Conseil opérationnel en optimisation de coûts : plaidoyer pour un conseil éthique aux effets mesurables

Dossier : Entreprise et managementMagazine N°608 Octobre 2005
Par Hervé CORLAY (86)

Les entre­prises et admi­nis­tra­tions uti­lisent de plus en plus sou­vent les ser­vices de cabi­nets de conseil spé­cia­li­sés pour les aider à réduire leurs coûts de fonc­tion­ne­ment (frais géné­raux…). Ces cabi­nets pro­posent des modes d’in­ter­ven­tion non intru­sifs et de rému­né­ra­tion très attrayants pour leurs clients. Par construc­tion, ils s’en­gagent à obte­nir des résul­tats pour leurs clients. Leurs per­for­mances sont mesu­rables et dépassent très lar­ge­ment, dans leurs domaines d’ex­per­tise, celles de leurs grands frères géné­ra­listes, même les plus prestigieux.

Cet article donne quelques conseils per­met­tant d’é­ta­blir une rela­tion » gagnant-gagnant » entre l’en­tre­prise et son conseil dans l’i­den­ti­fi­ca­tion et l’ob­ten­tion des éco­no­mies notam­ment sur les dépenses de fonc­tion­ne­ment de l’entreprise.

Dilution temporaire de l’image des grands cabinets

Il y a encore quinze ans, le mar­ché du conseil de direc­tion était très clai­re­ment seg­men­té : les direc­tions géné­rales savaient aller cher­cher un conseil en fonc­tion de leur pro­blé­ma­tique, avec une bonne appré­cia­tion de la valeur ajou­tée résul­tant de leur choix.

Un McKin­sey ou BCG pour une mis­sion à carac­tère stra­té­gique ou orga­ni­sa­tion­nel, un At Kear­ney ou Booz Allen Hamil­ton pour l’a­mé­lio­ra­tion de la per­for­mance, un Accen­ture pour les mis­sions liées aux sys­tèmes d’informations.

La pres­sion sur ces cabi­nets a aug­men­té for­te­ment dans les quinze der­nières années pour deux rai­sons prin­ci­pales : une pres­sion action­na­riale forte pour ceux des cabi­nets qui avaient ouvert leur capi­tal et la pres­sion gran­dis­sante sur le taux d’u­ti­li­sa­tion des consul­tants pour ceux dont la taille impor­tante fait pas­ser en second plan la sélec­tion des mis­sions par la valeur ajou­tée qu’ils savent pou­voir appor­ter à leurs clients.

Sous cette double pres­sion, cer­tains sont sor­tis de leur seg­ment de pré­di­lec­tion per­dant une part de leur légi­ti­mi­té dans la manœuvre, et diluant, dans cer­tains cas, leur image voire leurs compétences.

Cette dilu­tion s’illustre par exemple par la folie de l’é­poque de la bulle Inter­net au cours de laquelle tous les cabi­nets sont inter­ve­nus sur des mis­sions liées à la défi­ni­tion de la stra­té­gie Inter­net de leurs clients tra­di­tion­nels avec la clair­voyance et le suc­cès que l’on connaît aujourd’hui.

Cette dilu­tion aura pro­ba­ble­ment des effets salu­taires : les vain­queurs de demain seront ceux qui sau­ront iden­ti­fier leur réelle valeur ajou­tée, la com­mu­ni­quer clai­re­ment et se concen­trer sur ce qui les rend dis­tinc­tifs aux yeux de leurs clients.

En atten­dant, cette dilu­tion a ren­du les entre­prises clientes plus exi­geantes vis-à-vis de leurs conseils. Les pres­ta­tions intel­lec­tuelles sont bien sou­vent ache­tées par les direc­tions des achats, qui sou­haitent légi­ti­me­ment s’as­su­rer que les besoins sont bien défi­nis et que les conseils sélec­tion­nés sont effec­ti­ve­ment légi­times par rap­port aux pro­blé­ma­tiques posées.

Émergence de nouveaux acteurs spécialisés dans la réduction de coûts

Cette évo­lu­tion a per­mis l’é­mer­gence en moins de dix ans d’une famille de nou­veaux acteurs spé­cia­li­sés dans le conseil opé­ra­tion­nel en opti­mi­sa­tion de coûts. Au départ des petites » bou­tiques « , ces cabi­nets de conseil se sont spé­cia­li­sés dans l’ap­port d’une forte valeur ajou­tée sur des pro­blé­ma­tiques poin­tues : opti­mi­sa­tion des dépenses liées aux frais de fonc­tion­ne­ment (télé­coms, loca­tion longue durée de véhi­cules…), opti­mi­sa­tion des dépenses sociales et fiscales…

Les créa­teurs de ces cabi­nets sont de deux types différents :

1) des anciens des grands cabi­nets sus­men­tion­nés qui ont com­pris que c’est par la spé­cia­li­sa­tion qu’ils trou­ve­raient une place dans un mar­ché de gros acteurs ;
2) ou des experts, issus de l’in­dus­trie ou du ser­vice et non pas du conseil mais trou­vant leur légi­ti­mi­té dans leur connais­sance poin­tue de leur sec­teur d’ac­ti­vi­té d’o­ri­gine ou de la réglementation.

Les pre­miers apportent à leur acti­vi­té une rigueur et une puis­sance ana­ly­tique mises au ser­vice d’un faible nombre de seg­ments métiers, avec l’ef­fi­ca­ci­té qu’on ima­gine. Les seconds apportent leur prag­ma­tisme et leur expé­rience métier vécue sur des situa­tions très nombreuses.

Bien sûr, les per­for­mances de ces cabi­nets sont inégales. Bien sûr, les stan­dards de cette nou­velle pro­fes­sion ne sont pas uni­formes, bien qu’elle com­mence à se struc­tu­rer et à se doter de stan­dards. Ce sec­teur croît for­te­ment avec un chiffre d’af­faires annuel supé­rieur à 300 M€ et une crois­sance d’en­vi­ron 20 % depuis dix ans, plus forte que celle du conseil tra­di­tion­nel. Il emploie sans doute plus de 2 000 personnes.

Croissance des cabinets spécialisés rémunérés au succès – une tendance de fond

La crois­sance du conseil opé­ra­tion­nel en opti­mi­sa­tion de coûts s’ac­cé­lère car elle cor­res­pond à une double demande crois­sante de la part des entre­prises : avoir affaire à des spé­cia­listes et rému­né­rer son conseil en fonc­tion des résul­tats obtenus.

Demande n° 1 : avoir affaire à des spécialistes

Après des années de recherche d’é­co­no­mies, de mise en place de plans de pro­grès, de rajeu­nis­se­ment et de pro­fes­sion­na­li­sa­tion des équipes, notam­ment au niveau des achats, les entre­prises se doivent de conti­nuer à trou­ver des pistes d’é­co­no­mies, si pos­sible sans impact sur les effec­tifs et les organisations.

L’op­ti­mi­sa­tion des achats est deve­nue un des axes stra­té­giques d’a­mé­lio­ra­tion de la per­for­mance des moyennes et grandes entre­prises et sans aucun doute le prin­ci­pal levier de pré­ser­va­tion de leur com­pé­ti­ti­vi­té et donc de leur crois­sance future.

Bien sûr, nom­breuses sont les entre­prises qui doivent encore mener un grand chan­tier de mise en place d’une orga­ni­sa­tion d’a­chat capable de fonc­tion­ner intel­li­gem­ment avec les dif­fé­rentes busi­ness units de l’entreprise.

Plus nom­breux encore sont les admi­nis­tra­tions, les col­lec­ti­vi­tés ter­ri­to­riales et les ser­vices de l’É­tat qui doivent mener ces pro­jets de trans­for­ma­tion longs et dif­fi­ciles mais nécessaires.

Néan­moins, beau­coup a déjà été fait et la forte crois­sante des acteurs du conseil opé­ra­tion­nel en opti­mi­sa­tion de coûts tra­duit sim­ple­ment le recours gran­dis­sant des entre­prises à des conseils spé­cia­li­sés capables d’ap­por­ter à l’en­tre­prise une valeur ajou­tée addi­tion­nelle et une vraie exper­tise mar­ché. Leur foca­li­sa­tion sec­to­rielle per­met à ces conseils d’in­ter­ve­nir dans des condi­tions d’ef­fi­ca­ci­té com­pa­tibles avec une rému­né­ra­tion indexée sur les résul­tats obtenus.

Demande n° 2 : rémunérer son conseil en fonction des résultats obtenus

La rému­né­ra­tion au suc­cès pré­sente pour l’en­tre­prise l’in­té­rêt de ne rému­né­rer son conseil que pour la stricte valeur ajou­tée qu’il lui a appor­tée : pas d’é­co­no­mies = pas d’honoraires.

Ce mode de rému­né­ra­tion pré­sente de nom­breux inté­rêts pour l’entreprise :

  • . il force le conseil au prag­ma­tisme. Fini le » ya ka, faut qu’on « . Les recom­man­da­tions doivent être pra­tiques et si pos­sible, faciles à mettre en œuvre. Sinon, pas de mise en œuvre, pas d’é­co­no­mies, pas de rémunération ;
  • il force le conseil à la per­for­mance. Plus les éco­no­mies sont impor­tantes et plus les hono­raires sont impor­tants. Ce modèle a prio­ri ver­tueux implique une plus grande foca­li­sa­tion du conseil sur la culture du résul­tat pour son client et la recherche de l’en­semble des pistes d’optimisation ;
  • il per­met à l’en­tre­prise d’ex­ter­na­li­ser l’op­ti­mi­sa­tion de sujets déjà trai­tés (« pas­ser la deuxième couche ») en fai­sant inter­ve­nir un expert rému­né­ré sur sa seule valeur ajou­tée addi­tion­nelle. L’en­tre­prise peut ain­si consa­crer ses res­sources internes à d’autres sujets non encore abordés ;
  • il garan­tit struc­tu­rel­le­ment un retour sur inves­tis­se­ment de la mis­sion connu dès le départ, en géné­ral infé­rieur à six mois et son finan­ce­ment par les éco­no­mies qu’elle génère.


Il pré­sente aus­si des inconvénients :

  • mal maî­tri­sé par son client, le conseil peu éthique (il en existe même si leur péren­ni­té en pâtit) peut être gui­dé par le court terme plu­tôt que par le long terme, recher­chant l’é­co­no­mie au détri­ment éven­tuel du moyen terme ;
  • contrai­re­ment aux mis­sions clas­siques rému­né­rées au temps pas­sé, le coût de la mis­sion n’est pas connu à l’a­vance. Il peut être nul mais il peut aus­si être impor­tant. Cela pose par­fois des dif­fi­cul­tés en termes de budgétisation.

Préconisations pour une relation » gagnant-gagnant » avec son conseil opérationnel en optimisation de coûts

Le recours à un conseil opé­ra­tion­nel en opti­mi­sa­tion de coûts doit se faire en toute connais­sance de cause.

Des pré­cau­tions sont à prendre afin d’en tirer le meilleur par­ti et éta­blir une rela­tion gagnant-gagnant entre l’en­tre­prise et son conseil.

Voi­ci quatre pré­co­ni­sa­tions en ce sens.

Conseil n° 1 : exiger une rémunération à l’efficacité, mais dans un cadre déontologique rigoureux

Les entre­prises lient de plus en plus l’ef­fi­ca­ci­té du conseil qu’elles reçoivent à la rému­né­ra­tion qu’elles accordent. Dans l’ac­ti­vi­té qui consiste à iden­ti­fier et mettre en œuvre des éco­no­mies sur les dépenses opé­ra­tion­nelles, la rému­né­ra­tion à l’ef­fi­ca­ci­té a fait ses preuves aux condi­tions suivantes :

  • être atten­tif à bien défi­nir les demandes, à éta­blir une assiette pré­cise des éco­no­mies recher­chées, à dis­po­ser d’un rap­port d’au­dit expli­cite quel que soit son résultat ;
  • veiller à contrac­ter avec un conseil offrant les meilleures garan­ties de déon­to­lo­gie. Cette déon­to­lo­gie peut aisé­ment être tes­tée par des inter­views de clients du conseil pressenti.

Conseil n° 2 : conserver le contrôle des opérations

Même si elle ne paie­ra que pour les éco­no­mies réa­li­sées, l’en­tre­prise se doit de conser­ver la main sur l’en­semble des déci­sions prin­ci­pales. Son conseil doit res­ter un conseil et non pas » diri­ger la manœuvre « . Cela est par­ti­cu­liè­re­ment vrai dans le choix des four­nis­seurs ou des solu­tions retenus.

Le reproche par­fois fait à cer­tains » Cost killers » est de pri­vi­lé­gier la baisse des coûts au détri­ment de la qua­li­té ou de la péren­ni­té des solu­tions rete­nues. En conser­vant en per­ma­nence le contrôle des déci­sions et en s’as­su­rant de la vali­di­té des pro­po­si­tions faites, ce grief n’a pas lieu d’être.

Conseil n° 3 : s’assurer de l’indépendance du conseil choisi

Le conseil n’a de sens que s’il est indé­pen­dant de tout conflit d’in­té­rêts. À ce titre, il est pri­mor­dial que l’en­tre­prise s’as­sure que son conseil s’in­ter­dit d’en­tre­te­nir toute rela­tion com­mer­ciale avec les four­nis­seurs de maté­riels ou de solu­tions qu’il pour­rait être ame­né à recommander.

Tous les conseils se déclarent indé­pen­dants (même les dis­tri­bu­teurs ou les cour­tiers !). Il convient donc de faire le tri entre le bon grain et l’ivraie.

L’en­tre­prise doit impo­ser des obli­ga­tions très claires d’é­thique et d’in­dé­pen­dance au conseil qu’elle choi­sit, obli­ga­tions incluses dans le contrat, assor­ties de péna­li­tés dis­sua­sives dans le cas où cette indé­pen­dance ne serait pas res­pec­tée. Le chiffre d’af­faires du conseil doit être issu à 100 % des hono­raires reçus de ses clients.

Contac­ter direc­te­ment des clients du cabi­net est éga­le­ment une bonne manière de se faire une idée sur pièce de cette indépendance.

Conseil n° 4 : garantir le transfert de savoir-faire et la formation des équipes

L’in­ter­ven­tion de spé­cia­listes poin­tus est une occa­sion à ne pas man­quer pour for­mer de manière simple des col­la­bo­ra­teurs aux meilleures tech­niques d’a­chat ou à des sec­teurs spé­ci­fiques. Ce trans­fert de savoir-faire et de connais­sance peut être inclus dans le contrat de pres­ta­tion même dans le cas d’une rému­né­ra­tion au succès. 

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