Cérémonie de la remise des diplômes à la promotion 1998

Dossier : ExpressionsMagazine N°568 Octobre 2001

Conférence de Carlos Ghosn

La mondialisation et nous

Mon­sieur le Président,
Excellences,
Mon Général,
Mes­dames et Messieurs,
Mes chers cama­rades… Bonjour

M’exprimer devant vous aujourd’hui est à la fois un hon­neur et un réel plai­sir, tein­té certes de nos­tal­gie, asso­ciée au temps qui passe… et qui passe mal­heu­reu­se­ment vite. Il y a dans la vie des moments cru­ciaux, des moments intenses, de ces moments où l’on res­sent avec acui­té que l’on aborde un nou­veau cha­pitre dans le livre de la vie. Vous qui vous apprê­tez à quit­ter cette pres­ti­gieuse école, il est clair que vous vous trou­vez à un de ces tour­nants, où les choix que vous allez faire, ou que vous avez faits, les orien­ta­tions que vous allez prendre, ou que vous avez prises, vont déter­mi­ner for­te­ment votre par­cours futur.

C’est pour­quoi je suis très heu­reux de par­ta­ger ce moment avec vous, répon­dant à l’invitation de feu Pierre Faurre dont je tiens ici à saluer la mémoire.

Lorsqu’il y a presque deux ans, le 18 octobre 1999, je mon­tais sur scène, pour annon­cer le plan de renais­sance de Nis­san, j’avais bien conscience de me trou­ver à un de ces moments char­nières de ma vie. Un de ces moments où beau­coup de choses se jouent.

Mais per­met­tez-moi tout d’abord de vous dire quelques mots sur mon par­cours qui a démar­ré, comme le vôtre, dans cette école.

Partie 1
Un parcours international

Je dirai rapi­de­ment que je suis un chef d’entreprise fran­çais, qui a une expé­rience glo­bale. J’ai eu, dans ma vie pro­fes­sion­nelle, la chance de tra­vailler dans dif­fé­rents pays : la France où j’ai démar­ré ma car­rière et où j’ai œuvré pour Renault, le Bré­sil, les États-Unis et aujourd’hui le Japon, j’entreprends une expé­rience incon­tes­ta­ble­ment intense dans toutes ses dimensions.

Dans cha­cun de ces pays, cha­cune de ces cultures j’ai énor­mé­ment appris et je conti­nue à le faire. Ce par­cours per­son­nel et pro­fes­sion­nel m’a for­cé à déve­lop­per, voire aigui­ser des capa­ci­tés d’observation, d’écoute et d’adaptation. La mul­ti­pli­ci­té des situa­tions que j’ai ren­con­trées et que j’ai eues à gérer me conduit à essayer d’appréhender tou­jours les situa­tions nou­velles avec prag­ma­tisme et sans idées préconçues.

Avoir été confron­té dans ma car­rière à des situa­tions entiè­re­ment nou­velles, où aucun modèle connu ne pou­vait s’appliquer et où il fal­lait réagir très vite m’a conduit à adop­ter ce prin­cipe de base : ne jamais cher­cher à pla­quer sur une réa­li­té, for­cé­ment sin­gu­lière, une bat­te­rie toute faite de mesures.

(…)

Partie 2
Nissan, la renaissance

C’est dans cet état d’esprit que j’ai accep­té le chal­lenge de par­tir au Japon pour redres­ser Nis­san en mars 1999. J’ai com­men­cé par pas­ser trois mois à visi­ter les ins­tal­la­tions tech­niques, indus­trielles et com­mer­ciales de Nis­san par­tout dans le monde.

Carlos GHOSN prononçant sa conférence. (14 juillet 2001 à l'Ecole polytechnique)
Car­los GHOSN pro­non­çant sa conférence.
À l’extrême gauche, Hen­ri-Jean DROUHIN. 
© JEAN-LUC DENIEL-ÉCOLE POLYTECHNIQUE

Le jour de l’annonce du plan, le 18 octobre 1999, face à 500 jour­na­listes venus du monde entier, j’ai dit deux choses :

  • d’abord, Nis­san est en mau­vais état,
  • deuxiè­me­ment : nous allons résoudre ses pro­blèmes vite et durablement.

Les com­men­taires furent una­nimes : tout le monde était par­fai­te­ment d’accord avec ma pre­mière affir­ma­tion et per­sonne avec la seconde. Autre­ment dit l’assistance dou­tait fort de notre capa­ci­té à redres­ser Nissan.

En effet, la situa­tion de l’entreprise était plus que pré­oc­cu­pante : part de mar­ché et volume de pro­duc­tion en déclin, pro­fi­ta­bi­li­té affec­tée depuis sept ans et dette de la branche auto­mo­bile de 20 mil­liards d’euros.

(…)

Mais c’était sans comp­ter sur cer­tains atouts indé­niables de Nis­san : lais­sez-moi vous citer les prin­ci­paux. Tout d’abord, bien sûr, l’Alliance avec Renault, signée en mars 1999.

(…)

Second point fort de Nis­san : une forte pré­sence à l’international, puisque Nis­san est pré­sent dans 192 pays dans le monde.

Un sys­tème de pro­duc­tion recon­nu comme très per­for­mant, extrê­me­ment pro­duc­tif et de qua­li­té, avec des implan­ta­tions bien répar­ties dans le monde.

(…)

Des capa­ci­tés tech­no­lo­giques de pre­mier plan, notam­ment dans les moteurs et les transmissions.

Des employés com­pé­tents et prêts à s’engager dans le redres­se­ment de leur entreprise…

Iden­ti­fiant ces forces, nous avons pu ana­ly­ser les contre-per­for­mances de Nis­san et éla­bo­rer un plan adap­té aux pro­blèmes que nous avions cer­nés : le plan de renais­sance de Nissan.

Notre diag­nos­tic a fait appa­raître cinq rai­sons majeures à la base du déclin de Nissan :

  • manque de culture du profit,
  • manque d’orientation clients,
  • absence de trans­ver­sa­li­té dans le management,
  • manque de sens de l’urgence,
  • absence d’une vision et d’un plan long terme fédérateur.

Com­ment avons-nous procédé ?

Nous avons mis en place neuf équipes trans­verses internes, parce que nous étions per­sua­dés que les pro­blèmes avaient leur solu­tion à l’intérieur de l’entreprise ; nous avons ain­si impli­qué plus de 300 per­sonnes de dif­fé­rents niveaux hié­rar­chiques, dans l’élaboration de ce plan. La fina­li­té de ces groupes était de for­mu­ler le maxi­mum de pro­po­si­tions, de la façon la plus ouverte pos­sible, sans tabou ni vaches sacrées, pour résoudre un pro­blème clai­re­ment iden­ti­fié, dans une approche à la fois bot­tom-up et top-down.

Il s’agissait de construire un plan de crois­sance ren­table à long terme fait à la fois de réduc­tion de coûts, de réal­lo­ca­tion de res­sources et d’investissements cen­trés sur le cœur de notre métier.

Ce plan com­por­tait un enga­ge­ment très clair du top mana­ge­ment de Nis­san. Le comi­té exé­cu­tif de Nis­san s’est solen­nel­le­ment enga­gé à démis­sion­ner si l’un des trois objec­tifs sui­vants n’était pas atteint :

  • le retour immé­diat à la pro­fi­ta­bi­li­té, pour le pre­mier exer­cice fiscal ;
  • une marge opé­ra­tion­nelle supé­rieure ou égale à 4,5 % en 2002 ;
  • la divi­sion de la dette par deux en 2002.

Mais l’élaboration d’un plan de redres­se­ment repré­sente 5 % du tra­vail. 95 % de la réus­site d’un plan réside dans son mana­ge­ment et son exé­cu­tion. Nous avons donc appor­té une atten­tion toute par­ti­cu­lière à cette phase de mise en œuvre. Nous avons établi :

  • des prio­ri­tés très claires, limi­tées dans leur nombre et quantifiées,
  • des res­pon­sa­bi­li­tés par­fai­te­ment iden­ti­fiées et mesurables,
  • des moda­li­tés de déploie­ment depuis le som­met jusqu’à la base.

Nous avons pri­vi­lé­gié la vitesse dans la prise de déci­sion, mis en place un sys­tème d’accompagnement, de mana­ge­ment et de repor­ting très régu­lier assu­ré par le top mana­ge­ment. Il impose à la fois un rythme sou­te­nu de recherche de solu­tions, la vitesse dans la mise en œuvre de celles-ci et des boucles de rétro­ac­tion (ou de cor­rec­tion) très courtes. Enfin nous avons mis en œuvre un sys­tème de boni­fi­ca­tion, de pro­mo­tion et de sto­ckop­tion direc­te­ment lié à l’atteinte des résultats.

Dans tous les cas nous avons uti­li­sé les dif­fé­rences cultu­relles comme des cata­ly­seurs d’énergie et d’innovation : de nou­velles idées ou de nou­velles façons de faire.

(…)

Ce plan com­porte deux grands volets.

► Un volet crois­sance avec principalement :
– le déve­lop­pe­ment de 22 nou­veaux pro­duits en trois ans et la recons­truc­tion de la marque. Nous consi­dé­rons que pour un construc­teur auto­mo­bile il n’y a pas de pro­blème qui ne puisse être réso­lu, dès lors que nous savons pro­po­ser de bons pro­duits. Des pro­duits attrac­tifs, bien posi­tion­nés, pra­tiques, propres et innovants ;
– une série d’investissement dans de nou­velles capa­ci­tés de pro­duc­tion (US, le Bré­sil, la Grande-Bre­tagne, la Thaï­lande, l’Indonésie et bien­tôt la Chine) ;
– une réorien­ta­tion signi­fi­ca­tive de nos res­sources libé­rées vers la technologie.

• Un volet réduc­tion des coûts :
– 20 % sur tous les coûts en trois ans,
– redé­fi­ni­tion et réduc­tion de notre panel de fournisseurs,
– restruc­tu­ra­tion des capa­ci­tés de pro­duc­tion avec fer­me­ture de cinq usines au Japon,
– sup­pres­sion de 21 000 emplois sur trois ans.

Ter­mi­nons par les résul­tats obte­nus au cours de la pre­mière année du plan : le 17 mai der­nier, nous avons annon­cé les meilleurs résul­tats de l’histoire de Nis­san avec un béné­fice net (conso­li­dé après impôts) de 3 mil­liards d’euros et une marge opé­ra­tion­nelle de 4,75%.

Évi­dem­ment ce résul­tat n’est qu’un début puisqu’il cor­res­pond à la pre­mière année d’un plan de trois ans. Le pro­ces­sus de remise en cause per­ma­nente per­met­tra à Nis­san de démon­trer dans un ave­nir proche la pleine mesure de son potentiel.

Partie 3
La mondialisation

Élar­gis­sons la pers­pec­tive, et voyons main­te­nant dans quel contexte cette opé­ra­tion se déroule et quels ensei­gne­ments en tirer ? Tout d’abord deux constats, qu’il est dif­fi­cile d’éluder :

  • la mon­dia­li­sa­tion des échanges est une réa­li­té. Au-delà du déve­lop­pe­ment d’un mar­ché mon­dial de biens et de ser­vices, on assiste à la mise en place d’un véri­table sys­tème de pro­duc­tion et de vente à l’échelle du globe ;
  • la crois­sance mon­diale, au cours des années 90, a été sou­te­nue par les fusions-acqui­si­tions d’entreprises.

La trans­pa­rence, la flui­di­té et la vitesse, sou­te­nues par le déve­lop­pe­ment rapide et tous azi­muts des nou­velles tech­no­lo­gies de l’information, sont les carac­té­ris­tiques majeures de cette nou­velle donne économique.

Je consi­dère en tout cas ce mou­ve­ment comme une oppor­tu­ni­té d’enrichissement plu­tôt qu’une menace, aus­si bien sur un plan per­son­nel que sur un plan plus col­lec­tif ou natio­nal. La France, que vous repré­sen­te­rez tous d’une manière ou d’une autre, tient une place ori­gi­nale dans ce mouvement.

(…)

Partie 4
La place de la France

Com­ment la France s’inscrit-elle dans ce mouvement ?

La pre­mière par­ti­cu­la­ri­té de la France dans le monde du “ busi­ness ” est que son poids n’est pas mesu­rable, et de loin, sui­vant les seuls cri­tères éco­no­miques. Il s’évalue autant de manière qua­li­ta­tive que quan­ti­ta­tive. J’observe sou­vent que la France sus­cite à l’étranger un cer­tain inté­rêt et une grande curio­si­té. Les expé­riences ou prises de posi­tion de la France font l’objet d’une atten­tion pro­ba­ble­ment liée à notre ori­gi­na­li­té dans la façon d’aborder les pro­blèmes et au carac­tère très spé­ci­fique, sou­vent éton­nant pour l’opinion inter­na­tio­nale, des pro­po­si­tions, des posi­tions ou des expé­riences menées par la France.

Cette ori­gi­na­li­té qui se tra­duit concrè­te­ment par une forte capa­ci­té à la créa­ti­vi­té ou l’attrait pour l’innovation se retrouve de l’aéronautique à l’automobile, de la haute cou­ture à l’architecture. Elle est lar­ge­ment recon­nue à l’étranger comme reflet d’un posi­tion­ne­ment sin­gu­lier de la France.

Ce qui fait sa par­ti­cu­la­ri­té, c’est de ne pas accep­ter l’uniformité de la pen­sée, le mono­li­thisme ou une pen­sée mono­di­men­sion­nelle, mais au contraire de remettre constam­ment en ques­tion les idées et pen­sées admises par tous.

J’ajouterai que la France a sou­vent sur­pris dans son his­toire. Elle s’est dis­tin­guée à maintes reprises. Elle est per­çue comme capable de sur­prendre et d’innover. On lui recon­naît de l’audace, une cer­taine forme de cou­rage et un huma­nisme qui fait sa par­ti­cu­la­ri­té. Mais un huma­nisme qui n’est pas uni­que­ment, je dirais, phi­lo­so­phique ou abs­trait, un huma­nisme qui est à la fois pen­sé et pra­ti­qué, appli­qué, mis en œuvre de manière concrète.

Je suis per­son­nel­le­ment convain­cu de l’efficacité des approches, des modes de rai­son­ne­ment fran­çais. Le sens de la réflexion, de la pré­ci­sion et une vraie capa­ci­té à la remise en cause, ce que je pour­rais appe­ler “la ver­tu scien­ti­fique du doute ”, sont des traits que je qua­li­fie­rais de français.

Cette capa­ci­té à la remise en cause, notam­ment en période de crise, qu’elle soit éco­no­mique ou iden­ti­taire, ce qui va sou­vent de pair, est pour moi l’atout majeur de notre pays ou de cha­cun d’entre nous pris indi­vi­duel­le­ment. Ces crises peuvent affec­ter un pays, c’est le cas du Japon aujourd’hui, ou une entre­prise, c’était le cas de Renault en 1996, lorsque je l’ai rejoint, c’était aus­si le cas de Nis­san en 1999, lorsque l’alliance avec Renault a été signée.

Pour avoir accom­pa­gné ces deux entre­prises dans ces périodes déli­cates, je peux vous dire que des moments de crise se dégage une richesse impres­sion­nante. Ce sont des moments pri­vi­lé­giés de recherche, de muta­tion, d’innovation et de dépas­se­ment. Des moments où il y a place pour des idées nou­velles qui peuvent conduire à des évo­lu­tions posi­tives ou néga­tives, certes, mais au moins il y a ten­ta­tive et mouvement.

Conclusion

Vous avez l’âge du mou­ve­ment et de l’élan…

Pour ma part, sans être d’un âge cano­nique, je vou­drais pro­fi­ter de votre pré­sence à tous pour faire un bref retour sur mon pas­sage à l’École poly­tech­nique. Il a été déter­mi­nant prin­ci­pa­le­ment pour trois rai­sons. J’ai été d’abord mar­qué par la diver­si­té des ensei­gne­ments et la plu­ra­li­té des approches. C’est un excellent moyen de déve­lop­per les capa­ci­tés d’adaptation qui se sont révé­lées si utiles par la suite. Des sciences exactes aux sciences sociales en pas­sant par les langues et les “huma­ni­tés”, mon par­cours à l’École a été une grande source d’enrichissement, alliant à la rigueur scien­ti­fique la capa­ci­té à mener une réflexion propre et à choi­sir ses priorités.

Mais au-delà des matières elles-mêmes j’ai sur­tout appris à apprendre. Dans le contexte où vous évo­lue­rez cette capa­ci­té sera une grande force.

Enfin ce par­cours a été l’occasion d’une expo­si­tion à l’international. Je me sou­viens notam­ment d’un sémi­naire sur la civi­li­sa­tion, la culture et l’entreprise amé­ri­caine, et d’un séjour sur le cam­pus de Colo­ra­do Spring, dans l’État du Colo­ra­do. Cette par­tie de mon cur­sus pas­sée à l’étranger m’a aidé, entre autres, à déve­lop­per cette approche faite d’écoute et de res­pect. La volon­té de l’École d’ouvrir encore plus la for­ma­tion sur l’international est une excel­lente chose, et sera pour vous un atout essentiel.

Mes chers cama­rades, vous vous trou­vez aujourd’hui devant une page blanche. Tout vous est pos­sible et ne dépend que de vous. J’espère de tout cœur que vous la rem­pli­rez avec ardeur, pas­sion et talent… Et que par-des­sus tout, elle vous per­met­tra de révé­ler le meilleur de vous-même.

Bon cou­rage et mes meilleurs vœux de suc­cès à vous et à tous ceux qui vous sont chers.

Mer­ci.

Remise des prix Poincaré et Jordan par François Xavier Martin

Excel­lences,
Mes­sieurs les Présidents,
Mon Général,
Mes­dames et Messieurs,
Chers camarades

Selon une tra­di­tion bien éta­blie, la Socié­té ami­cale des anciens élèves de l’École poly­tech­nique, connue sous l’abréviation A.X., remet chaque année à leur sor­tie de l’École les prix Poin­ca­ré et Jor­dan au major et au second de pro­mo­tion. Notre pré­sident Fran­çois Aille­ret n’étant pas en région pari­sienne aujourd’hui m’a deman­dé de le rem­pla­cer pour remettre ces prix en tant que vice-pré­sident de l’A.X.

Je vou­drais sai­sir cette occa­sion pour vous pré­sen­ter notre asso­cia­tion, et vous expli­quer pour­quoi vous devez la rejoindre, main­te­nant que la remise des diplômes vient de faire de vous des anciens élèves. L’A.X. est une asso­cia­tion ami­cale, créée au XIXe siècle, pour appor­ter entraide, récon­fort et secours aux cama­rades en dif­fi­cul­té, ain­si qu’aux familles de ceux qui avaient dis­pa­ru pré­ma­tu­ré­ment – que l’on pense à ce que fut ensuite l’hécatombe de la Pre­mière Guerre mondiale.

Plus géné­ra­le­ment, l’A.X. s’efforce de main­te­nir et de déve­lop­per des rela­tions de soli­da­ri­té, de cama­ra­de­rie, d’amitié, de com­mu­nau­té d’intérêts entre tous les anciens, toutes pro­mo­tions confon­dues. L’A.X. édite l’annuaire des anciens élèves et la revue men­suelle La Jaune et la Rouge. Elle a mon­té un ser­vice d’aide à la recherche d’emploi pour nos cama­rades de tous âges. Elle a ouvert un site Inter­net et encou­rage la créa­tion de groupes ras­sem­blant des cama­rades habi­tant la même région, ou tra­vaillant dans le même sec­teur professionnel.

Mais l’A.X. ne se contente plus de ce rôle tra­di­tion­nel. Elle a consti­tué, en col­la­bo­ra­tion avec l’École et des entre­prises, la Fon­da­tion de l’École poly­tech­nique, char­gée de favo­ri­ser la pré­pa­ra­tion des élèves aux besoins des entre­prises, l’ouverture vers l’international et le déve­lop­pe­ment de l’esprit d’entreprise chez les jeunes X. L’A.X. accom­pagne l’évolution de la sco­la­ri­té, en sou­te­nant finan­ciè­re­ment, à hau­teur de près de 400 000 francs par an, les stages huma­ni­taires de 1re année, et, à tra­vers la Fon­da­tion de l’X (qui, bien enten­du, dis­pose éga­le­ment d’autres sources de reve­nus), l’accueil des élèves étran­gers et les for­ma­tions com­plé­men­taires hors de France.

Elle met éga­le­ment à pro­fit l’expérience extrê­me­ment diver­si­fiée de tous les Anciens pour ten­ter d’analyser et, si pos­sible, de pré­voir les trans­for­ma­tions de plus en plus rapides de la France, de l’Europe et du Monde, et appor­ter son appui à tous ceux qui oeuvrent pour que l’X offre en per­ma­nence à ses élèves la meilleure for­ma­tion pos­sible à une vie pro­fes­sion­nelle qui, en prin­cipe, dure­ra pour votre pro­mo­tion jusqu’aux alen­tours de l’année 2040…

Vous savez qu’il existe main­te­nant une forte concur­rence entre les éta­blis­se­ments d’enseignement supé­rieur du monde entier. Pour être recon­nu, il ne suf­fit plus de faire par­tie des meilleurs ; il faut éga­le­ment le faire savoir. Notre asso­cia­tion a fait effec­tuer des ana­lyses de l’image des poly­tech­ni­ciens, en France et à l’étranger.

Ces tra­vaux ont confir­mé qu’il était néces­saire de rec­ti­fier, en les actua­li­sant, cer­tains aspects de cette image en France ; dans la plu­part des pays étran­gers, l’École est trop peu connue, et un effort impor­tant de pro­mo­tion doit être entre­pris. L’A.X. est déci­dée à coopé­rer dans ce domaine avec dif­fé­rentes enti­tés, et d’abord l’École, la Fon­da­tion de l’X, les labo­ra­toires de Palai­seau, et à consa­crer des moyens impor­tants à ces actions de com­mu­ni­ca­tion. Le fonc­tion­ne­ment de l’École lui-même devra sans doute faire appel dans les années à venir à des res­sources ne pro­ve­nant plus exclu­si­ve­ment de l’État : là encore, l’A.X. est prête à agir, en coopé­ra­tion avec les mêmes par­te­naires, pour obte­nir des finan­ce­ments complémentaires.

Après ce plai­doyer qui aura, je l’espère, convain­cu l’ensemble de votre pro­mo­tion d’adhérer à notre asso­cia­tion, je vais main­te­nant remettre à votre major de sor­tie le prix Poin­ca­ré, puis au second de ce même clas­se­ment, le prix Jordan.

Hen­ri Poin­ca­ré et Camille Jor­dan ont été tous deux majors d’entrée à l’X, Jor­dan en 1855 (à 17 ans !), Poin­ca­ré en 1873. Jor­dan est né en 1838, seize ans avant Poin­ca­ré ; il est mort en 1922, dix ans après Poin­ca­ré. Tous deux sont sor­tis dans le Corps des Mines, mais se sont rapi­de­ment tour­nés vers l’enseignement et la recherche.

L’un et l’autre furent pro­fes­seurs à l’X, Jor­dan pen­dant qua­rante-six ans (Ana­lyse), Poin­ca­ré (gra­tui­te­ment !) pen­dant quatre ans (Astro­no­mie). Tous deux furent membres de l’Académie des sciences (Poin­ca­ré à 32 ans !) ; Poin­ca­ré fut éga­le­ment membre et secré­taire per­pé­tuel de l’Académie française.

Tous deux étaient d’éminents mathé­ma­ti­ciens. Jor­dan s’est tota­le­ment consa­cré à cette dis­ci­pline, dans laquelle il a tou­jours fait preuve d’une extrême rigueur du rai­son­ne­ment, et d’une élé­gante conci­sion dans les démons­tra­tions. Ses prin­ci­paux tra­vaux ont por­té sur la théo­rie des groupes, l’algèbre linéaire et la théo­rie des nombres.

Poin­ca­ré a éga­le­ment appor­té une impor­tante contri­bu­tion aux mathé­ma­tiques ; ses recherches sur les méthodes de réso­lu­tion des équa­tions dif­fé­ren­tielles l’amenèrent à déve­lop­per la théo­rie des fonc­tions fuch­siennes et klei­néennes, dites aujourd’hui auto­morphes, et à s’intéresser à dif­fé­rents domaines de la géo­mé­trie ana­ly­tique, de l’algèbre et de l’arithmétique. Mais, esprit uni­ver­sel, il n’est pas res­té à l’écart de l’extraordinaire bouillon­ne­ment de la phy­sique de la fin du XIXe et du début du XXe siècle, ce moment pri­vi­lé­gié où se for­ma­lisent les notions modernes d’électromagnétisme, de rela­ti­vi­té, de méca­nique quantique.

Met­tant au ser­vice de toutes ces dis­ci­plines ses immenses capa­ci­tés mathé­ma­tiques, Poin­ca­ré réso­lut divers pro­blèmes de méca­nique céleste, de dyna­mique, de ther­mo­dy­na­mique, d’optique, d’électromagnétisme ; d’aucuns disent même que la théo­rie de la rela­ti­vi­té res­treinte devrait por­ter son nom, aux côtés de quelques autres. Il publia éga­le­ment de nom­breux articles sur la phi­lo­so­phie des sciences.

Romain Lau­nay, major de sor­tie de la pro­mo­tion 1998, je vous remets au nom de l’A.X. le prix Hen­ri Poin­ca­ré, qui com­porte l’ensemble de ses œuvres, ain­si que cette enveloppe.

Lio­nel Jou­baud, second du clas­se­ment de sor­tie de la pro­mo­tion 1998, je vous remets au nom de l’A.X. le prix Camille Jor­dan, qui com­porte l’ensemble de ses œuvres, ain­si que cette enveloppe.

Compte tenu des facul­tés intel­lec­tuelles et de l’ardeur au tra­vail dont vous avez su faire preuve pour arri­ver en tête du clas­se­ment de sor­tie, je suis sûr que vous ne serez pas rebu­té par l’austérité des sujets abor­dés dans ces ouvrages, et que vous pren­drez inté­rêt, et même plai­sir, à les consulter.

Je vous féli­cite de nou­veau et, à tra­vers vous, tous vos cama­rades de la pro­mo­tion 98. À tous, je sou­haite que la vie apporte de grandes satis­fac­tions sur les plans per­son­nel, fami­lial et professionnel.

Et bien sûr je serais ravi que mes pro­pos vous aient convain­cus de nous rejoindre et de nous aider, par votre par­ti­ci­pa­tion active, à amé­lio­rer le fonc­tion­ne­ment de notre asso­cia­tion, et à élar­gir le champ de ses activités.

Longue vie à la pro­mo­tion 1998 !

Allocution du major Romain Launay

Mon­sieur le Président,
Excellences,
Mes­dames et Mes­sieurs les élus,
Mes­de­moi­selles, Mes­dames et Messieurs,
Mes chers camarades

Ma pre­mière note à l’École poly­tech­nique, ça a été un zéro.

Un zéro méri­té, à l’image de mes per­for­mances lors de cette course d’orientation dans les Alpes de Haute- Pro­vence. Notée sur vingt, elle comp­tait pour un quart de l’évaluation de la for­ma­tion mili­taire ini­tiale, elle-même ne repré­sen­tant qu’un cin­quième de la note attri­buée pour l’ensemble de la pre­mière année, à son tour inté­grée à hau­teur du tiers dans la fameuse note DFHM de deuxième année qui, par arrê­té minis­té­riel, compte pour deux pour cent dans le clas­se­ment final des polytechniciens.

Le major Romain Launay (promotion 1998)
Le major Romain Launay. 
© JEAN-LUC DENIEL-ÉCOLE POLYTECHNIQUE

Autant dire que sur la ligne de départ de cette course d’orientation, la pres­sion était ter­rible. Néan­moins j’étais ani­mé du désir de bien faire, et je suis par­ti comme les autres, carte et bous­sole en main, à la recherche des vingt pré­cieuses balises. Au bout de cin­quante minutes, l’incroyable était deve­nu réa­li­té : je n’avais tou­jours pas repé­ré la moindre balise, et je com­men­çais vrai­ment à me poser des questions.

Mon chef de sec­tion, ne vou­lant pas voir la honte de l’échec s’abattre sur l’un de ses hommes, m’a alors indi­qué la balise la plus facile. “ Tu vas voir, c’est à trois cents pas, à côté d’un gros chien. ” Je suis par­ti dans la direc­tion de son index, comp­tant conscien­cieu­se­ment mes enjam­bées, lorsque vers deux cent quatre-vingts je sur­sau­tais, réveillé par un aboie­ment formidable.

Mais de balise, tou­jours aucun signe, et c’est une feuille vierge que j’ai ren­due à un adju­dant-chef stu­pé­fait, qui m’a dit qu’il n’avait jamais vu ça. Le zéro est tom­bé, logique, et c’est ain­si que pen­dant la semaine qui a sépa­ré cette course d’orientation de l’épreuve de tir, j’ai été vir­tuel­le­ment clas­sé der­nier de la pro­mo­tion 98.

Par consé­quent, je pense déte­nir le record de places gagnées au clas­se­ment, un record que seule l’augmentation future des effec­tifs pour­rait éven­tuel­le­ment mena­cer, encore qu’il fau­drait pour cela un bien étrange concours de cir­cons­tances et un bien curieux spé­ci­men de poly­tech­ni­cien. Quelqu’un qui, comme moi, sache cou­rir, sache réflé­chir, mais qui soit abso­lu­ment inca­pable de faire les deux en même temps.


Le lieu­te­nant-colo­nel BÉVILLARD, com­man­dant de la pro­mo­tion 1998, remet­tant les diplômes à la 1re com­pa­gnie, sec­tion équi­ta­tion © JEAN-LUC DENIEL-ÉCOLE POLYTECHNIQUE

Ima­gi­nez ma stu­peur lorsqu’au début de la deuxième année, un ami m’a appris que les com­po­si­tions écrites se fai­saient dans le gymnase !

À coup sûr j’allais encore être débous­so­lé, j’allais perdre le nord. Même si, ayant tra­vaillé, j’avais toutes les cartes en main, allais-je pou­voir suivre le bon che­mi­ne­ment ? La veille du pre­mier devoir, notre maître de confé­rences a cru bon de ras­su­rer ma classe de tra­vaux diri­gés : “ Ne vous inquié­tez pas, à l’X les exer­cices sont bien bali­sés. ” C’était de mau­vais augure. Heu­reu­se­ment si l’on peut dire, le len­de­main c’était bien une chaise qui fai­sait face à la petite table por­tant mon numé­ro, et pas un tapis rou­lant. Le pire était évité.

Plus sérieu­se­ment, je vou­drais pro­fi­ter de l’occasion qui m’est offerte pour remer­cier un cer­tain nombre de per­sonnes aux­quelles notre pro­mo­tion doit beaucoup.

Du côté des élèves, mer­ci à la Kes, bien sûr, pour son dyna­misme et son enthou­siasme appré­ciés de tous sur le Pla­teau. Mer­ci à ceux qui ont don­né de leur temps dans les binets pour leur bien par­ti­cu­lier et le bien géné­ral. Mer­ci enfin à tous ceux qui ont sim­ple­ment été de bons cama­rades. Je tiens aus­si bien enten­du à expri­mer au nom des élèves notre gra­ti­tude envers notre com­man­dant de pro­mo­tion, le lieu­te­nant-colo­nel Bévil­lard, qui est tou­jours res­té dis­po­nible et à notre écoute, et qui a su nous trans­mettre des valeurs qui lui sont chères, telles que l’entraide et la cohésion.

Je vou­drais éga­le­ment faire part aux pro­fes­seurs de notre pro­fonde estime.

Nous sommes tous conscients de la qua­li­té excep­tion­nelle de l’enseignement dis­pen­sé à l’X qui, je ne pense pas trop m’avancer en le disant, n’a pas son égal dans le monde quant à la varié­té et la richesse.

Réflé­chir, c’est impor­tant, mais cou­rir aus­si et faire les deux en même temps, c’est encore mieux, pour ceux qui y par­viennent –, et à cet égard les trois séances de sport heb­do­ma­daires sont essentielles.

Mer­ci donc à ceux, civils ou mili­taires, qui les ont animées.

Mer­ci enfin à l’ensemble du per­son­nel de l’École, garant d’une orga­ni­sa­tion sans faille.

Pour finir, j’aimerais vous pro­po­ser une cita­tion. On peut dis­tin­guer deux types de cita­tions. Les pre­mières, comme “ l’État, c’est moi ”, sont indis­so­ciables d’un contexte his­to­rique et de cir­cons­tances d’énonciation bien pré­cis. L’auteur en par­ti­cu­lier ne sau­rait être omis. Les secondes, en revanche, tirent plu­tôt leur pou­voir de leur per­ti­nence intemporelle.

La cita­tion sui­vante appar­tient à la seconde caté­go­rie. “ Il n’y a pas de véri­table réus­site, dans la ges­tion des affaires publiques comme dans celle d’intérêts pri­vés, dans la car­rière des armes ou de la plume, dans le com­merce ou dans les sciences, qui n’implique à un degré ou à un autre un ser­vice ren­du aux autres. ”

Mon­sieur le Pré­sident, Excel­lences, Mes­dames et Mes­sieurs les élus, Mes­de­moi­selles, Mes­dames et Mes­sieurs, Mes chers cama­rades, je vous remer­cie de votre attention.

Discours de Monsieur Yannick d’Escatha, président du Conseil d’administration de l’École polytechnique

Mes­sieurs les parlementaires,
Excellences,
Mon­sieur le Direc­teur général,
Mes­sieurs les Offi­ciers généraux,
Mes­sieurs les Directeurs,
Chers Camarades,
Mes­dames et Messieurs

Il m’appartient de clô­tu­rer cette céré­mo­nie qui, je l’espère, lais­se­ra aux élèves et aux familles, par­fois venus de très loin, d’excellents sou­ve­nirs. Pour com­men­cer, je vou­drais dire com­bien je mesure aujourd’hui l’honneur que m’a fait le gou­ver­ne­ment en me nom­mant récem­ment à la tête du Conseil d’administration de l’École pour suc­cé­der à Pierre Faurre, qui fut reti­ré à l’affection des siens en ce début 2001 dans les cir­cons­tances bru­tales que nous connais­sons tous. Je veux rendre hom­mage à nou­veau à ses excep­tion­nelles qua­li­tés de cher­cheur, de scien­ti­fique, de tech­no­logue, d’entrepreneur et de chef d’entreprise, ain­si qu’à l’ampleur de son action à la tête du Conseil d’administration qui aura contri­bué à pro­fon­dé­ment remo­de­ler l’École à la fin du XXe siècle pour la pré­pa­rer aux défis de la mondialisation.

Yannick d’Escatha, président du Conseil d’administration de l’École depuis le 2 mai 2001
Yan­nick d’Escatha, pré­sident du Conseil d’administration de l’École depuis le 2 mai dernier.
© JEAN-LUC DENIEL-ÉCOLE POLYTECHNIQUE

La paru­tion immi­nente du décret fon­da­teur de la nou­velle sco­la­ri­té vou­lue par Pierre Faurre et par le gou­ver­ne­ment, en plein accord avec les forces vives de l’École, au tra­vers du “ pro­jet X2000”, me donne l’occasion de remer­cier tous ceux qui ont per­mis d’avancer ain­si dans cette voie, notam­ment les direc­teurs géné­raux suc­ces­sifs, le corps ensei­gnant et les cher­cheurs, ain­si que l’ensemble des per­son­nels civils et mili­taires et bien sûr la com­mu­nau­té poly­tech­ni­cienne qui a sou­te­nu ces évolutions.

En adap­tant l’esprit de l’École poly­tech­nique aux évo­lu­tions de notre monde, Pierre Faurre et le ministre de la Défense, qui assure la tutelle de l’École, auront vou­lu res­ter fidèles à l’esprit et aux hautes exi­gences des fon­da­teurs de cette ins­ti­tu­tion, Car­not et Monge qui, en leur temps, avaient sou­hai­té mettre à contri­bu­tion, par une for­ma­tion appro­priée, les meilleurs talents scien­ti­fiques, pour construire une nation moderne.

Cette idée fon­da­trice est plus que jamais d’actualité. Créée à un moment cri­tique de l’Histoire de France, où le recours à la connais­sance appa­rais­sait comme la voie sal­va­trice pour une Nation sou­cieuse de se doter des outils du pro­grès pour trans­for­mer les menaces en oppor­tu­ni­tés, l’École poly­tech­nique veut conti­nuer à agir et à évo­luer dans le nou­veau contexte du IIIe mil­lé­naire tout en res­tant fidèle à ses valeurs fondatrices.

La réforme en cours X2000 va per­mettre de ren­for­cer la triple voca­tion de l’École polytechnique :

  • for­mer, pour les entre­prises, des cadres à fort poten­tiel, des inno­va­teurs, des jeunes ayant l’esprit d’entreprise ;
  • for­mer, pour la recherche, des savants de haut niveau aptes à abor­der les domaines les plus nouveaux ;
  • for­mer, pour les ser­vices de l’État, de futurs hauts fonc­tion­naires qui pour­ront appré­hen­der, dans un cadre mul­ti­na­tio­nal et com­mu­nau­taire, les aspects les plus nova­teurs des mis­sions de l’État.

La fidé­li­té aux tra­di­tions et aux valeurs de l’École d’une part, cette ambi­tion nou­velle à la hau­teur des enjeux de la mon­dia­li­sa­tion d’autre part sont au coeur de la réforme conçue par Pierre Faurre et qui sera mise en oeuvre selon ses trois axes principaux :

  • la moder­ni­sa­tion du cur­sus de for­ma­tion des élèves,
  • l’internationalisation de l’École polytechnique,
  • le déve­lop­pe­ment des capa­ci­tés d’enseignement et de recherche.

Je vou­drais main­te­nant m’adresser plus par­ti­cu­liè­re­ment aux élèves de la pro­mo­tion X 98 : vous voi­là donc diplô­més, et donc déjà deve­nus des anciens élèves. Ce jour est un jour impor­tant pour vous, il récom­pense vos efforts et vos talents, et vous pou­vez en être fiers. Il est aus­si un jour impor­tant pour vos parents et vos familles, qui sont pré­sents autour de vous aujourd’hui, car ils ont for­te­ment contri­bué à votre réus­site dont ils peuvent éga­le­ment être légi­ti­me­ment fiers. Enfin, nous ne devons jamais oublier que la Nation a sage­ment inves­ti sur vos têtes en vous don­nant accès à une for­ma­tion ori­gi­nale au top niveau mondial.

Per­met­tez-moi de reve­nir à pré­sent sur l’époque qui est la nôtre et dans laquelle vous allez oeu­vrer ; elle se carac­té­rise au plan du savoir, comme au plan du savoir-faire, par des don­nées com­plè­te­ment nou­velles qui trans­forment notre société :

  • celle d’abord d’une explo­sion de la quan­ti­té de savoir, sous-ten­due par une pro­duc­tion de la recherche scien­ti­fique sans équi­valent dans l’histoire, mais aus­si par une rela­ti­vi­sa­tion crois­sante de celui-ci, car il devient de plus en plus spé­cia­li­sé et rela­tif à des champs de plus en plus restreints,
  • celle ensuite de la capa­ci­té crois­sante des ordi­na­teurs et plus glo­ba­le­ment de tout ce qui touche aux tech­no­lo­gies de l’information et de la communication,
  • enfin celle de la com­plexi­té crois­sante des sys­tèmes et orga­ni­sa­tions mis en oeuvre par l’homme – qui relèvent sou­vent des res­pon­sa­bi­li­tés de l’ingénieur – à la fois au plan du nombre de variables et pro­ces­sus mis en jeu, de l’interpénétration entre dis­ci­plines et de la place des fac­teurs humains et sociétaux.

Même si le tra­vail ana­ly­tique des spé­cia­listes prend de plus en plus d’importance, il devient cri­tique de dis­po­ser d’hommes et de femmes ayant la lar­geur de vue et la capa­ci­té de syn­thèse néces­saires pour avan­cer sans être arrê­tés par les bar­rières de spé­cia­li­té, et ouverts de sur­croît aux réa­li­tés humaines et socié­tales que l’ingénieur et l’homme de science sont cen­sés ser­vir. Le grand enjeu est la maî­trise de la com­plexi­té. Le pro­jet de for­ma­tion poly­tech­ni­cien appa­raît à cet égard comme par­ti­cu­liè­re­ment pertinent.

Nous aurons par ailleurs à faire face dans un futur proche à des pro­blèmes dif­fi­ciles, dus à un cer­tain dés­in­té­rêt voire à une cer­taine méfiance vis-à-vis de la science et de la tech­no­lo­gie, ouvrant ain­si la voie à des com­por­te­ments irra­tion­nels en regard des grands défis aux­quels sera confron­tée notre socié­té dans le cadre pla­né­taire du déve­lop­pe­ment durable. Il appar­tien­dra aux grandes ins­ti­tu­tions scien­ti­fiques, et donc notam­ment à l’École poly­tech­nique, de repla­cer la réflexion scien­ti­fique et la ratio­na­li­té au coeur de ces débats. Cela néces­si­te­ra des efforts d’adaptation de l’expression de la pen­sée scien­ti­fique afin de la rendre plus lar­ge­ment com­mu­ni­cable et de lui per­mettre de se faire entendre dans les débats de socié­té. Cha­cun d’entre vous a un rôle à y jouer.

La varié­té des par­cours des anciens élèves de l’École poly­tech­nique est, à cet égard, une richesse for­mi­dable pour notre pays. Le contact que vous sau­rez gar­der entre vous après l’École, et qui fait votre force, sachez en faire un réseau créa­tif pour l’intérêt géné­ral, faites-le rayon­ner dans un esprit d’ouverture et d’échange. Au cours des deux siècles écou­lés, l’École poly­tech­nique a su évo­luer consi­dé­ra­ble­ment. À votre tour, sachez évo­luer, pre­nez-en l’initiative, pour pro­lon­ger l’élan de vos anciens ; recher­chez tou­jours l’excellence et la per­ti­nence et faites fruc­ti­fier le capi­tal de savoir, la plus grande richesse de l’humanité, que vous avez reçu.

C’est ain­si que ce jour solen­nel est pour moi l’occasion de vous rap­pe­ler une der­nière fois qu’éduqués comme une élite de la connais­sance et du savoir, vous aurez plus de devoirs que d’autres. Je vous sou­haite donc sans aucune inquié­tude bonne chance pour vos car­rières et pour vos pro­jets futurs, et je ter­mi­ne­rai en sou­li­gnant que grâce à votre tra­vail, grâce aus­si à l’investissement de la col­lec­ti­vi­té, vous avez main­te­nant, cha­cune et cha­cun d’entre vous, un rôle déter­mi­nant à jouer dans la construc­tion de votre ave­nir per­son­nel, de notre ave­nir collectif.

Poster un commentaire