Hydroélectricité, un secteur en plein développement en France Barrage hydroélectrique

Barrages levés ?

Dossier : Le mot du présidentMagazine N°803 Mars 2025
Par Loïc ROCARD (X91)

L’hydroélectricité est un sec­teur riche de tech­ni­ci­té et d’enjeux géo­po­li­tiques. Fabri­quer de l’énergie élec­trique grâce au cycle de l’eau revêt un carac­tère aus­si magique (re-nou-ve-lable) que de le faire à par­tir du vent ou de la lumière. Si l’on com­prend les limites de ces pro­cé­dés, consom­ma­teurs de fon­cier, inter­mit­tents, gour­mands en matières d’importation et gros pro­duc­teur de déchets, on peut trou­ver plus de ver­tus à l’électricité hydrau­lique. Son empreinte envi­ron­ne­men­tale est éga­le­ment une limite, mais sa chaîne indus­trielle hau­te­ment contrô­lable voire pure­ment locale, et la pilo­ta­bi­li­té sur le réseau élec­trique sans com­pa­rai­son avec celle des autres EnR. On pour­rait pen­ser, en des temps de repli stra­té­gique, que l’hydroélectricité est une filière à pous­ser particulièrement.

Or l’examen de la longue durée – ou du jour­nal que vous tenez dans les mains – ne dit pas cela.

On sait que la Chine est deve­nue à la fin du XXe siècle l’atelier manu­fac­tu­rier pla­né­taire, que les pays riches se sont dés­in­dus­tria­li­sés pour s’y appro­vi­sion­ner moins cher et qu’au XXIe siècle les posi­tions qu’elle a prises dans le haut de la chaîne de valeur ont fini par lui faire jouer jeu égal avec l’hégémon étatsunien.

Mais pour par­ve­nir à cela il fal­lait à l’empire du Milieu du car­bu­rant dans le moteur que toutes les sources d’énergie pos­sibles n’étaient pas de trop pour four­nir. On est tout de même frap­pé de consta­ter qu’en 30 ans c’est d’un fac­teur 10 que la Chine a mul­ti­plié sa puis­sance hydro­élec­trique dis­po­nible (cf. p. 28), pen­dant que celle de l’Europe aug­men­tait d’un 13 seule­ment et celle de l’Amérique du Nord d’1/6 : à part en Asie, et en dépit de besoins en crois­sance forte, l’hydro­électricité a tenu un rôle mineur dans l’ajustement entre l’offre et la demande d’énergie élec­trique dans le monde.

C’est par­ti­cu­liè­re­ment vrai en France, où la puis­sance hydro­élec­trique ins­tal­lée est à peu près constante au fil du temps, en dépit des avan­tages qu’il y aurait à la voir grossir.

Le déve­lop­pe­ment de l’hydro est un révé­la­teur de la matu­ri­té des infra­struc­tures du pays comme de la capa­ci­té poli­tique à mettre en œuvre des grands pro­grammes d’équipement. Qu’il s’agisse de bar­rages-réser­voirs clas­siques ou des sto­ckages dyna­miques (STEP) qui gardent l’énergie poten­tielle pour adap­ter leur relâche à la demande, ce sont tou­jours des pro­jets lourds, avec une empreinte loca­li­sée mais mas­sive, qui appellent des com­pro­mis environ­nementaux moins faciles à faire adve­nir en France qu’en Chine ou qu’en 1960.

S’agissant de la situa­tion hexa­go­nale, on a aus­si en tête que le sec­teur élec­trique est régi par le droit de l’Union euro­péenne, com­mu­nau­té tra­ver­sée d’agendas natio­naux dis­tincts et que la France, avec un acteur domi­nant et la place cen­trale du nucléaire, est en butte à une adver­si­té plus ou moins expli­cite. La que­relle autour de l’hydro­électricité est mas­quée par celles des tarifs régu­lés et du par­tage de l’accès à la pro­duc­tion nucléaire mais elle est vive.

La majo­ri­té des grands bar­rages fran­çais sont contrô­lés par EDF, au tra­vers de contrats de conces­sion de longue durée dont cer­tains ont même dépas­sé leur échéance, si bien que la France est pla­cée sous l’injonction com­mu­nau­taire depuis une dou­zaine d’années d’en ouvrir cer­tains à la concur­rence. Sujet com­pli­qué poli­ti­que­ment et socia­le­ment, depuis des années et sans résul­tat opé­ra­tion­nel il occupe les minis­tères suc­ces­sifs et les cabi­nets de juristes. Ne dou­tons pas que la fièvre obsi­dio­nale qui pour­rait s’emparer de l’Europe, prise entre les États-Unis, la Chine et la Rus­sie, l’aidera à sor­tir de cer­taines impasses com­mu­nau­taires comme celle-là. Et qu’alors l’hydroélectricité pour­ra trou­ver en France la voie d’un cer­tain renouveau.

À pro­pos, per­met­tez-moi de saluer ici Yves Demay, qui après de nom­breuses années de ser­vice, dont les huit der­nières comme délé­gué géné­ral de l’AX, a sou­hai­té ouvrir une nou­velle page per­son­nelle et remettre son tablier dans les mois qui viennent. Camille Labo­rie repren­dra le flam­beau. Elle dirige aujourd’hui l’association des anciens de l’École des ponts et nous sommes ravis de lui voir prendre la suite d’Yves qui a tant fait pour l’animation et l’amitié au sein de notre com­mu­nau­té. Avec nos remer­cie­ments et notre ami­tié, et bien­ve­nue à Camille !

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