Cassandre / L’amour c’est surcoté / Ce nouvel an qui n’est jamais arrivé / Tu ne mentiras point / Les musiciens

Une copieuse et médiocre moisson. Trois indiscutables bons films, deux repêchés, neuf décevants ou inaboutis. Le Mélange des genres (Michel Leclerc), on y est presque mais… La Réparation (Régis Wargnier), gloubi-boulga. Sinners (Ryan Coogler), oui, absolument, mais l’arrivée des vampires gâche l’affaire. Lettres siciliennes (Fabio Grassadonia et Antonio Piazza), beaucoup de bruit pour rien. La Chambre de Mariana (Emmanuel Finkiel), aucune émotion vraie. Le Clan des bêtes (Christopher Andrews), oui mais non. Les Règles de l’art (Dominique Baumard), intense déception. Une Pointe d’amour (Maël Piriou), l’amour en fauteuil roulant au pays des « bisounours ». Un Monde merveilleux (Giulio Callegari), potache « rigolo », mais Blanche Gardin ne suffit pas.
Cassandre
Réalisatrice : Hélène Merlin – 1 h 43
Un père, ancien élève des curés aux rigidités militaires exacerbées. Une mère au foyer perturbée, limite hystérique, avec passé abîmé et naturisme de compensation. Mésentente du couple. Quatre enfants : les deux aînées ont fui, rayées des photos de famille. Restent un grand puceau imbécile travaillé par la chair et la benjamine, face aux affres de sa puberté et aux envahissements sexuels du frère. Elle est le sujet du film. À l’extérieur, un centre équestre bienveillant, un moniteur à la masculinité douce, le réconfort des chevaux, la possibilité d’une amitié. C’est très bien fait dans le rendu malsain, tendu, dérangeant. On peut y lire de l’anti-militarisme et une dénonciation des institutions catholiques. Ce n’est pas un film « plaisant », mais les indignations qu’il soulève et les réflexions qu’il ouvre en font un film intéressant. Très bien joué.
L’amour c’est surcoté
Réalisateur : Mourad Winter – 1 h 38
Joli petit film et formidable Laura Felpin ! Joyeusement potache. Un encombré de son corps et de ses sentiments, antihéros définitif verrouillé dans un trio chaleureux et endeuillé de potes de collège, affronte la rencontre improbable d’une fille « bourge » libérée et « friquée » que touchent ses maladresses. Parti pris romantique adossé à des dialogues très « banlieue » où prime la vanne. Palette haute en couleur de seconds rôles et ironie mordante au service de la possibilité fantasmée d’une masculinité « autre », adoucie, respectueuse, réservée. Enlevé et divertissant.
Ce nouvel an qui n’est jamais arrivé
Réalisateur : Bogdan Muresanu – 2 h 18
Les dernières quarante-huit heures du régime Ceauşescu organisées en tableaux convergents de destinées particulières. Un membre de la Securitate dont la mère refuse d’être déménagée. Un couple de la classe ouvrière que son fils met dans une situation impossible via sa lettre au père Noël. Une actrice embauchée à contre-cœur comme doublure dans un spot télévisé à la gloire du dictateur. Le fils du réalisateur télé dudit spot qui tente de fuir le pays. Superbement maîtrisé et joué dans un tragicomique multifacette subtil. Regard politique et dimension humaine parfaits. Magistral.
Tu ne mentiras point
Réalisateur : Tim Mielants – 1 h 38
L’Irlande profonde des années 1980. Ultra-catholique. Un village, ses pubs, son église, son couvent-institution religieuse qui accueille des filles-mères et autres « dévergondées » dans la contrainte d’une indigne exploitation ouvrière. Témoin de l’arrivée d’une des « pensionnaires », le patron d’une petite entreprise locale au lourd passé d’enfant illégitime, mari et père aimé d’une épouse et de cinq filles, suit un chemin de culpabilité intérieure jusqu’à un geste de charité susceptible de mettre en péril l’avenir des siens. Un très beau film, poignant, dont l’esthétique sait restituer les drames qui se développent hors champ, suggérer la tension des situations et des personnages, illustrer la chaleur d’un foyer familial en danger. Cillian Murphy, qui porte tout le poids du questionnement interne de son personnage, est proprement admirable.
Les Musiciens
Réalisateur : Grégory Magne – 1 h 42
Cette affaire de quatuor « monté » pour exécuter sur quatre Stradivarius une œuvre jamais jouée est une merveille. Les péripéties s’entrecroisent autour d’une ligne narrative claire : donner corps aux vœux d’un père décédé. Valérie Donzelli est parfaite, jouant avec Frédéric Pierrot et tous les autres (les acteurs-musiciens Mathieu Spinosi, Marie Vialle, Emma Ravier, Daniel Garlitsky) une riche partition de rapports humains. Réussite totale et enchantement. Les exécutions musicales (dont un pas de côté folk-grunge mâtiné celtique) sont un régal. L’œuvre « inédite » composée par Grégoire Hetzel participe efficacement à la réussite de l’ensemble. Emballé !