Cassandre / L’amour c’est surcoté / Ce nouvel an qui n’est jamais arrivé / Tu ne mentiras point / Les musiciens

Cassandre / L’amour c’est surcoté / Ce nouvel an qui n’est jamais arrivé / Tu ne mentiras point / Les musiciens

Dossier : Arts, lettres et sciencesMagazine N°806 Juin 2025
Par Christian JEANBRAU (X63)

Une copieuse et médiocre mois­son. Trois indis­cu­tables bons films, deux repê­chés, neuf déce­vants ou inabou­tis. Le Mélange des genres (Michel Leclerc), on y est presque mais… La Répa­ra­tion (Régis War­gnier), glou­bi-boul­ga. Sin­ners (Ryan Coogler), oui, abso­lu­ment, mais l’arrivée des vam­pires gâche l’affaire. Lettres sici­liennes (Fabio Gras­sa­do­nia et Anto­nio Piaz­za), beau­coup de bruit pour rien. La Chambre de Maria­na (Emma­nuel Fin­kiel), aucune émo­tion vraie. Le Clan des bêtes (Chris­to­pher Andrews), oui mais non. Les Règles de l’art (Domi­nique Bau­mard), intense décep­tion. Une Pointe d’amour (Maël Piriou), l’amour en fau­teuil rou­lant au pays des « bisou­nours ». Un Monde mer­veilleux (Giu­lio Cal­le­ga­ri), potache « rigo­lo », mais Blanche Gar­din ne suf­fit pas.

Cassandre

Réa­li­sa­trice : Hélène Mer­lin – 1 h 43

Un père, ancien élève des curés aux rigi­di­tés mili­taires exa­cer­bées. Une mère au foyer per­tur­bée, limite hys­té­rique, avec pas­sé abî­mé et natu­risme de com­pen­sa­tion. Mésen­tente du couple. Quatre enfants : les deux aînées ont fui, rayées des pho­tos de famille. Res­tent un grand puceau imbé­cile tra­vaillé par la chair et la ben­ja­mine, face aux affres de sa puber­té et aux enva­his­se­ments sexuels du frère. Elle est le sujet du film. À l’extérieur, un centre équestre bien­veillant, un moni­teur à la mas­cu­li­ni­té douce, le récon­fort des che­vaux, la pos­si­bi­li­té d’une ami­tié. C’est très bien fait dans le ren­du mal­sain, ten­du, déran­geant. On peut y lire de l’anti-militarisme et une dénon­cia­tion des ins­ti­tu­tions catho­liques. Ce n’est pas un film « plai­sant », mais les indi­gna­tions qu’il sou­lève et les réflexions qu’il ouvre en font un film inté­res­sant. Très bien joué.

L’amour c’est surcoté

Réa­li­sa­teur : Mou­rad Win­ter – 1 h 38

Joli petit film et for­mi­dable Lau­ra Fel­pin ! Joyeu­se­ment potache. Un encom­bré de son corps et de ses sen­ti­ments, anti­hé­ros défi­ni­tif ver­rouillé dans un trio cha­leu­reux et endeuillé de potes de col­lège, affronte la ren­contre impro­bable d’une fille « bourge » libé­rée et « fri­quée » que touchent ses mal­adresses. Par­ti pris roman­tique ados­sé à des dia­logues très « ban­lieue » où prime la vanne. Palette haute en cou­leur de seconds rôles et iro­nie mor­dante au ser­vice de la pos­si­bi­li­té fan­tas­mée d’une mas­cu­li­ni­té « autre », adou­cie, res­pec­tueuse, réser­vée. Enle­vé et divertissant.

Ce nouvel an qui n’est jamais arrivé

Réa­li­sa­teur : Bog­dan Mure­sa­nu – 2 h 18

Les der­nières qua­rante-huit heures du régime Ceauşes­cu orga­ni­sées en tableaux conver­gents de des­ti­nées par­ti­cu­lières. Un membre de la Secu­ri­tate dont la mère refuse d’être démé­na­gée. Un couple de la classe ouvrière que son fils met dans une situa­tion impos­sible via sa lettre au père Noël. Une actrice embau­chée à contre-cœur comme dou­blure dans un spot télé­vi­sé à la gloire du dic­ta­teur. Le fils du réa­li­sa­teur télé dudit spot qui tente de fuir le pays. Super­be­ment maî­tri­sé et joué dans un tra­gi­co­mique mul­ti­fa­cette sub­til. Regard poli­tique et dimen­sion humaine par­faits. Magistral.

Tu ne mentiras point

Réa­li­sa­teur : Tim Mie­lants – 1 h 38

L’Irlande pro­fonde des années 1980. Ultra-catho­lique. Un vil­lage, ses pubs, son église, son couvent-ins­ti­tu­tion reli­gieuse qui accueille des filles-mères et autres « déver­gon­dées » dans la contrainte d’une indigne exploi­ta­tion ouvrière. Témoin de l’arrivée d’une des « pen­sion­naires », le patron d’une petite entre­prise locale au lourd pas­sé d’enfant illé­gi­time, mari et père aimé d’une épouse et de cinq filles, suit un che­min de culpa­bi­li­té inté­rieure jusqu’à un geste de cha­ri­té sus­cep­tible de mettre en péril l’avenir des siens. Un très beau film, poi­gnant, dont l’esthétique sait res­ti­tuer les drames qui se déve­loppent hors champ, sug­gé­rer la ten­sion des situa­tions et des per­son­nages, illus­trer la cha­leur d’un foyer fami­lial en dan­ger. Cil­lian Mur­phy, qui porte tout le poids du ques­tion­ne­ment interne de son per­son­nage, est pro­pre­ment admirable.

Les Musiciens

Réa­li­sa­teur : Gré­go­ry Magne – 1 h 42

Cette affaire de qua­tuor « mon­té » pour exé­cu­ter sur quatre Stra­di­va­rius une œuvre jamais jouée est une mer­veille. Les péri­pé­ties s’entrecroisent autour d’une ligne nar­ra­tive claire : don­ner corps aux vœux d’un père décé­dé. Valé­rie Don­zel­li est par­faite, jouant avec Fré­dé­ric Pier­rot et tous les autres (les acteurs-musi­ciens Mathieu Spi­no­si, Marie Vialle, Emma Ravier, Daniel Gar­lits­ky) une riche par­ti­tion de rap­ports humains. Réus­site totale et enchan­te­ment. Les exé­cu­tions musi­cales (dont un pas de côté folk-grunge mâti­né cel­tique) sont un régal. L’œuvre « inédite » com­po­sée par Gré­goire Het­zel par­ti­cipe effi­ca­ce­ment à la réus­site de l’ensemble. Emballé ! 

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