Ban Zheng (05), tisseur de liens entre la Chine et la France

Dossier : AtypiXMagazine N°Ban Zheng (05), tisseur de liens entre la Chine et la France
Par Ban ZHENG (05)

Étu­diant à l’Université Tong­ji à Shan­ghai, Ban se voit pro­po­ser en 2005 une place à l’X et une bourse Eif­fel. Que connaît-il alors de notre pays ? La trans­plan­ta­tion est certes un peu rude. A Cher­bourg, ville plus connue pour ses para­pluies que pour son art de vivre, où il fait ses classes durant l’automne, il sera pri­vé du contact avec la jeune France remuante.

Mais il garde un sou­ve­nir enthou­siaste de l’incroyable hos­pi­ta­li­té de ses hôtes. De sa famille d’accueil et du Noël qu’il y fêta ; de cette dame qui le prit en stop un jour de panique et refu­sa le billet de 10 € qu’il lui ten­dait ; de la visite au Mont Saint-Michel et de la tour­née à bord de l’Abeille Liber­té que lui offrit son école… Il voit le peuple fran­çais à leur image.

Cette image a pu être depuis lors fugi­ti­ve­ment brouillée par des évè­ne­ments incom­pré­hen­sibles. Il y eut cette bous­cu­lade dont fut vic­time une jeune ath­lète chi­noise han­di­ca­pée por­teuse de la flamme olym­pique, au pied de la Tour Eif­fel, en 2008. La Chine était alors mon­trée du doigt en France pour sa poli­tique tibétaine.

Mais Ban a com­pris que le Fran­çais aime par-des­sus tout cri­ti­quer, y com­pris lui-même et ses diri­geants. Il lui accorde désor­mais son ami­cale indulgence.

Pour lui en revanche, les anciens méritent un res­pect incon­di­tion­nel. Il cite Confu­cius : « Si quelqu’un a été ton pro­fes­seur pen­dant un jour, il reste ton père pen­dant toute la vie. » A l’X, Ban est ain­si très à l’aise avec la condi­tion militaire.

Seules lui manquent quelques petites dou­ceurs chi­noises, le tofu, les cham­pi­gnons noirs… qu’avec ses copains Chi­nois il part en expé­di­tion, le week-end, cher­cher dans le 13e chez Tang Frères.

A l’X, il béné­fi­cie de l’opération par­rai­nage lan­cée tout récem­ment par l’AX. Avec Emma­nuel, son par­rain, X 67, et avec sa famille nom­breuse (4 enfants de son âge), se nouent d’emblée des rela­tions qui res­tent aujourd’hui très fra­ter­nelles. Ain­si, à Noël 2007, c’est avec toute la famille qu’il retourne au pays.

Leur expé­di­tion, de Pékin à Hangz­hou en pas­sant par Xi’an, Pin­gyao et les Mon­tagnes jaunes, a lais­sé des traces : ain­si Noë­mie, l’une des filles d’Emmanuel, a mor­du au chi­nois, et depuis lors fait un stage à la repré­sen­ta­tion de la Com­mis­sion euro­péenne à Pékin et inté­gré l’Institut uni­ver­si­taire euro­péen de Florence.

Ban veut sin­cè­re­ment rendre un peu de ce qu’il a reçu ici. Ain­si, lorsqu’à 25 ans il est por­té à la pré­si­dence de l’Association ami­cale fran­co-chi­noise de Paris­Tech (AFCP), qui regroupe les Chi­nois anciens élèves des grandes écoles d’ingénieurs pari­siennes, il se lance très vite dans le pro­jet d’accueillir les étu­diants fran­çais en stage en Chine.

L’enjeu est de taille : alors qu’en nombre encore modeste mais crois­sant, les jeunes Fran­çais sou­haitent décou­vrir le temps d’un stage le nou­veau géant asia­tique, ses portes res­tent encore bien fer­mées. La langue est évi­dem­ment un obs­tacle. Plus diri­mante est la cou­pure beau­coup plus tran­chée, en Chine, entre l’Université et l’entreprise.

Celle-ci se méfie de la for­ma­tion trop aca­dé­mique dis­pen­sée aux étu­diants. Elle craint de perdre son temps à enca­drer des jeunes qui res­te­ront impro­duc­tifs le temps du stage. Inver­se­ment, les jeunes Chi­nois en France ont pris goût aux stages et à la liber­té créa­trice qu’ils offrent. Ban et ses amis, avec l’aide de Yan­nick Beni­chou, X 2003 de retour de Tsing­hua où il a étu­dié l’ingénierie nucléaire, insistent.

Avec le pro­gramme qu’il a lan­cé pour aider les étu­diants fran­çais à trou­ver un stage en Chine, jusqu’en 2014, Ban a à son actif 180 stages, dont 5 à 6 offerts par l’un de ses oncles, PDG d’une socié­té de pro­mo­tion et de ser­vice des équi­pe­ments médi­caux fran­çais en Chine et pré­sident de la Fon­da­tion Boxiao ins­ti­tuée sous l’égide de la Fon­da­tion de France pour ren­for­cer la coopé­ra­tion fran­co-chi­noise scien­ti­fique et technologique.

Ban est convain­cu que la bonne volon­té sans esprit de pro­fit est payante. Si des per­son­na­li­tés chi­noises aus­si émi­nentes que Madame Wu Qidi ou Mes­sieurs Wan Gang et Chen Zhu répondent volon­tiers à son appel (Chen Zhu, vice-pré­sident du Comi­té per­ma­nent de l’Assemblée natio­nale popu­laire de Chine, ancien ministre de la san­té, déli­vre­ra un mes­sage vidéo de bien­ve­nue aux par­ti­ci­pants au col­loque anni­ver­saire de l’AX, le 10 décembre 2015), c’est, il en est convain­cu, qu’ils le savent désintéressé.

Ban tra­vaille dans la finance, à la Socié­té géné­rale. Pour l’argent ? Non. « Si je suis allé dans la finance, c’est parce que c’est le sec­teur le plus inter­na­tio­nal. Au contraire de l’aéronautique ou du nucléaire, le risque de fuite des secrets de l’entreprise y est plei­ne­ment assumé.

Je pré­fère tra­vailler et vivre libre, d’où ce choix. D’ailleurs, la finance n’est plus aus­si rému­né­ra­trice qu’avant. Celui qui veut gagner de l’argent doit plu­tôt viser l’entrepreneuriat et les start ups. » Ban est quant ana­lyst. Il a sou­te­nu der­niè­re­ment une thèse de haute volée en mathé­ma­tiques appli­quées. Il ne perd pas de vue son pays natal où il se rend volon­tiers à la faveur des vacances.

« La bulle finan­cière vient de cre­ver en Chine. C’est la preuve qu’on y a besoin de cher­cheurs et d’ingénieurs aptes à assu­rer la sta­bi­li­té financière. »

Il y a 6 ans, Ban a fait la connais­sance dans la cui­sine de la Fon­da­tion Lucien Paye à la Cité Uni­ver­si­taire, d’une jeune com­pa­triote, Yan­jia. Ils se sont mariés à la mai­rie du 15e. L’officier d’état-civil a bien un peu écor­ché leur nom… Pas grave, ils ont ins­tal­lé leur nid d’amour aux portes de Paris.

De là, on peut les croi­ser, le ven­dre­di soir dans le métro, sac au dos, en par­tance pour quelque coin de la France pro­fonde. Leur pays d’adoption comme leur pays natal ont tis­sé dans leur cœur un autre réseau inextricable.

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