Bâtiment du Campus Cyber : des réussites, des projets et de belles perspectives de développement

Campus Cyber : des réussites, des projets et de belles perspectives de développement

Dossier : Vie des entreprises - Transformation numérique et intelligence artificielleMagazine N°805 Mai 2025
Par Yann BONNET

Lan­cé il y a 3 ans, le Cam­pus Cyber a fédé­ré les acteurs et l’écosystème de la cyber­sé­cu­ri­té. Yann Bon­net, direc­teur géné­ral délé­gué du Cam­pus Cyber, revient sur les prin­ci­pales réa­li­sa­tions et ini­tia­tives de ce lieu totem de la cyber­sé­cu­ri­té et nous en dit plus sur les sujets qui le mobi­lisent actuel­le­ment. Rencontre.

Lieu totem de la cybersécurité, le Campus Cyber va fêter ses 3 ans. Comment ce projet, lancé à l’initiative du président de la République, a‑t-il évolué au cours de ces dernières années ?

La réflexion autour de ce pro­jet assez unique dans le monde a débu­té en 2020 avec la volon­té de faire levier sur l’écosystème pour mieux maî­tri­ser le risque cyber dans un contexte où la cyber­me­nace était et est tou­jours en per­pé­tuelle évolution. 

Sous l’impulsion du Pré­sident de la Répu­blique, nous sommes par­tis d’une feuille blanche pour conce­voir ce lieu, dont la voca­tion est de réunir l’ensemble des par­ties pre­nantes de l’écosystème cyber afin d’être plus fort ensemble, d’inverser le rap­port de force, de mieux se pro­té­ger et, in fine, de faire rayon­ner l’excellence fran­çaise au niveau natio­nal ou international.

“Aujourd’hui, le Campus Cyber réunit plus de 300 organisations, plus de 6 000 experts, dont 1 000 personnes qui y travaillent au quotidien.”

Aujourd’hui, le Cam­pus Cyber réunit plus de 300 orga­ni­sa­tions, plus de 6 000 experts, dont 1 000 per­sonnes qui y tra­vaillent au quo­ti­dien. On retrouve une grande diver­si­té d’acteurs à l’image de notre éco­sys­tème : des acteurs publics, comme l’ANSSI, le minis­tère de l’Intérieur ; des acteurs de la recherche (Inria, CNRS, CEA, IMT…) ; des asso­cia­tions (Hexa­trust…) ; des acteurs majeurs de la cyber comme (Cap­ge­mi­ni, Orange Cyber­Dé­fense, Thales, Sopra, Evi­den, Waves­tone…) ; des start-up, mais aus­si des acteurs qui ne sont pas des pure players de la cyber­sé­cu­ri­té mais plu­tôt des « clients », comme le sec­teur des banques et des assu­rances (Cré­dit Agri­cole, Cré­dit Mutuel, Socié­té Géné­rale, AXA…), des construc­teurs auto­mo­biles… Près de 60 % du CAC40 est repré­sen­té au Cam­pus Cyber. 

Inau­gu­ré le 15 février 2022, le Cam­pus Cyber est une socié­té pri­vée avec une par­ti­ci­pa­tion publique à hau­teur de 39 %. Elle a un capi­tal de près de 9 mil­lions d’euros et 167 action­naires, qui sont essen­tiel­le­ment des grandes entre­prises, des écoles, des associations… 

Aujourd’hui, ce lieu totem s’étend sur plus de 26 000 m2, dont 17 000 m2 d’espaces de tra­vail par­ta­gés ou pri­vés, 6 000 m2 de pla­teaux pro­jet et inno­va­tion, et 3 000 m2 dédiés à la formation. 

Quels sont son périmètre d’action et ses missions ? 

La rai­son d’être du Cam­pus Cyber, comme pré­cé­dem­ment évo­qué, est d’inverser le rap­port de force, de mieux pro­té­ger notre socié­té et de faire rayon­ner l’excellence française. 

Pour ce faire, son action s’articule autour de 4 axes complémentaires :

  • Déve­lop­per la for­ma­tion et l’attractivité des métiers de la cyber­sé­cu­ri­té alors qu’une récente étude de l’OCDE (2024) estime qu’il y a plu­sieurs cen­taines de mil­liers de postes non pour­vus en Europe. L’enjeu est de valo­ri­ser ces métiers et de sus­ci­ter des voca­tions, notam­ment auprès des jeunes et des femmes ;
  • Accé­lé­rer l’innovation et la recherche en matière de cyber­sé­cu­ri­té pour prendre une lon­gueur d’avance sur les cybe­rat­ta­quants. Cela passe entre autres par la faci­li­ta­tion des trans­ferts tech­no­lo­giques vers les indus­triels et les entre­prises ain­si que l’accompagnement à la créa­tion de start-up. Il s’agit aus­si d’appliquer la cyber­sé­cu­ri­té aux der­nières tech­no­lo­gies (IA, infor­ma­tique quantique…) ;
  • Pro­mou­voir une approche opé­ra­tion­nelle de la cyber­sé­cu­ri­té qui favo­rise le par­tage de retours d’expériences, de bonnes pra­tiques, de don­nées et d’analyses afin de ren­for­cer la maî­trise du risque numérique ;
  • Ani­mer cet éco­sys­tème au tra­vers d’événements divers et variés (confé­rences, webi­naires, pod­casts, tables rondes, pitchs, job dating, créa­tion des com­muns de la cyber, expé­ri­men­ta­tions, lear­ning expe­di­tions, évé­ne­ments inter­na­tio­naux, speed dating investisseurs…).

Quelles sont les principales actions et initiatives qui ont été organisées à ce jour ? 

Depuis l’ouverture du Cam­pus Cyber, nous avons réa­li­sé de nom­breuses actions et ini­tia­tives au ser­vice de l’écosystème. Nous avons ain­si déve­lop­pé de nom­breuses res­sources mutua­li­sées et open source. En 3 ans, ce sont plus de 750 per­sonnes du sec­teur pri­vé et public qui se sont regrou­pées en une tren­taine de groupes de tra­vail et qui ont créé 19 res­sources mutua­li­sées qui prennent notam­ment la forme de cas d’usage d’IA appli­quée à la cyber­sé­cu­ri­té dans une logique d’automatisation de la détec­tion des attaques, autour du par­tage de ren­sei­gne­ment cyber, de l’écoconception du numérique… 

Nous accor­dons, par ailleurs, une atten­tion par­ti­cu­lière à la res­pon­sa­bi­li­té socié­tale et envi­ron­ne­men­tale de notre éco­sys­tème. Nous avons, par exemple, lan­cé la pla­te­forme Cyber4Tomorrow qui met en avant un cer­tain nombre d’actions qui peuvent per­mettre aux res­pon­sables de la cyber­sé­cu­ri­té de dimi­nuer leur impact carbone…

“La raison d’être du Campus Cyber, comme précédemment évoqué, est d’inverser le rapport de force, de mieux protéger notre société et de faire rayonner l’excellence française.”

Ces ini­tia­tives per­mettent de mieux mailler l’écosystème cyber natio­nal et de créer une dyna­mique col­lec­tive en don­nant la pos­si­bi­li­té à des acteurs issus de dif­fé­rents uni­vers de mieux se connaître, se com­prendre et tra­vailler ensemble pour être plus fort ensemble. Cela per­met aus­si de rap­pro­cher l’offre et la demande en matière de cyber­sé­cu­ri­té, mais aus­si de favo­ri­ser l’innovation.

À une échelle inter­na­tio­nale, nous mul­ti­plions éga­le­ment les actions pour faire rayon­ner l’excellence fran­çaise en Europe et le reste du monde. Nous avons ain­si créé le consor­tium CYBIAH qui est finan­cé par la Com­mis­sion euro­péenne et la région Île-de-France et dont la voca­tion est de rendre acces­sible la cyber­sé­cu­ri­té aux acteurs les moins matures, notam­ment les PME, les col­lec­ti­vi­tés ter­ri­to­riales… Dans ce cadre, le Cam­pus Cyber a un rôle d’interface et de tiers de confiance. Nous cher­chons à rendre les offres et les solu­tions en matière de cyber­sé­cu­ri­té plus lisibles pour ce public tout en les sen­si­bi­li­sant à l’importance crois­sante de ce sujet. C’est un enjeu de taille, alors que 95 % de notre tis­su éco­no­mique est com­po­sé de PME qui vont, par ailleurs, bien­tôt être sou­mises à la direc­tive NIS‑2 qui vise à éle­ver le niveau glo­bal de cyber­sé­cu­ri­té par l’application de règles har­mo­ni­sées et simplifiées. 

Qu’en est-il des prochains jalons et étapes à déployer dans le cadre de ce projet ? 

Forts de ces 3 pre­mières années ponc­tuées de réa­li­sa­tions struc­tu­rantes et de suc­cès, il s’agit aujourd’hui de faire rayon­ner l’écosystème fran­çais afin qu’il soit plus visible et recon­nu pour son excel­lence au niveau inter­na­tio­nal. Chaque année, nous rece­vons ain­si au sein du Cam­pus Cyber plus d’une cin­quan­taine de délé­ga­tions étran­gères. Nous avons accom­pa­gné la créa­tion du Cam­pus Cyber litua­nien. Nous col­la­bo­rons avec nos homo­logues alle­mands qui tra­vaillent éga­le­ment sur la créa­tion de leur Cam­pus Cyber. Il en est de même aux Pays-Bas. Cela contri­bue, par ailleurs, à créer un réseau qui doit per­mettre de valo­ri­ser le lea­der­ship fran­çais et euro­péen en matière de cyber­sé­cu­ri­té. Nous cher­chons aus­si à faire émer­ger des cham­pions fran­çais et euro­péens. Nous invi­tons les acteurs de la cyber­sé­cu­ri­té à « chas­ser en meute » sur la scène inter­na­tio­nale au tra­vers de la filière cyber de Team France afin d’augmenter les parts de mar­ché des entre­prises fran­çaises et européennes. 

En paral­lèle, il s’agit aus­si de garan­tir notre sou­ve­rai­ne­té tech­no­lo­gique, de mieux maî­tri­ser nos dépen­dances par rap­port à cer­taines tech­no­lo­gies et, in fine, de favo­ri­ser l’innovation et la R&D. Sur ce sujet, le Cam­pus Cyber a un rôle de cata­ly­seur et de créa­teur de syner­gies entre le monde de la recherche publique, les indus­triels, les édi­teurs, les écoles. Aujourd’hui, nous sommes par­ti­cu­liè­re­ment concen­trés sur l’IA pour mieux auto­ma­ti­ser et inté­grer les solu­tions cyber, sécu­ri­ser cette tech­no­lo­gie en rap­pro­chant experts cyber et data scien­tists. En paral­lèle, nous cher­chons à anti­ci­per l’arrivée de la cryp­to­gra­phie post-quan­tique (PQC) en favo­ri­sant les recherches et cas d’usage, en conso­li­dant les acteurs du quan­tique et en les arti­cu­lant sur le modèle de la pla­te­forme Open­X­DR qui har­mo­nise et rend inter­opé­rables les briques tech­no­lo­giques. Plus que jamais, il est essen­tiel de pré­pa­rer dès main­te­nant l’écosystème à cette pro­chaine révo­lu­tion technologique. 

Quelques mots sur les Campus Cyber territoriaux. Pourquoi est-ce nécessaire d’avoir une dynamique territoriale en matière de cybersécurité ? 

Parce qu’il est essen­tiel d’avoir des éco­sys­tèmes dyna­miques et créa­teurs de valeur sur l’ensemble du ter­ri­toire natio­nal, nous avons faci­li­té la créa­tion de cam­pus cyber­ter­ri­to­riaux. À ce jour, nous en comp­tons déjà 5 loca­li­sés dans les Hauts-de-France, la Nou­velle-Aqui­taine, la Région Sud, en Bre­tagne et en Nor­man­die. D’autres cam­pus ter­ri­to­riaux sont en cours de réflexion. Nous accom­pa­gnons leur créa­tion, les label­li­sons, favo­ri­sons la créa­tion de syner­gies à une échelle ter­ri­to­riale et natio­nale, valo­ri­sons les spé­ci­fi­ci­tés et les points forts de chaque campus. 

Comment contribuez-vous à la lutte contre la cybercriminalité et la cyber menace qui pèsent toujours plus fortement sur les entreprises et les institutions ? 

Les cybe­rat­ta­quants ont plu­sieurs moti­va­tions. Tout d’abord, l’appât du gain avec des cyber­cri­mi­nels qui vont, par exemple, blo­quer le sys­tème d’entreprises pour leur deman­der des ran­çons. La seconde prin­ci­pale moti­va­tion est l’espionnage qui a de très lourdes consé­quences pour les entre­prises et les États. Enfin, la troi­sième moti­va­tion repose sur la volon­té de désta­bi­li­ser et sabo­ter, notam­ment dans des contextes mar­qués par une cer­taine insta­bi­li­té géo­po­li­tique ou économique. 

Selon un rap­port du COMCYBER-MI (minis­tère de l’Intérieur), près de 300 000 atteintes numé­riques ont été enre­gis­trées en 2023, soit une hausse de plus de 40 % en 5 ans. Pour lut­ter contre cette menace, en France, plu­sieurs acteurs se mobi­lisent. Les prin­ci­paux étant l’ANSSI, le par­quet J3 et le COMCYBER-MI. Au sein du Cam­pus Cyber, nous héber­geons d’ailleurs le COMCYBER-MI ain­si que les équipes de l’Unité natio­nale cyber. Ensemble, nous tra­vaillons essen­tiel­le­ment sur deux volets pour lut­ter contre ces menaces : le par­tage d’information et les retours d’expériences, d’une part, et la for­ma­tion, d’autre part. 

Campus Cyber

Au cœur des sujets qui mobilisent l’écosystème, on retrouve la question de la pénurie de talents et de l’attractivité des métiers de la cybersécurité. Dites-nous en plus. 

Aujourd’hui, la pénu­rie de talents, c’est plus de 60 000 postes non pour­vus. Au sein du Cam­pus Cyber, nous nous atta­chons à mettre en visi­bi­li­té et à pro­mou­voir l’excellence des orga­nismes de for­ma­tion membres du Cam­pus, comme l’EPITA, l’ESILV, HS2 ou Gali­leo Edu­ca­tion. Dans cette démarche, notre objec­tif est double : rap­pro­cher les étu­diants et les entre­prises et de rendre plus attrac­tives les formations.

En paral­lèle, le Cam­pus Cyber pilote le consor­tium Talents Cyber, finan­cé par France2030, com­po­sé de par­te­naires publics, dont Radio France, l’ONISEP, Pix, le CNED ou encore des Uni­ver­si­tés, dont la voca­tion est de faire face à la pénu­rie de pro­fes­sion­nels de la cyber­sé­cu­ri­té en tra­vaillant sur l’attractivité, l’orientation et la for­ma­tion des étu­diants et ensei­gnants. Sur le ter­rain, cela se tra­duit par de nom­breuses réa­li­sa­tions, comme le lan­ce­ment d’Evolution, une pla­te­forme d’intermédiation entre les employeurs, les for­ma­teurs et les étudiants.

“Selon un rapport du COMCYBER-MI (ministère de l’Intérieur), près de 300 000 atteintes numériques ont été enregistrées en 2023, soit une hausse de plus de 40 % en 5 ans.”

Nous avons éga­le­ment orga­ni­sé avec l’association le CEFCYS (Cercle des Femmes de la Cyber Sécu­ri­té) un job dating fin novembre 2024. Par­mi les plus de 700 ins­crits, 35 % étaient des femmes et 27 % des per­sonnes en recon­ver­sion, ce qui démontre que nos efforts pour pro­mou­voir la diver­si­té com­mencent à por­ter leurs fruits. Nous accueillons éga­le­ment des classes de col­lé­giens et de lycéens au Cam­pus un ven­dre­di par mois en lien notam­ment avec l’association Women4Cyber. À ce jour, c’est plus de 2 000 per­sonnes qui ont été for­mées et 8 000 sen­si­bi­li­sées grâce à ces actions. 

En 2025 et 2026, nous sor­ti­rons nos prin­ci­pales réa­li­sa­tions : des pod­casts fic­tion­nés acti­vant des influen­ceurs sur les réseaux sociaux, des CTF, des fiches et films métiers, des par­cours de for­ma­tion, des réfé­ren­tiels de com­pé­tences ou des serious games… Il reste encore beau­coup à faire pour mon­trer tout le sens de nos métiers, cas­ser les biais en tra­vaillant l’imaginaire et atti­rer de nou­veaux talents !

Quels seront les moments forts de 2025 pour le Campus Cyber ?

Début février, nous avons bien évi­dem­ment par­ti­ci­pé au som­met sur l’IA. En paral­lèle, nous sommes par­tie pre­nante de l’équipe d’organisation de l’exercice de crise sur l’IA orga­ni­sé par l’ANSSI au Cam­pus Cyber. 

Début octobre se tien­dra Cybe­rE­co 3, « Cyber­sé­cu­ri­té, IA et sup­ply chain, ensemble pour un envi­ron­ne­ment sécu­ri­sé », dont un des objec­tifs est de faire mon­ter le niveau de matu­ri­té cyber des PME d’Île-de-France. Ce début d’année est aus­si mar­qué par un chan­ge­ment de gou­ver­nance avec l’arrivée d’un nou­veau pré­sident. Nous sommes actuel­le­ment en pleine pré­pa­ra­tion de la phase de transition ! 


Pour en savoir plus : https://campuscyber.fr/

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