BADGE : les raisons d’investir dans les start-up de la greentech

BADGE : les raisons d’investir dans les start-up de la greentech

Dossier : Expressions | Magazine N°807 Septembre 2025
Par Paul LEONDARIDIS (X78)
Par Michaël SCHACK (X78)
Par Christian NGUYEN-VAN-YEN

Les Business Angels des Grandes Écoles (BADGE) ont été créés il y a vingt ans. Leur objectif est le soutien au développement d’entreprises innovantes à fort potentiel de croissance et leur financement. Le bilan de leur action est particulièrement positif. Ils ont notamment investi dans des start-up emblématiques de la greentech. En voici quelques exemples remarquables. 

Michael, peux-tu nous expliquer pourquoi selon toi investir dans des greentech est une manière essentielle de promouvoir la transition écologique ?

Après avoir contribué à la mise en place de la raison d’être d’Engie qui est d’accompagner ses clients vers la neutralité carbone (voir l’article « entreprises » dans le dossier de la J&R n° 800 sur l’urgence écologique), j’ai ressenti un besoin vital de contribuer plus activement à la transition écologique. Depuis ma retraite en 2022, je forme des conseils municipaux à la transition énergétique et j’accompagne plusieurs villes comme assistant de maîtrise d’ouvrage dans leurs projets de décarbonation ; je suis par ailleurs formateur professionnel de la Fresque du climat et j’essaie de contribuer utilement à X Urgence écologique. Mais une grande partie de mon temps est consacrée au sourcing de BADGE (Business Angels des Grandes Écoles) et à mentorer des porteurs de projet de start-up ayant souvent une composante de transition écologique.

J’ai investi moi-même depuis 2022 dans une quinzaine de start-up, en majorité dans la greentech, dont celles citées par Christian Nguyen ci-dessous. En effet, si nous avons beaucoup de solutions technologiques permettant de décarboner notre économie comme la mobilité verte, les énergies électriques renouvelables ou les réseaux de chaleur et de froid décarbonés, l’innovation, en particulier les start-up de la greentech, peuvent apporter une contribution déter­minante dans le changement de mode de vie et de modèle économique pour nous rapprocher d’un modèle soutenable.

Paul, en tant que président d’un des plus importants réseaux français de Business Angels et membre du comité exécutif de leur fédération nationale, pourrais-tu nous parler de l’écosystème de l’innovation et des start-up en France ?

L’innovation caractérise l’espèce humaine. Le progrès s’accélère au fil du temps, aujourd’hui tous les acteurs économiques ont compris que pour durer il est nécessaire d’innover continuellement. Au xxe siècle, l’innovation technologique était encore l’affaire des groupes industriels. Progres­sivement l’initiative est devenue individuelle, portée par des entrepreneurs jeunes et moins jeunes. Des incubateurs ont été créés pour favoriser le développement des jeunes pousses puis des accélérateurs, ainsi que des initiatives prestigieuses telles que la station F (le plus grand campus de start-up au monde créé par Xavier Niel en 2017, situé dans la halle Freyssinet, à Paris). Les grandes écoles ont pris conscience tardivement de cette évolution mais ont réagi avec force, créant des mastères entrepreneuriaux. Elles sont quasiment toutes dotées d’incubateurs. Le Drahi – X Novation Center sur le campus de l’X est un modèle.

Nos gouvernants sont conscients de l’importance qu’il y a à favoriser l’innovation. Le Royaume-Uni, première place financière européenne, a toujours été en tête sur notre continent. Bpifrance, entité publique soutenant la création d’entreprises et les initiatives innovantes, a été créée le 31 décembre 2012. La nécessité de soutenir l’innovation par des moyens diversifiés est reconnue en France au plus haut niveau de l’État. Le salon VivaTech participe au rayonnement de la France et apporte un complément au CES de Las Vegas, qui demeure la référence. En résumé, l’écosystème repose sur plusieurs piliers : l’initiative humaine et son formidable génie créateur ; l’éducation scolaire et universitaire permettant de favoriser l’émergence des talents ; l’écosystème permettant aux jeunes pousses (start-up) de se développer ; les aides publiques amorçant la prise de risque entrepreneuriale ; le financement, notam­­ment celui des particuliers.

Ces investisseurs privés, dénommés « Business Angels » financent et accompagnent les jeunes entreprises en développement. Ils prennent un risque important de perte en capital en contrepartie de gains potentiels élevés si la start-up réussit. Beaucoup de Business Angels se sont structurés en réseaux associatifs, il en existe une soixantaine en France. Notre camarade Paul Midy (X03), député de l’Essonne Paris-Saclay, est à l’origine de plusieurs mesures favorisant les jeunes entreprises innovantes (JEI), car elles sont l’avenir du pays. Parmi les nombreuses mesures du dispositif, il existe une possibilité de réduire son impôt sur le revenu des personnes physiques de 30 % des versements effectués au titre des souscriptions au capital d’une JEI, encourageant ainsi la prise de risque que constitue l’investissement dans une start-up.

Et peux-tu nous présenter rapidement BADGE (Business Angels des Grandes Écoles), que tu présides ?

Les Business Angels des Grandes Écoles ont été créés il y a vingt ans à l’initiative d’anciens de l’X, des Mines et des Ponts et Chaussées, sous le nom de XMP-BA. Devenu le premier réseau de France, il compte à ce jour plus de 300 membres adhérents. Son objectif est le soutien au développement d’entreprises innovantes à fort potentiel de croissance et leur financement. Pour cela, le réseau des Business Angels des Grandes Écoles (BADGE) : met en relation les entrepreneurs avec les Business Angels investisseurs ; noue des relations avec les principaux incubateurs et accélérateurs, notamment ceux créés au sein des grandes écoles ; apporte soutien méthodologique et formation aux Business Angels ; organise l’accompagnement de ces jeunes entreprises ; facilite la création de groupes de Business Angels dans les associations d’anciens élèves des grandes écoles.


“Depuis 2005 BADGE a financé 239 entreprises
en apportant plus de 55 M€.”

Ses adhérents, aux expériences professionnelles reconnues, ont participé en 2024 à 29 levées de fonds, apportant 4,10 M€ aux entreprises en fort développement. Depuis 2005, les Business Angels des Grandes Écoles ont ainsi financé 239 entreprises en apportant plus de 55 M€ qui, par effet de levier sur d’autres sources de financement, ont généré plus de 140 M€ d’apport de capitaux dans ces entreprises.

Christian Nguyen, vous êtes un investisseur « historique » dans la greentech.

« Historique » dans un premier sens est un bien grand mot, car je n’ai commencé qu’il y a cinq ans ; mais historique au sens où investir dans des start-up technologiques suppose de s’inscrire dans le temps long et de ne pas exiger de rentabilité à court terme, je confirme ! Investir dans des start-up technologiques vertes est un projet construit avec mon épouse Marie-Ange à l’aube de nos retraites. Il est clair que la technologie n’est pas une solution suffisante à la crise climatique, mais qu’elle est nécessaire.

Nous avons investi jusqu’à présent dans 11 start-up, dans plusieurs sous-domaines des greentech, et exclusivement dans des greentech : ingénierie de la géoénergie (GeoSophy), recyclage des aimants à terres rares (MagREEsource), climatisation sans rejet d’air chaud (Caeli Energie), mais également protections solaires intelligentes pour vitrages (Immoblade), ingénierie de l’économie circulaire (Inex Circular), robots autonomes de désherbage des grandes cultures (Cyclair), substituts à la viande à base de chanvre fermenté (AuraLIP), bornes de recharge de véhicules électriques (Wattpark), et bien d’autres. Les fondatrices et fondateurs de ces sociétés ont tous une formation scientifique ou technique, une ambition entrepreneuriale et la volonté de contribuer fortement à la transition écoénergétique.

Badge investit dans des start-up de la greentech comme Caeli Energie et propose un système de climatisation sans rejet d’air chaud.

Pouvez-vous nous présenter quelques start-up dans lesquelles vous avez investi, illustrant le dynamisme de la greentech en France au service de la transition écologique ?

À titre d’exemple, Alice Chougnet et Jacques Goulpeau, fondateurs de GeoSophy, commer­cialisent une suite logicielle unique permettant d’évaluer si la géoénergie (i.e. géothermie sur nappe ou sondes à 200 m au plus) est une bonne solution pour remplacer les sources énergétiques d’une centrale de chauffage ventilation climatisation, de choisir la configuration optimale en fonction des besoins thermiques des bâtiments et de gérer l’exploitation de la configuration sur la durée. Les chefs de projet de GeoSophy accompagnent ensuite leurs clients (gestionnaires de grands parcs de logements, grandes surfaces de distribution alimentaire, maîtres d’ouvrage de bâtiments de bureaux ou de loisirs, etc.) dans le déploiement et l’exploitation de leurs solutions. Le développement de la géoénergie a été jusqu’à présent lent, car cette source d’énergie est perçue comme complexe. GeoSophy met désormais cette source d’énergie complètement renouvelable à la portée de tous les maîtres d’ouvrage.

Erick Petit et Sophie Rivoirard, eux, ont créé MagREEsource pour industrialiser un process de recyclage d’aimants à terres rares mis au point dans un laboratoire du CNRS de Grenoble. Résumé de manière très succincte, le process consiste à fracturer les aimants usagés par hydruration (agrégation du métal aimanté avec un atome d’hydrogène) pour produire une poudre que l’on reconditionne ensuite en aimants tout en ôtant l’hydrogène.

C’est un processus qui permet une circularité quasi illimitée de ces matières premières et qui répond ainsi à la fois à une problématique de souveraineté européenne et nationale, les aimants à terres rares étant aujourd’hui quasi exclusivement sourcés en Chine, et à une problématique d’accompagnement du déploiement des énergies renouvelables (moteurs électriques, éoliennes, etc.) très gourmandes en aimants à terres rares. Une ligne pilote de 50 tonnes est en cours de démarrage dans l’agglomération grenobloise et une capacité de plusieurs centaines de tonnes pourra ensuite être installée d’ici quelques années.

Quant à Rémi Pérony et Stéphane Lips, ils développent avec Caeli Energie un climatiseur d’un genre nouveau. Le confort d’été est désormais un besoin qui est pris en compte dans les normes de construction, mais y répondre en installant de plus en plus de pompes à chaleur qui rejettent de l’air chaud dans l’atmosphère ne fait qu’aggraver le problème. Le climatiseur de Caeli n’a pas ce grave inconvénient, car il utilise le principe du refroidissement adiabatique indirect. Il comprend des modules évapo-échangeurs au sein desquels l’air extérieur est refroidi dans des canaux secs refroidis par évaporation d’eau circulant dans des canaux humides au contact des canaux secs. Ce principe est utilisé depuis longtemps dans des appareils de très grande taille intégrés dans des centrales de traitement de l’air de grands entrepôts.

Les ingénieurs de Caeli ont réussi à réduire très fortement la taille des évapo-échangeurs pour les rendre utilisables dans des logements et des bureaux. Le premier appareil qui est en phase d’industrialisation et de commercialisation, le Caeli One, permet de rafraîchir des pièces jusqu’à 25 m² à la température réglementaire de 25 °C avec une consommation électrique quatre fois plus faible que celle des clima­tiseurs classiques, sans fluide frigorigène et sans rejet d’air chaud à l’extérieur.

Autant d’initiatives offrant beaucoup d’espoir sur notre capacité à réduire significativement l’impact environnemental de nos activités.

Michael, quel message as-tu envie de faire passer en guise de conclusion ?

J’espère que nos témoignages et les évocations de ces quelques start-up emblématiques dans la greentech financées et accompagnées par BADGE auront donné l’envie de contribuer au développement de l’écosystème de l’innovation en France, et plus particulière­ment de la greentech au service de la transition écologique, un enjeu existentiel pour nous tous ! Pour devenir Business Angel, pas besoin d’être richissime : il suffit de disposer de quelques dizaines de milliers d’euros de capacité d’investissement de long terme par an et de quelques jours par mois de temps disponible pour s’investir dans des dossiers et accompagner des porteurs de projet. 

Pour plus d’informations 
https://business-angels.info et/ou contacter paul.leondaridis@business-angels.info ou schack.michael@outlook.com

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