPR et l’AMF, durant laquelle une série d’événements se tiennent partout sur le territoire.

Enfin, nous facilitons autant que possible les mises en relation entre fintechs et grands établissements. Aujourd’hui, nous estimons à plus de 3 000 le nombre de partenariats entre fintechs et banques et assureurs. Ces partenariats peuvent être de production (technologies d’analyse de risque, KYC, lutte anti-blanchiment, etc.) ou de distribution.

Quelle est votre définition d’une fintech ?

Une fintech est avant tout une start-up. Ce sont de jeunes entreprises innovantes qui utilisent les technologies de la donnée et de la mobilité pour développer des services financiers. Elles sont indépendantes, à ce stade, des grands établissements financiers, même si certaines filiales d’acteurs historiques comme Boursorama ou Hello Bank sont membres de l’association sous un statut distinct.

Où en est l’écosystème fintech français aujourd’hui ?

La France compte plus de 1 100 fintechs et environ 55 000 emplois directs dans le secteur, dont 45 000 sur le territoire national. Nous dénombrons 14 licornes — c’est-à-dire des entreprises valorisées à plus d’un milliard d’euros — ce qui fait de nous le premier écosystème de fintech dans l’Union européenne et le premier segment de la tech française.

Nous représentons environ un tiers de l’indice NEXT40 (l’équivalent du CAC 40 pour la tech en devenir) et 20 % du French Tech 120. En Europe géographique, nous sommes juste derrière le Royaume-Uni, qui a bénéficié d’un démarrage plus précoce grâce à un capital-risque plus mature et une régulation plus favorable.

Nous avons déjà des champions mondiaux — comme Ledger dans le secteur des cryptoactifs — et une douzaine de champions européens dans divers domaines. Ce qu’il nous manque encore, ce sont les « géants » à l’image de Stripe, Revolut ou N26. Mais la dynamique est là.

Justement, quelles sont les grandes tendances actuelles dans la fintech ?

La première grande tendance est la course à la taille critique. Cela passe par une forte croissance organique — comme Lydia, qui a conquis une part de marché significative chez les jeunes adultes — mais aussi par des opérations de fusion-acquisition. 2024 a enregistré une quarantaine d’opérations M&A, dont une part croissante est intra-sectorielle, c’est-à-dire entre fintechs elles-mêmes.

Deuxième tendance : l’internationalisation. Après une période de ralentissement liée au Covid, les implantations hors de France repartent à la hausse. Déjà 34 % de nos membres ont une présence à l’étranger, souvent en Europe.

Troisièmement, les investissements technologiques s’intensifient et sont, avec les ressources commerciales, l’objet d’une grande part des levées. Deux domaines dominent : l’intelligence artificielle — utilisée pour l’analyse de risques, le conseil client, ou encore les gains de productivité — et le Web3, en particulier la tokenisation des actifs, avec des cas d’usage concrets comme le financement des PME. La France bénéficie ici d’une reconnaissance mondiale, portée par des centres de recherche et des compétences académiques de haut niveau.

Une autre tendance structurante est la « plateformisation » : les fintechs, initialement focalisées sur un service unique, enrichissent progressivement leur offre, au point de devenir de véritables plateformes, voire des néo-banques ou néo-assureurs à part entière.

Quels sont les secteurs les plus dynamiques ?

L’assurtech, les services aux entreprises, les solutions de gestion RH, les services de comptabilité ou de gestion de trésorerie se distinguent. On observe également une montée en puissance des services fonctionnels liés à la business intelligence et, plus récemment, au Web3.

Quels sont les principaux enjeux d’actualité pour l’écosystème ?

Le premier enjeu, c’est le financement. Après une forte baisse en 2022 à l’échelle mondiale, les investissements reprennent. En 2024, à fin avril, nous avions déjà levé 450 millions d’euros, soit un rythme comparable à l’année précédente. Ce chiffre concerne uniquement le capital, mais les fintechs recourent aussi de plus en plus à la dette — bancaire ou via la BPI et les fonds de dette — et surtout à l’autofinancement, preuve de leur maturité croissante.

Plus d’un tiers (34 %) de nos membres ont atteint ou dépassé leur seuil de rentabilité, alors que la moitié ont moins de 5 ans. Le délai pour atteindre la rentabilité se raccourcit et est aujourd’hui en moyenne de quatre ans, ce qui est rapide pour de jeunes entreprises innovantes.


“Notre ambition est claire : construire un écosystème capable de rivaliser avec les plus grands acteurs mondiaux, au service d’une finance plus efficace, plus inclusive et plus durable.”

Nous faisons toutefois face à un déficit d’offre locale de financement pour les gros tickets. Il manque encore en Europe des fonds puissants pour accompagner la croissance des licornes et permettre des introductions en Bourse ambitieuses. Nous identifions trois leviers possibles : orienter davantage l’épargne des Français vers le financement des entreprises innovantes, développer des fonds de capitalisation et attirer davantage d’investisseurs internationaux.

Le deuxième grand enjeu, c’est la régulation. L’Europe est la zone la plus réglementée du monde en matière financière — ce qui est sain, car cela protège les consommateurs et les marchés — mais la charge s’accroît sans cesse. De plus, la France a tendance à « surtransposer » les textes européens, ce qui crée des contraintes supplémentaires. Nous plaidons pour une régulation claire, proportionnée, comparée à celle de nos concurrents et appliquée uniformément en Europe.

En conclusion, quel message souhaitez-vous faire passer ?

La fintech française est en bonne santé. Elle est dynamique, créatrice d’emplois et s’appuie sur des modèles viables. Elle joue un rôle croissant dans le financement de l’économie, la transition numérique et la souveraineté française et européenne. Notre ambition est claire : construire un écosystème capable de rivaliser avec les plus grands acteurs mondiaux, au service d’une finance plus efficace, plus inclusive et plus durable.  

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