Comment Generali France prépare l’assurance de demain


Dans un secteur aussi sensible que l’assurance, l’intégration des nouvelles technologies ne peut se faire sans un strict respect du cadre réglementaire. Les enjeux sont nombreux et complexes. Pour y voir plus clair, nous avons échangé avec deux responsables clés de Generali France : Aïcha Souki (X08), directrice de la donnée et des approches clients au sein de la direction technique, et Nicolas Burtin, directeur de la sécurité et de la résilience opérationnelle. Ensemble, ils nous dévoilent les leviers activés par l’assureur pour anticiper les risques, personnaliser les offres, protéger les données et s’adapter à un paysage réglementaire en mutation.
Comment Generali intègre-t-il les nouvelles technologies, notamment l’intelligence artificielle et la blockchain, tout en respectant les contraintes réglementaires imposées par l’ACPR et l’AMF ?
Aïcha Souki : L’intelligence artificielle est aujourd’hui omniprésente dans l’ensemble de nos métiers assurantiels. Chez Generali France, elle irrigue toute la chaîne de valeur : de la souscription jusqu’à l’indemnisation. Cela fait plusieurs années que nous avons intégré le machine learning, notamment dans les métiers de l’actuariat pour affiner notre tarification et mieux modéliser les risques. Ce n’est donc pas une révolution récente, mais une évolution continue.
Avec l’essor de l’IA générative, de nouveaux usages apparaissent, en particulier dans l’exploitation de données non structurées. Je pense par exemple aux rapports de sinistres : ce sont souvent des documents longs, hétérogènes, difficiles à exploiter. Grâce à l’IA, nous pouvons désormais en extraire automatiquement des informations utiles pour mieux évaluer les risques, prévenir des situations critiques et ajuster nos modèles de tarification.
“ L’intelligence artificielle est aujourd’hui omniprésente dans l’ensemble de nos métiers assurantiels. Chez Generali France, elle irrigue toute la chaîne de valeur : de la souscription jusqu’à l’indemnisation.”
Ce développement technologique se fait bien entendu dans un cadre très réglementé. Les assureurs ne sont pas dans le « Far West » de la data. Notre approche est « compliant by design ». Nous avons l’habitude de travailler avec les contraintes de l’ACPR ou de l’AMF, et nous formons en continu nos équipes à ces exigences, y compris les plus expérimentées.
Nicolas Burtin : C’est un vrai point fort d’un acteur comme Generali. Notre taille et notre organisation nous permettent à la fois d’innover et de rester rigoureusement dans les clous réglementaires. Nous disposons d’équipes dédiées, capables d’anticiper les évolutions du cadre légal et de s’assurer que chaque projet, chaque déploiement technologique, respecte les règles en vigueur. La réglementation devient même une force : elle évite les dérives, renforce la confiance, et protège le client. Nous collaborons aussi parfois avec des structures plus petites ou des startups, en leur apportant notre cadre robuste et notre expertise réglementaire.
Dans quelle mesure l’utilisation des données et des algorithmes permet-elle à Generali de mieux anticiper les besoins de ses assurés et d’individualiser ses offres, tout en garantissant la transparence et la conformité au RGPD ?
Aïcha Souki : Nous avons intégré le RGPD dans notre ADN. Toutes nos équipes sont formées à ces exigences : campagnes de sensibilisation, quiz, outils conformes dès la conception, données pseudonymisées, accès restreints et tracés… Il ne s’agit pas d’une couche rajoutée a posteriori, mais d’un socle fondamental dès le démarrage des projets. Sur le plan métier, l’exploitation des données nous permet de mieux comprendre les attentes de nos assurés. Nous utilisons par exemple des modèles d’appétence produit pour anticiper les besoins ou des scores de fragilité pour détecter les risques de résiliation. Ces informations sont précieuses pour adapter notre accompagnement, notamment en appui à nos distributeurs. C’est un bon exemple de ce que permet l’alliance entre technologie et proximité humaine.
Nous développons aussi des approches proches de celles du e-commerce, comme les « next best offer » : proposer, au bon moment, le produit le plus pertinent pour le client. Tout cela dans un cadre rigoureux de transparence, avec une gouvernance éthique des algorithmes.
Nicolas Burtin : J’ajoute que la conformité RGPD est intimement liée à la cybersécurité. Quand on traite des données aussi sensibles que celles de nos assurés, chaque usage algorithmique doit être sécurisé de bout en bout : collecte, stockage, traitement, restitution. L’introduction de nouvelles technologies génère aussi de nouvelles menaces. L’empoisonnement des jeux de données ou l’utilisation malveillante des modèles font partie des risques à surveiller. C’est notre rôle d’évaluer ces menaces, d’anticiper les attaques et de mettre en place des mécanismes de protection adaptés.
Avec la digitalisation croissante, comment Generali renforce-t-il sa cybersécurité et protège-t-il ses clients face à l’augmentation des cyber-risques ?
Nicolas Burtin : La digitalisation du secteur n’est pas nouvelle, mais elle s’intensifie. Elle s’accompagne d’une montée en puissance des cybermenaces. Chez Generali, nous adoptons une approche proactive : nous mettons en place des dispositifs de détection, de protection et de réaction très poussés. Par exemple, nous utilisons des programmes de bug bounty, c’est-à-dire que nous faisons appel à des chercheurs en cybersécurité pour tester en continu la robustesse de nos plateformes. Nous avons également une posture de cybersécurité embarquée, dès la conception des outils. L’objectif n’est plus de dire « non » aux innovations, mais d’aider les métiers à sécuriser leurs projets dès le début. C’est une collaboration étroite avec les équipes d’Aïcha et les autres directions.
Aïcha Souki : Cette culture de la sécurité partagée est essentielle. Aujourd’hui, chacun est conscient des enjeux. Nous n’avons plus besoin d’« évangéliser » en permanence, car la cybersécurité est intégrée à tous les niveaux. Elle est considérée comme une condition de succès, pas comme une contrainte.
Comment Generali perçoit-il l’évolution des régulations européennes en matière de finance numérique ? Faut-il une adaptation des cadres législatifs pour permettre une meilleure compétitivité des assureurs traditionnels face aux nouveaux acteurs du marché ?
Aïcha Souki : La régulation est un sujet majeur, et l’assurance connaît une vague réglementaire comparable à ce qu’a vécu la banque. L’un des gros sujets actuels, c’est l’open insurance, porté par le règlement FIDA (Financial Data Access). Il vise à ouvrir les données assurantielles à l’instar de ce qui a été fait dans le secteur bancaire avec l’open banking. Generali, avec France Assureurs, plaide pour une approche plus pragmatique. L’open banking a coûté très cher aux banques pour un usage encore très limité (entre 5 et 7 % d’adoption client). Avec FIDA, on risque de reproduire les mêmes erreurs : des investissements massifs, pour une ouverture qui n’est pas toujours en phase avec les besoins réels des clients. Il faut une régulation plus ciblée, centrée sur les usages, et non maximaliste.
Nicolas Burtin : C’est exactement cela. Une régulation bien pensée est une chance, car elle renforce la confiance, mais elle doit rester proportionnée. Ce sont des projets complexes à mettre en œuvre, qui nécessitent des ressources importantes. Il est essentiel de garantir une égalité de traitement entre les acteurs traditionnels, déjà fortement régulés, et les nouveaux entrants. Cette ligne passe par un cadre européen cohérent, mais aussi adaptable, pour que l’innovation reste possible sans compromettre la sécurité ni l’équité.
En bref
Generali France est la filiale française du groupe Generali, compagnie d’assurance italienne. Fondé en 1831, le groupe est implanté dans 50 pays et a réalisé un chiffre d’affaires de 95,2 milliards d’euros en 2024. Generali en France, c’est :
- 9 300 collaborateurs, agents généraux et salariés d’agences outre ses réseaux de courtiers et ses intermédiaires ;
- 8 millions de clients particuliers, professionnels et entreprises ;
- 19,2 milliards d’euros de chiffres d’affaires en 2024.




