Chopin : 3e sonate, Polonaise n° 2, Nocturne op. 55, Haydn : Sonate n° 46, Mozart : Sonate K. 331 « alla turca »

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°632 Février 2008Par : Ivo Pogorelich, pianoRédacteur : Marc DARMON (83)
Par Marc DARMON (83)

Les années quatre-vingt sont celles de la gloire de Pogorelich.

Elles débu­tèrent par le scan­dale qui le ren­dit célèbre, le jour où la grande Mar­tha Arge­rich cla­qua la porte du jury du fameux concours Cho­pin de Var­so­vie parce que Pogo­re­lich n’avait pas été décla­ré vain­queur. Visi­ble­ment le jeu ori­gi­nal d’Ivo Pogo­re­lich avait divi­sé le jury, mais la tra­di­tion l’avait empor­té. L’exclusion avec fra­cas du jeune pia­niste de vingt-deux ans le ren­dit plus célèbre que s’il avait gagné.

Après avoir en avoir enten­du par­ler par la rumeur, le public décou­vrit alors le pia­niste par les concerts et les disques. Ses pre­miers disques Cho­pin, Bach, Tchaï­kovs­ki (avec Abba­do) étaient connus, échan­gés, com­men­tés par tous les mélo­manes. D’autant que ces disques coïn­ci­daient avec le début du disque com­pact, et que l’on put décou­vrir dans une qua­li­té de son inouïe à l’époque ce jeu inven­tif et prenant.

C’est ce jeu unique que l’on entend, et que l’on voit, plus-value ines­ti­mable, dans ce réci­tal pris en 1987 dans une salle XVIIIe d’un châ­teau turi­nois célèbre. On est aus­si impres­sion­né de voir ce réci­tal qu’on l’a été en décou­vrant ses disques il y a vingt-cinq ans. La très bonne image per­met de mieux com­prendre ce qui nous émer­veillait au disque : l’alchimie du jeu de Pogo­re­lich est un mélange rare de tech­nique, d’attention au beau son, d’imagination et d’inventivité, de style et de res­pect du texte.

La tech­nique de Pogo­re­lich fas­cine. Une posi­tion des mains par­faite, une ges­tuelle qui semble évi­dente, presque facile, par­fai­te­ment natu­relle. C’est aux anti­podes des jeux « ori­gi­naux » que l’on voit par­fois chez d’autres pia­nistes célèbres (Gould, Horo­witz, Baren­boïm…). C’est cette tech­nique qui per­met à la fois un son clair, pré­cis et beau tout en variant le style et l’atmosphère à chaque mor­ceau. L’inventivité du tou­cher, la flui­di­té des pas­sages rapides, le mélange opti­mal d’exactitude et de pul­sa­tion ryth­mique (Haydn) ou de roman­tisme et de ten­dresse (Cho­pin) rendent chaque mor­ceau dif­fé­rent d’ambiance. Son jeu per­lé par­fois donne l’impression d’une den­telle sonore, la pré­ci­sion ryth­mique étant conju­guée avec de magni­fiques phra­sés. Avec cette varié­té, Pogo­re­lich peut tout abor­der : son style est adap­table, voire irrem­pla­çable, sur une période his­to­rique aus­si large que de Bach à Ravel, ce qui est vrai­ment exceptionnel.

Depuis la fin des années quatre-vingt, Pogo­re­lich est deve­nu un pia­niste beau­coup plus rare. Chaque disque est très atten­du par les ama­teurs, et on a vu paraître il y a une dizaine d’années quelques disques sublimes : Scher­zos de Cho­pin, Tableaux de Mous­sorg­ski (chez Deutsche Gram­mo­phon depuis le début). Mais ses pre­mières années res­tent celles du « miracle Pogorelich ».

Alors que l’on croyait tout connaître de cette période du pia­niste, ce DVD est un mer­veilleux cadeau.

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