DVD Concert des Proms

Concert des Proms

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°736 Juin 2018Par : l'orchestre de Münich, Valéry GERGIEVRédacteur : Marc DARMON (83)Editeur : 1 DVD ou Blu-ray NAXOS

Quel pro­gramme, quel magni­fique concert. C’est le chef sur­ac­tif Vale­ry Ger­giev qui dirige ce soir-là de 2016 le concert des Proms au Royal Albert Hall de Londres. 

Dans cette salle gigan­tesque, tou­jours par­fai­te­ment déco­rée et éclai­rée quand on y joue de la musique clas­sique, le pro­gramme choi­si est remar­qua­ble­ment adap­té à une réa­li­sa­tion filmée. 

Écou­ter le Bolé­ro de Ravel ou le voir jouer ne sont pas du tout la même expé­rience. Cela m’a tou­jours frap­pé en concert et à nou­veau en regar­dant ce DVD. La même mélo­die, consti­tuée d’un couple de thèmes, répé­tée inlas­sa­ble­ment dix-neuf fois, même avec la varié­té des timbres et un cres­cen­do bien mis en place, peut paraître rébarbative. 

Mais en le voyant inter­pré­té, bien pla­cé dans la salle de concert, ou comme ici sur un DVD (pré­fé­rez le Blu-ray, la haute défi­ni­tion apporte beau­coup), en voyant les ins­tru­ments se suc­cé­der, on est enchan­té par l’imagination et la sub­ti­li­té de l’orchestration de Ravel. 

Sur le rythme don­né par la caisse claire et les piz­zi­ca­ti de cordes, les vents d’abord (y com­pris les saxo­phones), puis les cordes pen­dant le der­nier tiers nous répètent bien le même thème, mais cela n’a plus rien d’ennuyeux et de las­sant. On se plaît au contraire à admi­rer la pro­gres­sion de timbre que nous pro­pose Ravel, on s’amuse à ima­gi­ner quel va être le pro­chain ins­tru­ment à enton­ner le thème, on est constam­ment inter­pel­lé et d’une atten­tion constante. 

L’interprétation de Ger­giev, par ailleurs, fait tout pour ne pas nous lais­ser de marbre et par­vient, dans une œuvre aus­si rabâ­chée, à créer des effets inédits, avec notam­ment un cres­cen­do final impressionnant. 

Et la qua­li­té de l’enregistrement per­met de pro­fi­ter idéa­le­ment de la richesse des timbres. 

Autre pilier du réper­toire, le Troi­sième Concer­to de Rach­ma­ni­nov, l’Everest pour tout pia­niste. Le jeune pro­dige ouz­bek, Beh­zod Abdu­rai­mov, débute len­te­ment, avec un tou­cher sai­sis­sant et pre­nant, puis c‘est un véri­table feu d’artifice.

Ce pia­niste sait être à la fois sub­til, sen­sible et extrê­me­ment vir­tuose, et offre une inter­pré­ta­tion du « Rach 3 » de réfé­rence. Le bis, La Cam­pa­nel­la de Liszt, était éga­le­ment mémo­rable dit-on, mal­heu­reu­se­ment absent du DVD. 

En seconde par­tie de ce long concert, Ger­giev joue tout d’abord la courte Troi­sième Sym­pho­nie de Gali­na Oust­vols­kaïa, longue plainte sur un thème unique, joué par un orchestre réduit (vents et contre­basses). Cette élève de Chos­ta­ko­vitch (1919−2006) est de plus en plus jouée en Occident. 

Elle a déve­lop­pé un style très per­son­nel, se dis­tin­guant de Chos­ta­ko­vitch, dès les années 50. L’œuvre jouée est sin­cè­re­ment très intéressante. 

Fin du concert avec la suite d’orchestre tirée du Che­va­lier à la rose. Une demi-heure de musique ins­tru­men­tale tirée de l’opéra le plus célèbre de Richard Strauss, dont les fameuses valses ana­chro­niques (les per­son­nages mozar­tiens du XVIIIe siècle évo­luent sur des thèmes de valses du XIXe siècle sur une musique du XXe siècle). 

L’opéra inté­gral est indis­pen­sable, com­men­té dans ces colonnes en avril 2010, mais il dure trois heures, et cette ver­sion de la suite d’orchestre est une bonne intro­duc­tion à la musique riche et luxu­riante, ima­gée et illus­tra­tive de Strauss. 

Tous les grands moments sont là, l’ouverture illus­trant les ébats avant le lever du soleil sur le lit de la Maré­chale et son che­va­lier Octa­vian, puis la pré­sen­ta­tion de la rose, le coup de foudre entre Octa­vian et Sophie, la pan­ta­lon­nade de l’acte III, ponc­tués de la valse gro­tesque du bur­lesque Baron Ochs. 

Ger­giev adore Strauss et avait déjà joué deux années avant aux Proms dans la même salle, la suite d’orchestre de l’opéra La Femme sans ombre de Strauss, le DVD, tout aus­si recom­man­dé, existe éga­le­ment (chez CMa­jor). Un très beau concert !

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