Projection des jeunes et des personnes âgées en France (en milliers)

Certitudes et aléas démographiques pour 2050

Dossier : La France en 2050Magazine N°603 Mars 2005
Par Gérard-François DUMONT

Il est cou­rant de bro­car­der les pro­jec­tions démo­gra­phiques réa­li­sées dans le pas­sé, en consta­tant leurs dif­fé­rences avec les don­nées consta­tées. Une telle atti­tude prouve tout sim­ple­ment une mécon­nais­sance, lar­ge­ment par­ta­gée, de la science de la popu­la­tion. En effet, d’une part, des pro­jec­tions démo­gra­phiques n’ont pas l’am­bi­tion impos­sible de four­nir des pré­vi­sions, mais sont seule­ment des pers­pec­tives condi­tion­nelles direc­te­ment dépen­dantes des hypo­thèses rete­nues. Lorsque ces der­nières conduisent à des résul­tats inac­cep­tables, elles ont pour objet d’in­ci­ter les socié­tés à prendre les déci­sions per­met­tant d’empêcher leurs réa­li­sa­tions selon le pré­cepte « pré­voir pour ne pas voir » de mon maître et ami Alfred Sauvy.

D’autre part, l’u­ti­li­té d’une pro­jec­tion ne tient pas à sa capa­ci­té à décrire un futur par nature impré­vi­sible, mais à four­nir une base de réfé­rence per­met­tant ensuite de mieux com­prendre les évo­lu­tions en com­pa­rant le réel avec le projeté.

Le véri­table pro­blème des pro­jec­tions conduites en France, prin­ci­pa­le­ment par l’In­see, est ailleurs : il tient au fait que la qua­li­té d’une pro­jec­tion dépend d’une bonne connais­sance de la situa­tion de départ. Or, compte tenu de l’ab­sence d’un sys­tème per­ma­nent d’ob­ser­va­tion des migra­tions, internes comme inter­na­tio­nales, et de la dété­rio­ra­tion du sys­tème sta­tis­tique fran­çais, la connais­sance démo­gra­phique de la situa­tion de départ est lar­ge­ment insuf­fi­sante. C’est ain­si que nous avons pu cal­cu­ler à l’é­che­lon natio­nal, puis à celui des régions et des dépar­te­ments, un chiffre scien­ti­fi­que­ment incon­tes­table de ce que nous avons dési­gné « les dis­pa­rus du recen­se­ment« 1.

Pour­tant, les don­nées résul­tant du der­nier recen­se­ment de la popu­la­tion de la France n’ont fait l’ob­jet d’au­cun ajus­te­ment sta­tis­tique, méthode pour­tant cou­ram­ment pra­ti­quée dans nombre de pays euro­péens, d’où diverses consé­quences, comme une nette sur­es­ti­ma­tion de la fécon­di­té de la France depuis 1999. Dans ses pro­jec­tions réa­li­sées en 20032, l’In­see se fonde d’une part sur la popu­la­tion sous-esti­mée telle qu’elle résulte du der­nier recen­se­ment de 1999, d’autre part sur une défi­ni­tion des hypo­thèses migra­toires qui prend en compte « les dis­pa­rus de recen­se­ment », ce qui conduit à dres­ser des pro­jec­tions à par­tir de don­nées de départ inco­hé­rentes entre elles.

Ces réserves étant faites, l’a­na­lyse des pro­jec­tions dis­po­nibles, de l’In­see d’une part, de la divi­sion popu­la­tion des Nations unies d’autre part, per­met de dis­tin­guer pour 2050 des élé­ments de cer­ti­tudes et des aléas.

La certitude de la « gérontocroissance »

La qua­si-cer­ti­tude pro­vient de la durée de la vie humaine en France. Sauf catas­trophes majeures, dues à des guerres meur­trières, à de graves risques natu­rels, à une faillite du sys­tème sani­taire ou à des com­por­te­ments mor­ti­fères des popu­la­tions, les per­sonnes âgées de 45 ans ou plus en 2050 et, a for­tio­ri, celles de 60 ans ou plus, sont toutes déjà nées. Dans l’hy­po­thèse d’un main­tien durable de l’es­pé­rance de vie, la pyra­mide des âges 2050 de ces géné­ra­tions ayant alors 45 ans ou plus peut être pro­je­tée. Ses effec­tifs ne peuvent se modi­fier que sous deux effets : l’é­vo­lu­tion des quo­tients de mor­ta­li­té aux âges consi­dé­rés et les migrations.

Concer­nant la mor­ta­li­té après 45 ans, la ten­dance actuelle est à une aug­men­ta­tion de l’es­pé­rance de vie. Les hypo­thèses les plus cou­rantes tablent sur une pour­suite de cette amé­lio­ra­tion. Elle n’est néan­moins pas cer­taine lors­qu’on constate des com­por­te­ments à risque comme l’aug­men­ta­tion de la consom­ma­tion des drogues.

Quant à la migra­tion, elle pour­rait ne pas avoir beau­coup d’ef­fets pour les 45 ans ou plus, car la pro­pen­sion à émi­grer est for­te­ment fonc­tion de l’âge. La qua­si-tota­li­té des immi­grants ori­gi­naires du Sud arrive en France à un âge infé­rieur, qu’il s’a­gisse de tra­vailleurs, de deman­deurs d’a­sile ou de per­sonnes béné­fi­ciaires des pro­cé­dures de regrou­pe­ment fami­lial. Mais, à l’in­verse, les effec­tifs 2050 des tranches d’âge 45 ans ou plus peuvent être influen­cés à la hausse par l’ins­tal­la­tion de per­sonnes issues d’autres pays euro­péens plus sep­ten­trio­naux, et notam­ment de Bri­tan­niques, dans le cadre de ce que j’ai résu­mé comme l’ef­fet Rya­nair, les com­pa­gnies aériennes à bas coûts per­met­tant de limi­ter le coût des dis­tances avec la famille ou les amis demeu­rés dans le pays d’o­ri­gine. En revanche, une pres­sion à la baisse des per­sonnes âgées peut s’exer­cer par l’é­mi­gra­tion de retrai­tés fran­çais vers le Sud euro­péen et par exemple vers l’Es­pagne. Mais le pre­mier effet semble aujourd’­hui plus intense que le second.

Il résulte de ce qui pré­cède un phé­no­mène fort pro­bable que je désigne comme la « géron­to­crois­sance », défi­nie comme l’aug­men­ta­tion du nombre des per­sonnes âgées. En 2000, la France3 comp­tait 12,1 mil­lions de 60 ans ou plus. Cet effec­tif aug­men­te­rait consi­dé­ra­ble­ment en rai­son des effets de l’hé­ri­tage démo­gra­phique et des taux de sur­vie des per­sonnes âgées dans toutes les hypo­thèses pro­po­sées, pas­sant à 15 mil­lions avant 2015, à 18 mil­lions avant 2025 et à plus de 20 mil­lions après 2030 pour ensuite stag­ner. Néan­moins, la pro­por­tion des 60 ans ou plus dans la popu­la­tion totale serait fort dif­fé­rente en fonc­tion des autres hypo­thèses de fécon­di­té et de migra­tion. Par­tant de 20,5 % en 2000, elle serait en aug­men­ta­tion, mais dans une large four­chette allant de 28,5 % de la popu­la­tion à 37,9 % en 2050 selon les scénarios.

Un vieillissement inéluctable, mais d’intensité fort variable

Ces chiffres mettent en évi­dence la néces­si­té de dis­tin­guer l’ef­fet nombre, la géron­to­crois­sance, et l’ef­fet struc­ture. L’ef­fet nombre signi­fie que le sys­tème poli­tique, éco­no­mique et social doit s’a­dap­ter pour répondre aux besoins d’une popu­la­tion de per­sonnes âgées en forte crois­sance. Cete­ris pari­bus, cela signi­fie une aug­men­ta­tion du nombre de pen­sions de retraite, des ser­vices médi­caux pour les per­sonnes âgées, et du nombre de per­sonnes âgées dépen­dantes, même si l’es­pé­rance de vie sans inca­pa­ci­té aug­mente plus vite que l’es­pé­rance de vie. Pour les dépar­te­ments, cela signi­fie une hausse consi­dé­rable des béné­fi­ciaires de l’al­lo­ca­tion per­son­na­li­sée à l’au­to­no­mie (APA). D’où de fortes ten­sions sur les bud­gets publics et sur ceux des caisses de retraite et la néces­si­té d’al­ler bien au-delà des réformes Bal­la­dur de 1993 et Raf­fa­rin de 2003 pour les sys­tèmes de retraite.

À la géron­to­crois­sance s’a­joute le vieillis­se­ment pro­pre­ment dit, c’est-à-dire l’aug­men­ta­tion de la pro­por­tion des per­sonnes âgées, avec ce qu’il signi­fie en termes poli­tique (poids élec­to­ral des per­sonnes âgées), éco­no­mique (modi­fi­ca­tion de la struc­ture de la demande) ou social (pres­sion des per­sonnes âgées sur la répar­ti­tion des bud­gets sociaux). Ce vieillis­se­ment de la popu­la­tion de la France est iné­luc­table. Mais ses effets peuvent être fort dif­fé­rents selon son inten­si­té. Un pays qui comp­te­rait 28,5 % de 60 ans ou plus n’est pas dans la même situa­tion qu’un pays en comp­tant 37,9 %.

Les migrations internationales soumises aux facteurs de repoussement

La pros­pec­tive 2050, si elle peut s’ap­puyer sur des qua­si-cer­ti­tudes, doit éga­le­ment réflé­chir à divers aléas qui forment les autres déter­mi­nants démo­gra­phiques majeurs de l’a­ve­nir. Le pre­mier tient aux sys­tèmes migra­toires inter­na­tio­nal et natio­nal. L’in­ten­si­té de l’im­mi­gra­tion vers la France dépend moins de ses propres déci­sions que de la situa­tion des autres pays4. En effet, le sou­ci géné­ral des hommes est de « vivre et tra­vailler au pays ». L’é­mi­gra­tion n’est, dans la grande majo­ri­té des cas, qu’une option contrainte par la situa­tion des pays de départ. Les Algé­riens qui rêvent d’un visa pour la France, comme ils l’ont mani­fes­té par exemple en mars 2003 lors de la visite du pré­sident Jacques Chi­rac à Alger, pré­fé­re­raient, dans l’i­déal, res­ter en Algé­rie. Mais il fau­drait pour cela que les poli­tiques de ce pays leur donnent l’es­poir d’a­mé­lio­rer leur sort dans leur patrie, que s’y ins­talle un État de droit, que la cor­rup­tion y recule, que le droit de pro­prié­té soit respecté…

Autre exemple, jus­qu’à la fin des années 1990, la France n’a­vait guère d’im­mi­gra­tion ivoi­rienne, puisque les condi­tions poli­tiques et éco­no­miques exis­tant dans ce pays y per­met­taient un réel déve­lop­pe­ment. Depuis la mon­tée des divi­sions poli­tiques, et ses effets de désta­bi­li­sa­tion éco­no­mique, la Côte-d’I­voire vient de connaître une inver­sion migra­toire, pas­sant de terre d’im­mi­gra­tion à pays d’émigration.

À la lumière de ces exemples, les migra­tions inter­na­tio­nales futures dépendent davan­tage des fac­teurs de repous­se­ment que des fac­teurs d’at­ti­rance. Cela est vrai éga­le­ment pour les migra­tions en pro­ve­nance de pays déve­lop­pés. Dans les années 1965, le Royaume-Uni est un pays d’é­mi­gra­tion, car de jeunes actifs n’y trouvent pas les condi­tions de réus­sir dans une éco­no­mie qui vit alors sur un héri­tage de plus en plus dépas­sé. Et l’on voit nombre de jeunes actifs bri­tan­niques tra­ver­ser non seule­ment l’At­lan­tique, mais la Manche, pour trou­ver, notam­ment en France, une éco­no­mie qui a plus d’al­lant que la bri­tan­nique. Après les impor­tantes réformes entre­prises sous Madame That­cher, sui­vies ensuite par celles de Tony Blair, le Royaume-Uni retrouve une éco­no­mie dyna­mique, tan­dis que c’est au tour de l’é­co­no­mie fran­çaise de pei­ner à pro­gres­ser sous l’ef­fet de cor­sets régle­men­taires de plus en plus mal­thu­siens et d’un endet­te­ment crois­sant des bud­gets publics. Les fac­teurs de repous­se­ment de jeunes actifs ont tra­ver­sé la Manche et le phé­no­mène aupa­ra­vant bri­tan­nique est désor­mais fran­çais avec l’é­mi­gra­tion de jeunes actifs diplô­més au Royaume-Uni, mais aus­si vers d’autres contrées comme les États-Unis.

Le sys­tème migra­toire hexa­go­nal condui­sant à la France de 2050 dépend donc de deux types de fac­teurs. D’une part, la situa­tion dans d’autres pays sus­cep­tibles de déve­lop­per ou non des effets de repous­se­ment, effets se trans­for­mant en fac­teurs d’at­ti­rance de la France selon les poli­tiques migra­toires conduites. Or ces der­nières se doivent aus­si de faci­li­ter l’im­mi­gra­tion car la France manque et man­que­ra plus encore de main-d’œuvre5 pour de nom­breuses acti­vi­tés de ser­vice, comme celles résul­tant de la géron­to­crois­sance, peu pri­sées par les Fran­çais soit en rai­son d’une image peu valo­ri­sante, soit en rai­son des ter­ri­toires où ces besoins se font sen­tir. D’autre part, la situa­tion en France selon sa capa­ci­té à rete­nir ou à atti­rer des étu­diants ou des jeunes actifs. Sur le pre­mier point, la ten­dance est claire : faute d’une mise en œuvre d’une véri­table auto­no­mie et res­pon­sa­bi­li­sa­tion des uni­ver­si­tés, liées à une refonte ins­ti­tu­tion­nelle de la recherche publique, ces der­nières éprou­ve­ront beau­coup de dif­fi­cul­tés dans une concur­rence inter­na­tio­nale crois­sante ; le risque de repous­ser les meilleurs ensei­gnants et les meilleurs étu­diants vers des uni­ver­si­tés étran­gères plus dyna­miques est réel.

Selon les ten­dances actuelles, la France est un pays d’im­mi­gra­tion pour des res­sor­tis­sants de pays qui souffrent de conflits civils, de poli­tiques obé­rant le déve­lop­pe­ment, d’é­co­no­mies gre­vées par la cor­rup­tion, et un pays d’é­mi­gra­tion pour les jeunes les plus entre­pre­nants. Si cette évo­lu­tion n’é­tait pas remise en cause par des poli­tiques actives, la France ne serait plus en 2050 qu’un mar­ché de consom­ma­tion, consi­dé­ré comme inca­pable de rem­plir les fonc­tions les plus nobles des entre­prises, comme la recherche ou les pro­duc­tions indus­trielles les plus éla­bo­rées. Une telle appré­cia­tion est déjà à l’œuvre si l’on consi­dère les options stra­té­giques prises par cer­taines entre­prises inter­na­tio­nales vis-à-vis de la France.

Les migrations internes au cœur de l’accroissement des contrastes interrégionaux

Néan­moins, la situa­tion de la France en 2050 ne sera pas uni­forme selon ses ter­ri­toires. De nom­breux élé­ments se conjuguent pour entraî­ner une dif­fé­ren­cia­tion crois­sante selon les dépar­te­ments et les régions, dif­fé­ren­cia­tion d’ailleurs accen­tuée par l’ab­sence de poli­tiques don­nant des chances égales aux ter­ri­toires, à l’ins­tar des retards consi­dé­rables appor­tés à réduire la frac­ture numé­rique, réci­di­vant la même erreur faite dans les années 1965–1970 avec l’é­qui­pe­ment téléphonique.

Les perspectives démographiques en France jusqu'en 2050Les pro­jec­tions régio­nales 2030, selon le scé­na­rio cen­tral de l’In­see, montrent effec­ti­ve­ment des évo­lu­tions for­te­ment diver­gentes : sur fond d’ac­crois­se­ment natio­nal de 9 % entre 2000 et 2030, elles éta­blissent que sept régions ver­raient leur popu­la­tion bais­ser : Lor­raine (- 10%), Auvergne, Cham­pagne-Ardenne, Limou­sin (- 8 %), Bour­gogne, Franche-Com­té et Nord-Pas-de-Calais (- 3 %). À l’op­po­sé, les crois­sances maxi­males s’ob­ser­ve­raient en Lan­gue­doc-Rous­sillon (34 %), Pro­vence-Alpes-Côte d’A­zur (21 %), Rhône-Alpes et Midi-Pyré­nées (16 %).

En ce qui concerne le vieillis­se­ment, les contrastes inter­ré­gio­naux s’ac­cen­tue­raient. D’i­ci 2030, on obser­ve­rait certes un vieillis­se­ment de toutes les régions, mais fort dif­fé­ren­cié : de + 7 à + 13 points de la pro­por­tion des 60 ans ou plus ; + 7 en Île-de-France, et, à l’op­po­sé, + 13 en Auvergne, Basse-Nor­man­die, Bour­gogne, Cham­pagne-Ardenne, Franche-Com­té, Lor­raine, Pays de la Loire ou Poitou-Charentes.

Cela résulte de deux effets, un effet migra­toire et un effet de struc­ture actuelle, qui ne jouent pas tou­jours dans le même sens. Pour l’Île-de-France, ces pro­jec­tions sup­posent le main­tien d’un départ rela­ti­ve­ment impor­tant des Fran­ci­liens au moment du pas­sage à l’âge de la retraite, ce qui consti­tue une par­tie de la com­po­sante du rajeu­nis­se­ment rela­tif de l’Île-de-France. Inver­se­ment, cer­taines régions, comme Poi­tou-Cha­rentes, com­binent l’ac­cueil de beau­coup de per­sonnes âgées à un vieillis­se­ment intrin­sèque rela­ti­ve­ment fort.

L’ef­fet des migra­tions internes sur l’ac­crois­se­ment des contrastes régio­naux de vieillis­se­ment est déci­sif. Il suf­fit, pour s’en per­sua­der, de regar­der l’im­pact quan­ti­ta­tif des scé­na­rios sans migra­tions. Même s’ils n’ont aucune vrai­sem­blance ni vali­di­té en tant que tels, ils per­mettent d’ap­pré­cier l’im­por­tance du para­mètre migra­tion : dans le scé­na­rio « sans migra­tion », la pro­por­tion des 60 ans ou plus serait supé­rieure de 8 points en Île-de-France, et infé­rieure de 3 ou 4 points dans l’Ouest, en Bour­gogne ou en Basse-Normandie.

Dépopulation ou printemps démographique ?

Reste la ques­tion de la fécon­di­té. Bien qu’in­suf­fi­sante pour assu­rer le simple rem­pla­ce­ment des géné­ra­tions et entraî­nant la France dans ce que j’ai appe­lé un « hiver démo­gra­phique », elle est moins abais­sée que la moyenne euro­péenne en rai­son d’une pro­por­tion de femmes sans enfant moindre en France que chez nos voi­sins euro­péens, de l’ap­port de l’im­mi­gra­tion sur le mou­ve­ment natu­rel et de l’hé­ri­tage d’une poli­tique fami­liale qui a cepen­dant per­du de son impor­tance. Comme le montrent les com­pa­rai­sons euro­péennes6, l’a­ve­nir de la fécon­di­té est fort dépen­dant de l’é­vo­lu­tion des poli­tiques fami­liales. Le désir d’en­fants reste éle­vé en France, selon les enquêtes conduites par les orga­nismes publics, mais il ne pour­ra se concré­ti­ser sans un accom­pa­gne­ment moral et maté­riel à la hau­teur des demandes des familles, accom­pa­gne­ment qui sup­pose une légis­la­tion fami­liale cohé­rente et des choix bud­gé­taires appro­priés aus­si bien au niveau de l’É­tat que des col­lec­ti­vi­tés locales, des col­lec­ti­vi­tés ter­ri­to­riales, et même des comi­tés d’entreprises.

Dans le cas contraire, l’a­van­cée dans l’hi­ver démo­gra­phique appa­raît qua­si cer­tain et le vieillis­se­ment fort accen­tué ; les effec­tifs des jeunes de moins de 20 ans devien­draient moins nom­breux que ceux des 60 ans ou plus vers 2010 et que ceux des 65 ans ou plus vers 2020. La France pour­rait alors connaître une dépo­pu­la­tion déjà consta­tée sur cer­tains de ses territoires.

Or l’his­toire n’en­seigne pas d’is­sue heu­reuse pour des pays ayant connu une longue dépo­pu­la­tion. Il faut donc espé­rer à la France et à l’Eu­rope d’o­pé­rer les choix utiles per­met­tant de retrou­ver un prin­temps démo­gra­phique, seul capable de por­ter les ambi­tions for­mu­lées dans les textes fon­da­teurs de la Répu­blique comme dans l’ar­ticle I‑3 du trai­té consti­tu­tion­nel de l’U­nion euro­péenne fixant « les objec­tifs de l’Union ».

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1. Gérard-Fran­çois Dumont, « Les “dis­pa­rus” du recen­se­ment », Popu­la­tion et Ave­nir, n° 647, mars-avril 2000.
2. Insee Résul­tats, n° 16, juillet 2003.
3. Dans l’en­semble de cet article, nous enten­dons par France la France métro­po­li­taine. La situa­tion des dif­fé­rents Dom et Tom est très contras­tée et mérite un exa­men par­ti­cu­lier. Cf. Gérard-Fran­çois Dumont, La popu­la­tion de la France, des régions et des DOM-TOM, Paris, Ellipses, 2000.
4. Gérard-Fran­çois Dumont, Les popu­la­tions du monde, Paris, Édi­tions Armand Colin, deuxième édi­tion, 2004.
5. Les pro­jec­tions ten­dan­cielles annoncent une baisse de la popu­la­tion active. Cf. Insee Résul­tats, Socié­té, n° 13, 2003.
6. Éve­lyne Sul­le­rot, « Pres­ta­tions fami­liales et fécon­di­té dans l’U­nion euro­péenne », Popu­la­tion et Ave­nir, n° 661, jan­vier-février 2003.

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